Clément Barniaudy, Maître de conférences en géographie, UM/LIRDEF
clement.barniaudy@umontpellier.fr
Prendre soin du milieu, préserver la Terre :
le care au service d’une éthique de l’action
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La crise environnementale planétaire et le réchauffement climatique ont imposé de nouvelles tonalités à nos manières de penser et d’agir sur Terre. Désormais placé sous le signe de la vulnérabilité et de la résilience, l’aménagement des territoires ne peut ignorer les conséquences de ses paradigmes d’action sur l’équilibre des milieux habités incluant les mondes humains et non humains. Mais comment répondre aux risques d’effondrement global sans retomber dans une utopie technicienne du contrôle qui ne cesse de faire violence aux relations subtiles que tissent les habitants au sein de leur milieu ?
Notre hypothèse consiste ici à explorer l’intérêt d’une éthique du care pour penser à la fois le souci et le soin du milieu et de la Terre dans son ensemble. Avant d’initier cette réflexion et de l’ancrer dans la réalité du terrain, nous proposons ici de partir d’une étude de cas réalisé dans le cadre de notre thèse de doctorat (Barniaudy, 2016) permettant de situer quelques-uns des grands enjeux d’aménagement actuels.
L’oubli du milieu habité en aménagement : l’exemple de « l’ensemble éolien catalan »
L’ensemble éolien catalan constitue une étude de cas particulièrement intéressante pour notre sujet tant elle regroupe une grande partie des enjeux actuels concernant le rapport entre aménagement du territoire, milieu et habiter.
A son origine, en 2008, le parc éolien s’inscrit dans un projet plus large de production d’énergies renouvelables (électricité d’origine éolienne, solaire, biologique et réseau de chaleur) regroupées sur un territoire relativement restreint, à l’ouest du périmètre de l’intercommunalité « Perpignan Méditerranée Communauté d’Agglomération » (PMCA). Ce projet appelé « éco-parc catalan » et porté par PMCA, concerne alors quatre communes : Pézilla-la-Rivière, Villeneuve-la-Rivière, Baixas et Villeneuve-la-Rivière. Le parc éolien réalisé, dix ans après le lancement du projet, constitue effectivement la pièce majeure du projet initial avec l’installation de 35 éoliennes pour une puissance totale de 96 MW, ce qui en fait le second parc éolien français fin 2018.
Stratégies et logiques des acteurs porteurs de l’ensemble éolien catalan
Le projet de l’ensemble éolien prend naissance en 2008, suite au Grenelle de l’environnement 1 (Juillet – Octobre 2007), sous l’impulsion de PMCA et en particulier de son président, Jean-Paul Alduy qui perçoit dans les énergies renouvelables un potentiel économique très important pour son territoire. L’ancien maire de Perpignan et président de PMCA de 2000 à 2014 envisage même un projet « unique au monde », le « Futuroscope des énergies renouvelables que le monde entier viendra visiter » (L’Indépendant, 31/01/2012). L’idée pour cet acteur principal du projet est de permettre au territoire perpignanais de gagner en visibilité, de se distinguer en devenant territoire à énergie positive, d’être reconnu donc comme un espace engagé dans dynamiques vertueuses du développement durable.
Précisons que l’énergie éolienne présente un très faible développement dans le département des Pyrénées-Orientales en 2008 alors même que la plaine du Roussillon est identifiée dès la fin des années 1980 comme un des principaux gisements éoliens européens[1]. Ce très faible développement du secteur éolien au niveau local s’inscrit en contradiction avec un contexte global pourtant porteur ; en effet, la filière éolienne devient très rapidement une filière mature au niveau technologique. Elle paraît la plus à même d’assumer la nouvelle orientation des politiques publiques pour réduire le réchauffement climatique et les émissions de gaz à effet de serre. Et malgré les critiques sur le bilan carbone des aérogénérateurs, l’éolienne semble de plus en plus souveraine dans une société postindustrielle qui entend prendre le pli d’un développement durable.
Cette non-exploitation au niveau local d’un des plus grands gisements éoliens d’Europe, dans un contexte global où tout converge vers la production massive des énergies renouvelables, constitue un argument de poids pour PMCA qui diffuse l’idée d’un « retard » absurde du secteur éolien sur son périmètre d’action. Et cette volonté politique affichée par PMCA d’enrayer enfin le retard pris par les Pyrénées-Orientales arrive au moment même (2008) où le projet de ligne à Très Haute Tension (THT ou MAT) entre la France et l’Espagne investit leur territoire administratif. PMCA rencontre alors l’appui d’un acteur de poids dans le secteur énergétique : la nouvelle filiale EDF Energies Nouvelles qui est choisi pour être le développeur éolien du projet et en devient le seul investisseur. EDF EN a par ailleurs commencé à démarcher directement, dès le début des années 2000, des propriétaires viticoles de la plaine, souvent en difficulté économique. Décidé à exploiter le gisement éolien abondant de la plaine du Roussillon, EDF EN privilégie, dans une logique économique et technique, le choix d’un grand parc éolien qui s’intègre bien à la structure du réseau électrique français (très centralisé en raison du poids de l’électricité d’origine nucléaire). Ce choix justifie également l’extension du transformateur de Baixas sur la THT transfrontalière.
Figure 1. Schéma des acteurs porteurs du projet d’ensemble éolien catalan
(Barniaudy, 2016 ; les flèches représentent des interactions, les plus importantes étant plus épaisses)
Le projet d’éco-parc catalan promu par PMCA et EDF EN se construit également grâce au rôle d’acteurs locaux favorables au développement des énergies renouvelables sur leurs communes. Les arguments du développeur éolien repris par les élus consistent à avancer l’idée que, grâce aux taxes liées à l’implantation des éoliennes, le secteur viticole en difficulté mais aussi le patrimoine et la culture locale pourront connaître un second souffle. Enfin, PMCA rencontre l’appui et le soutien d’entreprises et de laboratoires de recherche qui s’inscrivent dans un contexte local bien particulier[2] et entendent développer des supports techniques (logiciels) pour optimiser l’exploitation des parcs éoliens.
Le rôle de PMCA est donc d’avoir été le catalyseur d’un projet de territoire donnant une orientation commune et une unité aux projets existants et portés par différents acteurs (figure 1). Tout semble converger vers la réalisation des intentions de PMCA qui entend faire de son territoire un laboratoire des énergies renouvelables, d’un point de vue scientifique, politique et économique, grâce à des relations vertueuses entre acteurs publics et acteurs privés.
Freins, contestations et conflits autour de l’ensemble éolien catalan
PMCA lance véritablement son projet le 18 janvier 2008 en signant une convention cadre « Grenelle de l’environnement 2015 » avec le ministère de l’écologie et du développement et de l’aménagement durables, les préfets de département et de région. La phase opérationnelle du projet commence alors réellement. Mais rapidement des freins et des contestations apparaissent, débouchant sur un véritable conflit d’aménagement. Outre les freins techniques (en raison d’interférences probables entre les éoliennes projetées et le radar météorologique d’Opoul ainsi que les radars de l’aviation civile et militaire), la contestation se structure autour de trois types d’acteurs.
Les premiers acteurs opposés au projet sont constitués de viticulteurs qui se montrent de prime abord plutôt méfiants envers les propositions d’EDF EN. Le profil type de ces viticulteurs – bien que non homogène – est celui de viticulteurs ayant fait un effort important pour restructurer leur exploitation vitivinicole ; devenus propriétaires-exploitants, ils ont réussi à rendre leurs activités viables économiquement en intégrant un processus parfois long de labellisation en agriculture biologique ou raisonnée. Ils sont ainsi très sensibles à l’avis défavorable au projet énoncé par l’INAO (Institut National de l’Origine et de la Qualité) qui menace de déclasser les appellations d’origine contrôlée (AOC) des vignobles concernés par l’implantation des éoliennes en raison d’une possible dégradations des conditions agronomiques des sols et de la configuration paysagère du vignoble du Riberal. Ces viticulteurs se distinguent donc de ceux qui sont favorables au projet (en plus grand nombre) dont la plupart sont membres de coopératives viticoles en crise. Ils dénoncent une vision comptable à court terme de leurs confrères, attirés par les rémunérations fixes proposées par EDF EN (prix locatif pour les parcelles d’implantations éoliennes et/ou un prix d’indemnité pour les parcelles proches et d’accès), qui ne perçoivent pas les impacts potentiellement négatifs d’installations de type industriel sur la vie et l’image des exploitations viticoles de la région.
Le second type d’acteurs rejetant le projet est composé d’habitants, regroupés en association, des communes limitrophes du parc éolien. Bien que proche des viticulteurs, leurs arguments se font plus savants et portent notamment sur la nécessaire préservation d’un patrimoine naturel exceptionnel (40 espèces préservées, schistes concassés, etc.). Une partie de ces habitants, des néo-ruraux installés récemment dans la zone, s’inquiètent de l’industrialisation d’un « environnement naturel » dans lequel ils entendent profiter du calme, de randonnées à pied sans voiture, de jardins proches de la nature. La contestation des « natifs » du village se structure davantage autour d’une dimension affective et vécue du paysage, dénonçant ce qu’ils ressentent comme une destruction de leur milieu de vie. Certains habitants de Corneilla-la-Rivière insistent par exemple sur l’intrusion inacceptable d’objets démesurés, si proche du massif de Força Real, haut-lieu de leur territorialité :
Moi c’était un terrain, une vigne qui était de mon père, c’est plus du tout à moi… mais là, sur le terrain, on voit… c’est immense… c’est même stressant… on se sent agressé mais vraiment, on se sent agressé physiquement. On avait quelque chose de beau et maintenant pour des enfants du village, c’est terrible (Entretien avec une habitante de Corneilla, 3/12/2015).
L’attaque portée au paysage sensible et naturel est donc aussi une attaque contre ce qui donne sens à la vie du village. Enfin, le troisième type d’acteurs, recoupant parfois les deux autres, est constitué d’élus et d’actifs qui apportent deux nouveaux arguments. Ils critiquent tout d’abord le choix à court terme des énergies renouvelables alors que la vocation économique du territoire est plutôt, pour eux, résidentielle (l’accueil de touristes, de retraités ou de jeunes couples désireux d’élever leur enfant dans un milieu préservé). Mais ce que ces acteurs critiquent aussi et surtout, ce sont les méthodes d’aménagement et les démarches employées par les porteurs du projet ; en effet, selon certains élus de Corneilla-la-Rivière, le projet leur a été présenté comme un projet fini avec des cartes montrant l’emplacement de toutes les éoliennes sans qu’aucune consultation préalable de la municipalité n’ait été effectuée : « Tout était déjà monté avec les photos, tout, les lieux, tout, tout, tout et sans même nous avoir parlé avant » (Entretien avec la mairie de Corneilla, 3/12/15). Et malgré les demandes de concertation puis le recours devant le tribunal administratif de cette municipalité, aucune attention n’est jamais réellement portée à ces habitants du milieu dont les considérations dépassent les simples intérêts économiques pour impliquer toutes les dimensions de l’habiter.
L’ensemble éolien catalan, reflet des difficultés pour dépasser l’impératif moral du développement durable
L’exemple de l’ensemble éolien catalan pose, à notre avis, un problème fondamental qui dépasse le seul domaine de l’aménagement : celui de l’action dans un contexte marqué par une difficile articulation entre les enjeux d’échelle globale et ceux d’échelle locale. Au niveau planétaire, un consensus semble émerger, étayé par une masse critique d’études scientifiques de plus en plus importante, sur la nécessité d’un changement, d’une transition face à l’ampleur des perturbations écologiques et climatiques se manifestant récemment sur Terre. Et c’est cette nécessité même qui est approprié par des acteurs forts – comme la communauté d’agglomération de Perpignan ou EDF Energies nouvelles dans le cas de l’ensemble éolien catalan - justifiant leurs plans d’action par un impératif moral, simple et implacable : il serait irresponsable de ne faire face à l’urgence climatique et environnementale.
Si la nécessité d’un tournant ne semble pas contestable à une échelle globale, on constate pourtant sur le terrain, à l’exemple de ce grand parc éolien proche de Perpignan, une certaine violence des modes d’action choisis par les acteurs pour aménager l’espace. Cette violence est le plus souvent discrète dans le sens où elle invisibilise et exclut un certain nombre d’acteurs « faibles » du territoire, « ceux qui ne crient pas »[3] par exemple dans les réunions de concertation (c’est-à-dire ceux n’ayant pas d’intérêt économique particulier), mais entendent simplement habiter la Terre, dans toutes les dimensions de l’expérience géographique.
Et l’oubli de l’habiter en aménagement se double encore et toujours d’une pensée moderne et dualiste, faisant de la Nature un réservoir de ressources exploitables, un support distinct des sociétés qui les habitent (Barniaudy, 2018). Alors que les discours empreints de durabilité affichent leur mue en vantant l’importance de l’environnement, d’un respect de la nature pour pouvoir transmettre aux générations futures un monde habitable, les pratiques d’aménagement ont en réalité bien du mal à sortir d’un fonctionnement tautologique où les mêmes principes d’action produisent les mêmes effets que ceux à l’origine de la crise environnementale actuelle (Soubeyran, 2014).
Cette étude de cas sur l’ensemble éolien catalan ne constitue donc qu’un exemple de pratiques largement répandues et dominantes en aménagement où la prise en compte du milieu sensible et vécu, des multiples dimensions de l’habiter, est constamment reléguée derrière les arguments technico-économiques. Car ce qui est finalement incompréhensible pour ces habitants opposés au projet de parc éolien, c’est qu’un discours fondé sur des valeurs positives (durabilité, renouvelable) prétende améliorer les conditions d’une bonne habitabilité sur Terre alors même qu’il génère sur le terrain une violence discrète, un sentiment d’injustice face à des logiques et des acteurs n’ayant aucune considération pour leur manière de vivre[4].
De l’intérêt d’une éthique du care pour transformer nos actions
La multiplication des conflits et des controverses en aménagement ne peut se réduire selon nous à une explication de type sociopolitique affirmant que notre société, empreinte de valeurs néolibérales et d’un individualisme exacerbé, ne pourrait plus agir selon une vision commune (Subra, 2018). Plus profondément, ce type de conflit nous semble relever de considérations divergentes dans la manière d’envisager les relations au sein d’une société mais aussi et surtout les rapports entre humains et non humains. C’est donc une question éthique et ontologique, dans le sens qu’en donne plusieurs anthropologues récemment (Descola, 2005 ; Escobar, 2018), qui sous-tend ce genre de conflictualités aujourd’hui. Dès lors, la question difficile qui se pose est la suivante :
Comment prendre soin du milieu habité tout en répondant à la nécessité éthique d’aménager (ou plutôt de ménager) les territoires pour préserver l’habitabilité de la Terre fragilisée par les changements globaux d’origine anthropique ?
L’éthique du care : une éthique de l’attention
L’éthique du care nous semble d’un grand intérêt pour répondre à cette problématique. Tout d’abord, parce qu’à la différence des principes de philosophie morale et politique dominants dans nos sociétés occidentales, les penseur(e)s du care mettent au centre de leur réflexions une éthique de l’attention (Laugier dans Paperman, Laugier, 2011). Une attention au double sens de « faire attention à » et « d’attirer l’attention sur », qui implique une capacité à percevoir, à rendre visible, non pas des réalités objectives – par exemple un gisement éolien à exploiter - mais des gestes, des expressions, des relations subtiles, des mondes à habiter. Autrement dit, l’éthique du care nous amène à considérer avant tout les relations de proximité, le souci des vies ordinaires qui tissent nos mondes sociaux, en permette le fonctionnement.
Et cette attention entendue comme capacité perceptive ne se limite pas seulement à l’humain mais s’étend à l’environnement, au vivant dans son ensemble (Laugier, 2015). Car, prêter attention au quotidien vécu, c’est aussi comprendre ce qui le rend habitable. C’est faire sortir de l’indifférence tous les processus qui permettent cette habitabilité, toutes les pratiques souvent peu valorisées du soin, de bienveillance, d’empathie ou de compassion qui nourrissent nos affects et nous amènent à nous sentir partie prenante d’un même monde. C’est retrouver et faire entendre les voix qui résistent aux dissociations (moi/autrui, esprit/corps, raison/émotion, société/nature) pour redonner de la valeur à ce qu’une « présence attentive » à soi et à l’autre implique (Gilligan, 2008 [1982]). Une présence qui ne permet rien de moins que le déploiement du bien-être dans la vie.
Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette présence attentive ne va pas de soi. Elle se fait même de plus en plus précieuse dans une époque marquée par la digitalisation et une hybridation technologique nouvelle (Benasayag, 2016). Il faut bien reconnaître que notre attention est aujourd’hui devenue un bien rare que toutes sortes d’entreprises ou d’acteurs tentent de capter pour en tirer profit (Citton, 2014). Prêter attention au proche, au particulier, à ce qui n’a pas de prix, ce qui est en apparence inutile, non représentable, est donc aussi un geste politique, une sorte d’insoumission face à la société néolibérale et technicienne qui veut tout optimiser, maximiser la valeur de notre attention, la séduire aussi en lui proposant ce qui est déjà connu, ce qui nous conforte dans nos habitudes ou nous pousse à consommer.
Et si l’on peut parler d’une éthique de l’attention dans les théories et pratiques du care, c’est justement parce qu’elles nous invitent à sortir de cette torpeur captive, de cette visée marchande et finalement nihiliste de l’attention. Plus précisément, la dimension pratique de toute philosophie du care, bien mis en évidence par les auteur.e.s ayant analysées les métiers du soin, nous engage à opérer une révolution à la fois perceptive et éthique (Paperman, Laugier, 2011). Une révolution dans le sens où ce qui nous importe - ce à quoi nous « faisons attention » et ce dont nous « prenons soin » - n’est plus limité à notre petit monde privé (notre famille, nos amis ou nos connaissances) mais s’élargit pour inclure un tissu de plus en plus large de relations au sein de laquelle notre expérience peut se déployer. Et à mesure que notre capacité d’attention s’affine produisant une « aperception claire » (awareness) de la multitude des êtres et des phénomènes souvent invisibles et négligés dont nous dépendons au quotidien, c’est aussi une autre vision de notre responsabilité et de notre engagement sur Terre qui peut s’actualiser.
Cette découverte rendue possible par de nouvelles aptitudes à percevoir les liens invisibles qui sous-tendent notre condition d’habitant sur Terre nous amène à rompre avec l’attitude quelque peu orgueilleuse du self-made man, qui prétend exister par lui-même. Autrement dit, elle nous fait sortir du récit néolibéral concurrentiel où les intérêts privés du moi seraient séparés (voire opposés) à celui de la plupart des autres. Au contraire, ici, le souci de soi est déjà souci des autres puisque nous ne saurions exister sans ce qui n’est pas nous. On retrouve ici un autre concept central d’une éthique du care, qui insiste sur l’importance de reconnaître nos relations d’interdépendance, d’en prendre conscience, pour soutenir le maillage complexe du vivant (Tronto, 2009 [1993]). Et cette découverte résonne aussi avec la mise en évidence de nos vulnérabilités, c’est-à-dire la fragilité de nos conditions d’habiter sur Terre, conditions d’habiter dépendante d’une cohabitation avec les autres (humains et non humains).
Les échelles du Spatial Care
Pour le géographe que nous sommes, les théories développées autour du care ont aussi une saveur particulière car elles incluent une analyse à différentes échelles. Les relations de care et les responsabilités qui en découlent s’ancrent en effet à un niveau local (relations particulières ou directes du caregiving) mais aussi à un niveau plus large, national voire mondial (relations institutionnelles ou d’interdépendances plus indirectes). L’éthique du care ne saurait donc être réduite à des considérations morales s’exerçant dans l’espace proche et interpersonnel. Elle implique au contraire l’espace mondial dans son ensemble du fait de l’imbrication des acteurs (États, entreprises, citoyens, etc) exerçant leur responsabilité dans un monde de plus en plus interdépendant (ibidem). Et dans la perspective d’une éthique du care, le sens des responsabilités ne dépend plus seulement de principes moraux relatifs à l’idée de justice mais des relations tissées entre acteurs, sur la base d’expériences concrètes aussi simples que se nourrir ou s’habiller, et d’une attention à ces relations.
A la suite de Michel Lussault, nous sommes tentés de spatialiser encore davantage cette analyse multi-scalaire du care pour proposer une théorie du spatial care, qui transforme la définition générique du care donnée par Joan Tronto, comme étant :
Toute activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre habitat et les principes de notre cohabitation, de sorte que nous puissions vivre aussi bien que possible dans notre écoumène » (Lussault, 2018, p. 207 ; les termes en italique sont ceux qui ont été modifiés par l’auteur).
Cette définition élargit le souci des autres au-delà de l’espace social mondialisé pour inclure la Terre comme demeure que les êtres humains partagent avec d’autres des êtres sensibles. Elle naturalise ou « cosmicise » donc en quelque sorte notre expérience d’habitant au sein de l’écoumène. Et en même temps, elle aborde une autre dimension très importante du spatial care, notre habitat ou plus exactement notre milieu spatial de vie au sein duquel se construit un certain sens géographique relatif à une cohabitation spécifique entre certains êtres sensibles, humains et non humains. La prise en considération de ces deux dimensions du spatial care nous semble à la fois possible mais aussi nécessaire dans le contexte actuel de crise écologique.
La perception de notre interdépendance et de notre vulnérabilité s’ancre en effet bien dans un certain milieu spécifique (dans le sens d’Umwelt ou de monde ambiant). Ce milieu constitue un monde qui fait sens pour celui qui l’habite, en opposition à un environnement donné et universel (Umgebung) qui reste une abstraction (Berque, 2013). Et contrairement au paradigme moderne, la réalité concrète de l’habitant n’est pas celle d’un espace extérieur à lui-même dont il se sentirait détaché et auquel il ne pourrait accéder que par la représentation. Il s’agit bien plutôt d’un milieu (dans ses dimensions écologiques, techniques et symboliques pour reprendre les catégories d’Augustin Berque) qui garantit le lien entre son esprit, son corps et les autres êtres et phénomènes avec lesquels ils cohabitent. Plus exactement, en repartant d’une expérience consciente et sensible, attentive à soi et aux autres, notre perception s’active et nous fait entrer en relation de réciprocité avec les autres habitants (Abram, 2013). Nous sommes ainsi immergés dans un même monde. L’attention perceptive est donc déjà la source d’une participation au monde, d’un couplage entre sujet percevant et phénomènes perçus, qui donne forme à un certain milieu. Le milieu est donc ce monde dans lequel nous sommes en mesure de ressentir une empathie charnelle pour les êtres qui partagent notre expérience et de nous engager vers des pratiques du care, non seulement pour les humains mais aussi pour les non humains avec lesquels nous co-évoluons.
Essayer de comprendre ce qui peut rendre notre monde aussi habitable que possible, c’est donc forcément envisager ce que signifie un milieu pour ses habitants. En ce sens, toute géographie du bien-être ne peut se réduire à une évaluation des besoins socio-économiques des individus mais doit envisager les systèmes de relations structurés au sein des milieux (Bailly, 2014 [1981]). Car ce sont ces relations spécifiques à un certain espace qui sont susceptibles d’être mobilisées pour faire émerger un agir éthique « situé » qui n’a plus rien d’imposé mais jaillit naturellement pour répondre à un besoin spécifique (Tollis, 2010). L’attention au milieu est donc d’abord une attention pour un espace vécu, pratiqué et perçu, un espace de la vie au sein duquel les significations naissent et deviennent cohérente sur la base de l’intrication entre des expériences sensibles et conscientes. Ce souci pour le milieu habité est aussi un acte politique, une manière de résister à une déterritorialisation constitutive d’un « uni-monde » néolibéral et à ses logiques technico-économiques qui ne cessent de vouloir imposer un ordre rationnel et utile. Prendre soin du milieu, c’est au contraire rendre possible le déploiement de mondes multiples, l’existence d’un plurivers riche de relations signifiantes entre ses co-habitants (Escobar, 2018).
Figure 2. Pour de nouvelles relations entre humains et non humains
(Source : Global Alliance for the rights of Nature, 2014)
Mais en même temps, l’attention au milieu ouvre aussi à une compréhension plus large que celle d’un territoire étriqué et replié sur lui-même. Car se mettre en relation avec une partie de l’espace terrestre, c’est aussi sentir les liens qui nous unissent aux êtres non humains et à la Terre tout entière. La relation spécifique et territorialisée qui se structure par l’expérience au sein d’un milieu conduit ainsi moins vers un enracinement que vers une libération, le déploiement d’un horizon qui s’ouvre au-delà de notre simple regard. Et cet horizon est primordialement un monde de la vie ou pour reprendre les termes d’Eric Dardel une « présence » qui nous offre la possibilité d’habiter tout en nous révélant la fragilité de tout existant (Dardel, 2014 [1952]). C’est d’ailleurs peut-être la destination éthique de toute géographie que de travailler à « préserver les conditions, pour la pensée comme pour l’action, d’une habitation humaine de la Terre » (Besse, 2000, p. 144). Un travail qui consiste aussi bien à prendre soin du milieu dans lequel nous habitons qu’à préserver la Terre comme socle de toute « habitabilité ». Reconnaître la fragilité et l’interdépendance de notre condition d’habitant, et aspirer profondément à en prendre soin pour rendre le monde plus habitable, relève ainsi à la fois d’une éthique située dans un milieu que d’une éthique écouménale recouvrant le fond commun du vivant.
Savoirs et pratiques pour une éthique du care en action
L’éthique du care comme soin du milieu et souci de la Terre ne peut se comprendre sans aborder la question du lien entre l’engagement éthique (care en action) et une certaine forme de connaissance qui est de nature ontologique. Si le care reste bien souvent mal compris notamment en France et se retrouve être réduit aux bons sentiments d’êtres perçus comme décalés ou ingénus, se sacrifiant pour les autres (les « femmes bonnes » ou les « bonnes poires »), c’est que nous avons négligé les savoirs et les pratiques impliqués dans l’émergence d’une présence attentive et bienveillante au monde. Au fond, tout comportement éthique - au sens d’être bon spontanément dans une situation concrète (plutôt que d’avoir un jugement moral correct qui s’appliquera à des situtations) – découle d’un savoir-faire et d’un processus d’apprentissage qu’il s’agit de prendre au sérieux.
Plus précisément, une éthique du care ne peut jaillir naturellement qu’à partir d’une réalisation de soi c’est-à-dire à partir d’une connaissance précise et incarnée de la manière dont fonctionne notre corps-esprit. L’attention perceptive qui permet au care de se déployer dans un milieu n’est donc pas seulement une attention tournée vers l’extérieur, vers les phénomènes et les êtres qui rendent possible notre habitation sur Terre et avec lesquels nous sommes en interaction, mettant à jour une écologie environnementale et sociale. Pour actualiser une éthique du care en action, il est en réalité tout aussi nécessaire de tourner cette attention vers l’intérieur, vers la découverte d’une écologie de l’esprit qui relève du « genre de choses qui passent dans la tête de quelqu’un, dans son comportement et dans ses interactions lorsqu’il escalade ou descend une montagne, lorsqu’il tombe malade ou lorsqu’il va mieux » (Bateson, 1996 [1975], p. 354).
Prêter attention à ce qui se passe en nous, poser notre attention sur nos pensées, nos émotions, les sensations qui nous habitent, c’est ainsi mettre à jour les interrelations structurantes de notre manière d’agir et de percevoir. C’est comprendre ce qui nous permet de créer du sens, d’énacter un monde (Varela, Thompson, Rosch, 1993). Et à la suite d’un penseur comme Francisco J. Varela, on peut avancer l’idée qu’il existe des pratiques spécifiques permettant de renforcer cette attention à soi et les savoir-faire éthiques qui en découlent (Varela, 1995).
Nous arrivons ici à un point de notre réflexion où la philosophie du care, qui entend permettre le déploiement naturel d’une éthique en action, pourrait trouver à notre avis de précieux points d’appui dans les recherches récentes engagées dans une exploration de l’expérience consciente (ou de la cognition « incarnée ») à même de faire surgir une éthique en action. Un champ de recherche ouvert en grande partie par les travaux de Francisco J. Varela dont la singularité consiste à convoquer pour cela aussi bien les apports de la phénoménologie que ceux des traditions contemplatives orientales (Varela, Thompson, Rosch, 1993 ; Varela, 1995 ; Varela, 2017). Et au sein de ce dialogue entre Orient et Occident, c’est notamment la possibilité d’une praxis explicite de l’activité consciente, d’une science « à la première personne » tournée vers l’exploration directe et irréductible de l’expérience qui a retenu notre attention. Une exploration qui se fonde sur des pratiques, précises et progressives, permettant au sujet d’acquérir des aptitudes qui sont autant d’expression d’un savoir-faire éthique.
Seul l’individu qui agit à partir des dispositions qui sont les siennes au moment même de l’action parce qu’il les a cultivées mérite d’être appelé véritablement vertueux. […] Il ne joue pas à l’éthique, il l’incarne comme un expert incarne un savoir-faire […]. Le véritable expert agit à partir d’inclinations qui ont été étendues, et non de règles acceptées, et échappe donc au fait évident que les réponses purement mécaniques ne sont pas assez structurées pour l’infinie variété des situations que nous devons affronter (Varela, 1995, p. 54).
Ces pratiques peuvent être définies comme des « pratiques phénoménologiques » dans le sens où elles nous amènent à regarder ce qui se passe en nous et ainsi à suspendre momentanément notre attitude naturelle, le fonctionnement automatique de notre conscience. En ce sens, elles recouvrent notamment (avec certes des nuances importantes) des pratiques de méditation (shamata/vipassana) d’introspection (entretien d’explicitation), d’expression créative (atelier d’écriture) ou de psychanalyse (Depraz, Varela, Vermesch, 2011). Ces pratiques ont en commun de se fonder sur une capacité d’attention consciente, une capacité à observer le contenu de notre vécu sans le juger, à contempler le flux de nos expériences moments après moments, pour mieux comprendre ce qui nous pousse à agir dans un certain sens. En cela, il s’agit déjà de pratiques du care puisqu’elle sont constitutives d’un souci de ce qui nous traverse (sensations, perceptions, émotions, pensée) et qu’elles conduisent ainsi naturellement à un soin de soi.
Cultiver l’attention consciente en portant son regard vers l’intérieur permet ainsi d’interrompre (ou au moins de calmer) le flux ininterrompu et parfois gênant de notre conscience mentale dans un contexte sociétal où tout est fait pour éviter ce geste de suspension. Mais l’exploration de l’expérience consciente permise par pratiques attentionnelles va plus loin puisqu’elle tend plus profondément à transformer ce qui ce qui nous amène à agir en un certain sens. Ces pratiques mettent ainsi à jour un point aveugle de notre intentionnalité : notre tendance à nous comporter comme si la réalité était constituée d’entités séparées, indépendantes et permanentes, alors que toute manifestation se déploie sur le mode de l’inter-être :
Dans notre monde ordinaire conceptuel, nous voyons une théière comme un objet indépendant et séparé. Mais si nous regardons profondément la théière, nous verrons qu’elle contient de nombreux phénomènes – la terre, l’eau, le feu, l’air, l’espace et le temps – et nous découvrirons que l’univers tout entier a fait en sorte que cette théière existe. C’est la nature interdépendante de la théière. Une fleur est faite d’éléments non-fleur comme les nuages, la terre et le soleil. Sans les nuages et sans la terre, il ne peut y avoir de fleur. C’est l’inter-être. […] La fleur ne peut avoir d’existence en soi. Elle inter-est forcément avec tout le reste. Il en est de même pour tous les phénomènes (Thich Nhat Hanh, 2006).
Or, un entraînement attentionnel précis et répété nous amène à déjouer cette perception habituelle selon laquelle les « êtres » ou « phénomènes » du monde (à commencer par nous-même) existeraient de manière intrinsèque, par eux-mêmes, pour mettre à jour la manière dont ils « inter-sont » selon une co-émergence interdépendante. Arriver à cette réalisation, en avoir une « aperception claire » et l’incarner dans un corps-esprit demande un long processus d’exercices réitérés. Et ce qui se déploie dans cette découverte d’un champ d’interdépendance constitutif de tout phénomène et en particulier du soi, c’est aussi un certain relâchement, une détente puisqu’il n’y a rien qui puisse être si restreint et si figé que ce que nous perception conventionnelle nous a amené à croire. Nos intentions et nos désirs changent peu à peu de couleurs pour ne plus être dirigés de manière prépondérante vers ce que nous saisissons habituellement comme un soi séparé. Plus précisément, ce qui peut émerger au sein de cette découverte, c’est un sentiment intime de connexion avec tous les autres êtres sensibles, qui transforme notre soi étroit en un Soi élargi ou pour reprendre la pensée d’Arne Naess en un Soi écologique c’est-à-dire un soi capable d’inclure toutes les relations qui le constituent :
A travers le Soi élargi, tous les êtres vivants sont intimement connectés les uns aux autres. Il s’ensuit une capacité d’identification, dont la pratique de la non-violence est la conséquence naturelle. Aucun prêche moral n’est nécessaire, de la même façon que nous n’avons pas besoin de règles morales pour respirer. Nous avons besoin de cultiver notre intuition : pour parvenir au pouvoir de la non-violence, il est essentiel de croire à l’unité fondamentale de toute vie (Naess, 2017, p. 98).
Dès lors, un intérêt pour les autres, qui est aussi intérêt pour soi, peut se déployer naturellement et donner lieu à une empathie et une compassion spontanée, elle-même source d’actions empreintes de bienveillance (care en action). Un comportement éthique est ainsi né sans l’intervention d’une volonté délibérée de bien faire ou d’un désir de transfert vers l’autre. L’éthique du care en action se manifeste spontanément à partir d’une compréhension incarnée de la non dualité entre soi et les autres. Bien sûr, cette attitude éthique reste longtemps fragile et certaines pratiques intentionnelles permettent de la soutenir à mesure que le pratiquant progresse dans son parcours soit en renforçant des tendances bénéfiques aux pratiques du care (amour bienveillance, compassion) soit en cherchant à stabiliser l’aspiration éthique qui a été découverte (motivation juste). Car avec la nouvelle vision du soi et des phénomènes, c’est toute notre expérience qui se trouve profondément réorientée, nous amenant à clarifier nos intentions, à distinguer avec une nouvelle attention ce qui relève de passions tristes (pour reprendre Spinoza) ou au contraire d’aspirations porteuses d’un sens profond pour notre être. Et c’est en ce sens que nous évoquions la nécessité d’un processus d’apprentissage impliquant le développement de pratiques et de savoirs qui permettent l’émergence d’aptitudes à l’éthique.
La base même d’une éthique en action, d’un engagement vers des pratiques du care de plus en plus élargies (du soi à l’environnement), peut donc être trouvée dans une ontologie relationnelle qui s’actualise par des pratiques d’attention consciente.
Actualiser une éthique du care en aménagement
Il nous faut donc maintenant essayer de revenir vers notre point de départ initial, l’aménagement des territoires en nous demandant comment actualiser plus spécifiquement cette éthique du care dans les pratiques de l’action aménagiste ? Si l’intérêt des éthiques du care se trouvent dans une attention nouvelle à soi, aux autres (humains) mais aussi au milieu (incluant des non-humains) et à la Terre, qu’est-ce que peut apporter cette éthique de l’attention – qui s’incarnent par des pratiques et se déploie à plusieurs échelles - au processus même de l’aménagement des territoires ? Pour le formuler autrement, quelles sont les ingrédients à rassembler pour que les pratiques et les savoirs en aménagement s’orientent vers une éthique du care en action qui permette de porter attention au milieu habité, d’en prendre soin et ainsi de préserver les conditions de l’habiter sur Terre ?
Ouvrir un espace narratif et imaginaire favorisant l’émergence du care
L’omniprésence d’un imaginaire de la « maîtrise » et du « contrôle » est une tendance marquante de notre époque, tendance qui ne cesse de se renforcer en aménagement avec le développement des technologies de digitalisation du monde (Barniaudy, 2018). Cette tendance n’est pas nouvelle et tout praticien de l’aménagement porte en lui les graines de la planification moderne qui fonde l’action aménagiste sur fond de référent « taylorien » marqué par la haine de la surprise. Cette obsession du contrôle se nourrit de la peur de l’incertitude. Incertitude du projet, d’émergences potentiellement dysfonctionnelles, d’effets négatifs intentionnels ou non intentionnels de l’aménagement. Et la réponse des aménageurs pour conjurer cette anxiété est bien souvent un surplus de planification. Dans l’imaginaire dominant, une planification stricte et systématique doit en effet permettre de couper court à tout devenir chaotique. La maîtrise d’ouvrage agit alors selon un plan et un devis décidé longtemps à l’avance, écrasant toute possibilité d’émergence, rassurant les acteurs impliqués dans le projet.
Mais c’est pourtant cet arrière-plan imaginaire guidant le choix d’une planification stricte et normative qui est aujourd’hui à la base de la crise environnementale. Car si le plan donne une réponse acceptable face à l’anxiété, il réduit aussi la possibilité pour une action de s’inscrire dans une situation complexe, dans un milieu habité. Olivier Soubeyran a bien montré comment cette logique d’aménagement ne cesse de se renouveler durant tout le 20e siècle, depuis le projet colonial (Soubeyran, 2014). La métaphore est celle d’une greffe imposée au milieu-organisme, découplé du fonctionnement même de ce milieu, telle une plantation coloniale qui vient subsumer les écosystèmes locaux en réduisant les espaces de vie et d’activité à la monoculture (Citton, Rasmi, 2020). Et l’intégration des préoccupations environnementales dans les discours aménagistes depuis les années 1970 ne modifie pas fondamentalement ce qui fonde l’action, c’est-à-dire cet imaginaire qui entend stabiliser un milieu, le saisir pour « agir en connaissance de causes », et mieux contrôler les effets de l’aménagement. L’efficacité d’un aménagement est ainsi toujours évaluée en fonction de sa capacité à contraindre le milieu, à le forcer, faisant apparaître les différences entre un « avant » et un « après ». Et le contexte d’urgence actuel (changement climatique, crise écologique) renforce encore cet imaginaire en valorisant les méthodes les plus systématiques, celles qui prétendent prendre en charge un nombre de plus en plus important de variables et de contraintes au sein du milieu.
Le point de départ de toute transition vers des pratiques du care en aménagement pourrait donc être, comme dans le cas d’un individu s’engageant dans une pratique phénoménologique, de reconnaître une certaine insatisfaction dans cette manière de concevoir l’action aménagiste. Autrement dit, le premier geste à réaliser nous semble-t-il pour transformer nos manières d’agir, c’est de reconnaître réellement les effets délétères de cet imaginaire dominant en aménagement. Par reconnaître, nous voulons dire être capable de percevoir la souffrance générée sur le milieu habité (humains et non humains) par cet imaginaire, par cette vision du monde faite d’objets séparés et maîtrisables. Et une première preuve d’humilité pourrait être de se demander si c’est là la bonne voie, le bon récit. Faut-il nécessairement conjurer l’imprévu par des plans de plus en plus élaborés ? Faut-il désirer une planification stricte et normative pour donner une réponse à notre anxiété ?
L’éthique du care en aménagement ne peut se développer sans cet examen direct de l’imaginaire dans lequel se structure le pouvoir de l’action. La puissance performative de ce récit imaginaire ne doit pas être sous-estimé. Et à l’inverse, c’est aussi par l’ouverture d’un autre espace narratif faisant place à un autre imaginaire, à d’autres histoires, que d’autres voies d’action peuvent s’actualiser. En ce sens, la proposition d’Olivier Soubeyran autour de l’improvisation (ibidem) nous semble particulièrement intéressante pour tenter de faire émerger une nouvelle attention au milieu en aménagement.
L’improvisation se base en effet sur une écoute active et ouverte de ce qui se joue dans un espace-temps particulier. Elle assume le devenir incertain des propositions avancées et intensifie alors cette capacité de « faire attention à ». Elle refuse la prédiction confortable des projets « clefs en main » pour s’inscrire dans un flux d’expériences interdépendant dont elle tente de comprendre le sens. Elle opte pour des modalités d’expérimentation sensible et consciente capables d’embrasser les fragilités et la complexité d’une situation. Choisir l’improvisation, c’est aussi permettre à nos schèmes de perception et d’action de renouer avec une compréhension intuitive et affective du milieu. Il ne s’agit donc plus de concevoir un plan qui représente le réel pour mieux le contrôler mais de faire émerger des priorités d’action à partir d’une intelligence des situations et des relations de cohabitation au sein d’un milieu.
Construire un imaginaire basé sur l’improvisation constitue déjà une avancée vers une éthique du care. Car l’éthique qui fonde l’action dans le contexte d’urgence actuel prend bien souvent la forme d’une éthique de la conviction favorisant une rhétorique de l’intransigeance, peuplée de recettes à appliquer. Au contraire, pour qu’un agir éthique puisse se déployer spontanément, comme dans le cas des pratiques attentionnelles étudiées plus haut, il est nécessaire de suspendre au moins provisoirement ses projections pour se mettre à l’écoute du milieu et prendre en considération l’expérience de ceux qui l’habitent, humain comme non humain. Et c’est sans doute en ouvrant cet espace narratif, recueillant les savoirs expérientiels et les récits faisant sens pour les habitants, que les pratiques d’aménagement pourront réussir à « ménager » un milieu (au sens de « prendre soin », pour reprendre les termes de Thierry Paquot : Paquot, 2012) plutôt que de chercher à l’ « a-ménager » (au sens d’appliquer n’importe où le même dispositif).
Co-construire les projets d’aménagements avec les habitants
Notre capacité à ouvrir un nouvel espace imaginaire apparaît comme une disposition indispensable pour transformer nos modes d’action et actualiser une éthique du care en aménagement comme ailleurs. Un détour narratif, fait de références de toute nature (littéraire, cinématographique, scientifique, pseudo-scientifique, etc.), est un des chemins les plus fiables pour rendre possible, en second lieu, un dialogue pragmatique et constructif entre les acteurs d’un même milieu, capable de déployer de nouveaux devenirs. Le but de cet imaginaire n’est pas de retrouver un grand récit unificateur mais plutôt de permettre l’émergence de mondes multiples, d’un plurivers :
Il ne s’agit, par ce détour pseudo-narratif, que de déployer une répétition support d’existence, à travers des rythmes et des ritournelles d’une infinie variété. […] Ce n’est qu’à cette condition que peuvent être générés et régénérés les Univers de référence incorporels qui ponctuent d’évènements singuliers le déroulement de l’historicité individuelle et collective (Guattari, 1989, p. 27).
Tout projet visant à prendre soin des « territoires réels de l’existence » (pour reprendre les termes de Guattari) procède alors d’une sorte d’hétérogénèse, devenant à la fois solidaire d’une éthique globale (au niveau narratif), mais singulier dans sa mise en œuvre locale (au niveau pratique) puisque dépendant d’une situation toujours contingente. Et cette hétérogénèse n’est possible que si le projet d’aménagement est effectivement co-construit par ses habitants. Car si l’improvisation est déjà une manière d’actualiser l’éthique du care en aménagement en réinstallant l’aménageur dans une posture d’expérimentation, il faut encore que le processus même d’aménagement puisse inclure les considérations d’un nombre plus important d’être sensibles (humains et non humains) pour que ce « prendre soin » du milieu soit effectif (et non relatif à de simples déductions).
L’autre point crucial pour actualiser l’éthique du care dans les pratiques d’aménagement est donc la question de la participation ou de l’implication (dans le sens d’empowerment, parfois traduit par « encapacitation ») des habitants. En France comme ailleurs, la participation est bien souvent un argument de façade permettant aux porteurs d’un projet de teinter d’un peu de démocratie leurs ambitions. Rarement cependant, la participation des acteurs clés d’un projet devient un moteur de l’action. Par acteurs clés, nous entendons à la fois les acteurs qui ont un pouvoir reconnu dans un certain domaine (par exemple les institutions, développeurs ou gestionnaires de réseau pour l’énergie éolienne) mais aussi et surtout tous ceux qui sont concernés par l’aménagement parce qu’ils habitent le milieu, le connaissent et le vivent au quotidien. La reconnaissance de la légitimité et des savoirs de ces acteurs « concernés » apparaît fondamentale pour tout aménagement voulant dépasser le simple cadre d’une concertation conventionnelle.
Pour qu’un projet puisse s’inscrire au sein d’un milieu, il s’agit bien de se mettre d’accord, dès les premiers stades du projet, sur une intention collective, une manière d’habiter un milieu, un usage du monde. Et cette intention ne peut exclure certaines catégories de population aux sensibilités différentes mais doit au contraire privilégier un processus interactif qui valorise la capacité des acteurs concernés sans faire ressortir seulement les intérêts des acteurs de pouvoir, criant souvent le plus fort dans les réunions publiques. La co-construction implique ainsi de faire advenir collectivement les potentialités d’un milieu sans recourir à des solutions toutes faites. En ce sens, elle nécessite un aller-retour permanent entre intention et expérience, entre les fins et les moyens, pour s’ajuster au mieux au devenir du processus (Berdoulay, Soubeyran, 2012). La prise en compte de l’expérience du praticien réflexif comme du citoyen participant maintient ainsi un lien avec la cognition incarnée et rend possible l’éthique du care.
Là encore, la culture héritée d’aménagements descendants et normalisés nécessite sans doute une première étape qui est celle d’apprendre à désapprendre. Et les obstacles à la participation sont nombreux même dans les projets qui entendent s’y engager (Barniaudy, 2016). Dans certains cas, elle peut ainsi se faire passive et retomber dans un pilotage a priori, selon des normes strictes, pour se conformer et acquérir une légitimité. Dans d’autres, elle peut être « marchandisée » pour pouvoir exister, trouver des financements et devenir visible. Si elle n’est pas finement amenée, elle peut aussi dévier vers un simple débat d’opinion et devenir alors sourde. Elle est enfin bien souvent accaparée par des entreprises qui en ont fait une niche d’activités et se proclament expertes énonçant un : « on sait faire, on réplique » coupant court à une co-construction des projets. Mais la chose n’est pas impossible et de nombreux exemples d’aménagement participatif commencent à émerger aujourd’hui en Europe et dans le monde[5] alors que les méthodologies de la recherche-action-participative se diffusent dans les milieux académiques et non académiques (Chevalier, Buckles, 2019).
L’écoute attentive des habitants du milieu, de leurs récits et de leurs savoirs, associée à un processus d’aménagement qui laisse une place à l’improvisation ainsi qu’à l’implication de tous les acteurs concernés par un projet nous semble déjà une piste prometteuse pour réorienter les intentions affichées d’une plus grande durabilité vers une éthique du care, capable d’inscrire l’action aménagiste dans le tissu complexe d’un milieu habité, renforçant ainsi les conditions d’habitabilité de la Terre dans son ensemble.
Conclusion
Nous sommes partis d’une étude de cas dans le sud de la France pour nous demander comment réussir à préserver la Terre dans son ensemble, non pas à partir de beaux principes moraux s’imposant au milieu habité et leur faisant violence, mais en respectant ce qui se joue dans le tissu même des vies ordinaires engagés, dans un certain usage du monde. Cette question nous a amené à insister sur l’intérêt d’une éthique du care capable de faire attention aux relations subtiles constitutives de nos manières d’habiter la terre mais aussi de prendre soin des conditions d’habitabilité fragiles et vulnérables dont nous co-dépendons. Le retour vers l’aménagement a mis à jour la nécessité d’un certain lâcher prise qui est aussi une manière de s’autoriser à expérimenter et à improviser plutôt que de vouloir contrôler et saisir un réel mouvant et complexe qui nous échappe. Et cette expérimentation ne peut actualiser une éthique du care que si elle se fait participative et permet une co-construction des intentions et des moyens d’actions impliquées dans une transformation de nos milieux.
En tant que chercheur mais aussi enseignant (dans une faculté d’éducation), nous aimerions conclure en posant la question des processus apprentissages qui permettraient d’actualiser ou de renforcer une éthique du care. Et il nous semble qu’une triple dimension doit ici être prise en compte. La première concerne des apprentissages relatifs à notre perception du monde. Questionnement plutôt rare en géographie comme en aménagement, il s’agit pourtant de travailler sur notre attention consciente, notre capacité à reconnaître ce qui se passe en nous et autour de nous, notamment nos interdépendances au milieu habité (échelle locale) et à l’écoumène (échelle globale) pour déconstruire nos schèmes dualistes de perception. Et c’est aussi en ce sens qu’une science à la première personne, reconnaissant sa nécessaire perspective incarnée, peut nous aider à explorer la richesse de nos expériences d’habitants sur Terre (Varela, 2017).
La seconde dimension se rapporte davantage à nos intentions. Au fond, tout projet d’aménagement qui entend prendre soin du milieu doit chercher collectivement les chemins à emprunter et les ressources à mobiliser pour s’engager vers une éthique globale et préserver un monde fragile, de le rendre habitable. Vient alors seulement la troisième dimension, celle de processus d’apprentissages impliquant nos manières d’agir au sein du milieu. Et loin de croire à un miracle technologique dénouant les incertitudes des gestes humains, nous pensons au contraire que c’est en apprenant à inscrire nos modes d’action dans des situations toujours singulières, en suivant une expérience sensible et consciente, que le sens de notre condition d’habitant sur Terre pourra s’enrichir.
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[1] Seul le nord de l’Ecosse, de l’Irlande et du Danemark ainsi que la basse vallée du Rhône affichent un tel potentiel éolien sur l’atlas européen des gisements éoliens ; voir Petersen, Troen, 1989.
[2] Les Pyrénées-Orientales sont identifiées depuis le début du XXe siècle en France et même en Europe comme un territoire pionnier de la recherche scientifique sur les énergies renouvelables. Certes, cette reconnaissance est limitée au domaine de l’énergie solaire qui bénéficie dans l’après seconde guerre mondiale de l’implantation de plusieurs fours solaires en Cerdagne et de l’installation d’une équipe C.N.R.S en 1969 à Mont-Louis dirigée par un chercheur avant-gardiste, Félix Trombe. Mais la constitution de ce pôle de recherche et d’expérimentation solaire dans les P.-O. est pour beaucoup dans la localisation du pôle de compétitivité DERBI (Développement des Energies Renouvelables dans le Bâtiment et l’Industrie) en 2005 sur le site de l’Université de Perpignan Via Domitia. La restructuration du laboratoire CNRS, devenu PROMES en 2004 et localisée à Perpignan, est relayée par l’aménagement de deux zones d’activités dédiée aux nouvelles technologies, Technosud 1 (2001) et 2 (2013) afin de structurer un véritable pôle d’excellence autour des Enr : pépinières d’entreprises, centres de formation (Polytech’Enr, IUT, UPVD), laboratoires de recherche.
[3] Cette expression vient d’une rencontre en 2014 avec Angela Barbanente - professeur d’urbanisme à l’école Polytechnique de Bari et vice-présidente de la région Pouilles déléguée à l’aménagement du territoire de 2005 à 2015 - qui se bat depuis une quinzaine d’années pour faire connaître les « intérêts sensibles » des tous les acteurs d’un territoire tant d’un point de vue paysager qu’en terme de vocation socio-économique.
[4] A ce sujet, voir par ailleurs, toujours pour les parcs éoliens, le cas très intéressant de la province de Foggia dans les Pouilles, en Italie du Sud, analysé dans la thèse d’Antonella Carriero (2012).
[5] Il nous semble qu’un travail de recherche reste à faire en ce sens (ce qui n’est pas l’objet de cet article) pour rendre compte de tous ces exemples d’aménagement participatif qui émergent et dont on trouvera la trace dans de nombreux médias mais aussi dans des publications plus spécialisées. Concernant l’aménagement d’installations pour la production d’énergie éolienne, on citera en particulier la très belle thèse d’Edith Chezel intitulée « La fabrique collective des paysages climatiques : une enquête avec les parcs éoliens citoyens en Frise du Nord » (2018).