Entre trajectoires du film et du territoire : l’audiovisuel pour co-construire l’aménagement du territoire avec les citoyens
Maëlle Banton[1], Sylvain Pioch[2]
Introduction
Face aux défis actuels posés par les problématiques environnementales, l'aménagement du territoire vise à réduire les inégalités spatiales et socio-spatiales en répondant aux besoins des habitants de manière durable. Cependant, la participation citoyenne dans ces projets est souvent faible,
Les recherches se multiplient sur les conflits générés par les débats publics et la participation élargie, avec une attention particulière portée au rôle du numérique (Guihéneuf, 2017 ; Mabi, 2013). Bien que ce dernier puisse potentiellement renouveler les procédures participatives, son utilisation reste limitée en France. Les projets de recherche sur les approches hybrides de débat en présentiel et en ligne montrent cependant des résultats prometteurs (Pioch et al., 2022).
En réponse aux lacunes des dispositifs participatifs, des moyens plus proches des attentes et des besoins des citoyens peuvent être convoqués à travers les outils audiovisuels. Les géographes, notamment ceux du courant de la
La première partie de l'article explore comment les géographes utilisent le film pour enrichir la parole des citoyens. Une deuxième partie souligne l'importance d'interroger les relations entre la trajectoire du territoire et celle du film pour mieux comprendre leurs influences mutuelles. Enfin, la troisième partie aborde les innovations audiovisuelles proposées par le projet AATRE pour améliorer les processus participatifs, développées dans le contexte de deux champs d'application : l'extension de la réserve marine de Banyuls-Cerbère et la politique de gestion du trait de côte de la municipalité de Marseillan.
Les films en géographie, un moyen de donner la parole aux citoyens
Deux approches se distinguen
Les dispositifs participatifs visent à impliquer activement les citoyens dans les processus décisionnels en leur offrant des opportunités de contribution et de dialogue. Ces dispositifs sont conçus pour permettre une participation directe des habitants dans la formulation et la mise en œuvre des projets d'aménagement, favorisant ainsi une prise en compte plus complète des besoins et des perspectives locales.
D'autre part, les films de géographie offrent une plateforme pour donner la parole aux acteurs locaux et exprimer leurs points de vue sur les questions d'aménagement du territoire. En capturant les réalités et les expériences des habitants à travers des images et des témoignages, ces films permettent de mettre en lumière des perspectives souvent négligées ou sous-représentées dans les processus décisionnels traditionnels.
Ces deux approches, bien que distinctes dans leur forme et leur méthodologie, partagent un objectif commun : donner une voix à tous les acteurs impliqués dans les projets d'aménagement du territoire. En combinant les aspects participatifs des dispositifs avec le pouvoir narratif des films, les géographes et les planificateurs urbains peuvent enrichir la compréhension collective des enjeux locaux et favoriser une prise de décision plus inclusive et éclairée.
Exploration des postures du géographe face à l’audiovisuel
Les géographes réalisant des films
Le processus de réalisation d'un film peut être comparé à celui d'un projet de recherche. La phase de développement implique de définir les objectifs et le format du film, similaire à la rédaction d'un projet de recherche. La préproduction correspond à la planification du tournage, où tous les choix techniques et artistiques sont faits, tout comme dans la méthodologie et la préparation du terrain pour un projet scientifique. Le tournage lui-même est comparable au travail sur le terrain, avec ses imprévus et une durée variable en fonction des objectifs du film. Enfin, la post-production implique le traitement des données et leur mise en valeur, similaire à la rédaction d'un article scientifique.
Ce parallèle entre la réalisation d'un film et la conduite d'un projet de recherche souligne l'importance pour les géographes de maîtriser à la fois les aspects techniques et artistiques de la production audiovisuelle pour atteindre leurs objectifs scientifiques de manière efficace et rigoureuse. Car chaque étape est aussi importante que le résultat final. Ceci implique de faire des choix, que ce soit en ce qui concerne la réalisation ou les procédés filmiques utilisés. Mais le langage cinématographique enrichit considérablement les connaissances géographiques, en permettant par exemple de mieux contextualiser la parole et d'incarner les processus territoriaux à travers des témoignages et des observations (Chouraqui, 2019). Cette approche permet aussi de mieux représenter les trajectoires individuelles et les nuances des espaces vécus, tout en donnant aux acteurs du territoire une voix plus libre et authentique (Chenet, 2019).
Cependant, la subjectivité qu’impliquent les choix à faire et la dimension esthétique que comporte un film peuvent être critiquées, certains accusant le chercheur de trop exprimer ses propres représentations et de manipuler la réalité. Sicertains chercheurs revendiquent cette subjectivité comme un élément nécessaire à toute production, permettant d'interroger le réel à partir d'une perspective assumée (Kühl, 2021), il est néanmoins essentiel de réfléchir à l'impact esthétique et socio-sémiotique de l'image dès sa conception.
Typologie des films de géographie actuels
Les films de géographie actuellement produits peuvent être répartis en trois catégories (Corsi et Buire, 2019) : les films de création, de participation et de médiation.
Les films de création, souvent documentaires, capturent les processus territoriaux tout en offrant une lecture sensible des questions géographiques. Ils sont conçus comme des œuvres créatives et visent à susciter des réflexions à la fois scientifiques et émotionnelles.
Les films de participation impliquent la collaboration entre le géographe et les participants, mettant en avant le processus de création plutôt que le résultat final. Cette approche favorise le dialogue et la réflexion collective, où la fonction de chercheur prime sur celle de réalisateur.
Enfin, les films de médiation ont pour objectif principal la diffusion et la transmission des connaissances géographiques. Ils sont conçus pour sensibiliser, éduquer et stimuler le dialogue avec les acteurs du territoire.
Bien que cette typologie puisse être discutable, elle offre un aperçu des différentes orientations que peuvent prendre les films de géographie. Elle éclaire également les possibilités pour les géographes qui souhaitent se lancer dans la réalisation audiovisuelle, en mettant en avant les diverses postures à adopter en fonction de l'objectif visé.
Vers une nouvelle ambition des films de géographie pour la participation citoyenne
L'utilisation de films géographiques comme outils participatifs représente un profond changement de paradigme dans les méthodologies de recherche, en particulier en ce qui concerne l'engagement avec les communautés marginalisées.
Les géographes-réalisateurs reconnaissent en effet le potentiel de l'audiovisuel comme un moyen de donner la parole à une diversité d'acteurs, notamment à ceux qui sont souvent sous-représentés dans les médias traditionnels qui accordent plus d'attention aux personnes influentes comme les politiciens, les financiers et les scientifiques. Les films géographiques cherchent à rétablir au contraire un équilibre en donnant une place centrale aux voix moins entendues, souvent celles des citoyens ordinaires, voire des communautés marginalisées ou des habitants de régions moins médiatisées. Cette démarche vise à valoriser les savoirs locaux et à promouvoir l'
Aussi la vidéo participative est-elle un puissant outil de plaidoyer, qui permet aux chercheurs d'amplifier les voix de ceux qui sont traditionnellement peu entendus dans les processus de prise de décision. Toutefois, il est impératif de reconnaître les limites inhérentes aux films géographiques dans ce rôle car ils représentent plutôt l'aboutissement d'une recherche qu’un soutien actif des citoyens dans leurs efforts de plaidoyer. Certains films transcendent cependant le simple plaidoyer en élucidant diverses perspectives sur des questions thématiques. En embrassant la multiplicité des points de vue, ils servent à favoriser un dialogue nuancé et la compréhension au sein de la société. L'accent mis par G. Gasc, E. Amiet et D. Pelletier-Brun
Finalement, la démocratisation des connaissances par le biais de la vidéo participative représente un progrès décisif dans les méthodologies de recherche géographique. En amplifiant les voix marginalisées, en encourageant le plaidoyer et en promouvant la multiplicité des perspectives, les films de géographie
L’audiovisuel pour accompagner la transformation d’un territoire
Relation entre film et territoire : ancrage conceptuel
Définir la notion de territoire est essentiel pour comprendre les interactions entre le film et le territoire.
- Territoire physique : Il s'agit de l'espace géographique concret, comprenant des éléments naturels tels que le relief, la végétation, les ressources naturelles, ainsi que les infrastructures humaines telles que les routes, les bâtiments, etc.
- Territoire social : Ce sont les espaces appropriés, utilisés et organisés par les groupes sociaux, les communautés ou les institutions. Ces espaces peuvent être définis par des frontières sociales, des pratiques culturelles, des identités collectives, etc.
- Territoire symbolique : Il s'agit des représentations mentales, des significations et des symboles attachés à un espace donné. Ces représentations peuvent être influencées par des facteurs culturels, historiques, politiques ou économiques, et peuvent façonner la manière dont un territoire est perçu et utilisé.
Dans le contexte des films, ces différentes dimensions du territoire peuvent être explorées et représentées de diverses manières. Les films peuvent refléter la géographie physique d'un territoire en montrant ses paysages, ses environnements naturels et ses caractéristiques géographiques. Ils peuvent également représenter les aspects sociaux et culturels d'un territoire en mettant en lumière les communautés, les modes de vie, les traditions et les dynamiques sociales qui le caractérisent. Enfin, les films peuvent également véhiculer des représentations symboliques d'un territoire à travers des images, des symboles et des narrations qui expriment des significations et des identités collectives.
En analysant les interactions entre le film et le territoire, il est donc important de considérer ces différentes dimensions territoriales et la manière dont elles sont représentées, interprétées et négociées à travers les images cinématographiques. Lorsqu'il s'agit de filmer un objet aussi complexe que le territoire, les géographes doivent en outre prendre en compte diverses considérations, notamment l'échelle géographique et l'échelle filmique (Barrioz et Blondin, 2019). L’échelle géographique est en effet étroitement liée à l'échelle filmique choisie pour représenter le territoire. Les réalisateurs utilisent différents types de plans et de techniques de prise de vue pour capturer les caractéristiques et les dynamiques spatiales du territoire.
Lorsqu'il s'agit de présenter une vue d'ensemble du territoire, les plans larges et les prises de vue aériennes sont privilégiés. Ces plans permettent de situer le paysage dans son ensemble et de mettre en évidence les caractéristiques géographiques dominantes. En revanche, lorsque les géographes souhaitent explorer des spécificités locales ou étudier les interactions entre les acteurs et leur environnement, les plans se resserrent. Les entrevues avec les acteurs locaux sont souvent filmées en plans serrés, permettant une proximité visuelle et émotionnelle avec les individus. Les actions sur le territoire sont suivies en plans en mouvement, tels que la caméra à l'épaule, pour accompagner l'action et créer une immersion dans l'environnement étudié.
Les choix d'échelle géographique et filmique dans les films géographiques sont donc étroitement liés et déterminent la manière dont le territoire est représenté et compris par les spectateurs. Ces choix permettent aux réalisateurs de capturer la diversité et la complexité des territoires, tout en offrant une expérience immersive et engageante pour le public.
Trajectoires du film et trajectoires territoriales
La dimension de la trajectoire est cruciale tant dans la réalisation que dans l'analyse des films géographiques, surtout lorsqu'ils abordent des enjeux liés à la géographie et à l'aménagement du territoire. La façon dont cette trajectoire est représentée peut varier considérablement en fonction de la temporalité étudiée.
Beaucoup de films se concentrent sur une description
D'autres films se penchent sur la trajectoire dynamique d'un territoire en pleine phase de transformation. Ces films examinent les processus de changement, les forces qui les sous-tendent et les conséquences pour les populations locales et l'environnement (Germaine et Thomas, 2006). Ils peuvent documenter les projets d'aménagement, les processus de développement, les phénomènes de gentrification ou de déclin urbain, entre autres. En mettant l'accent sur la temporalité et l'évolution, ces films permettent de comprendre les dynamiques spatiales et sociales à l'œuvre et d'anticiper les défis futurs.
Ainsi, les films géographiques peuvent adopter deux approches différentes selon leur objectif : soit documenter et témoigner de l'état actuel du territoire, soit examiner et analyser les processus de transformation en cours. Dans les deux cas, ils jouent un rôle essentiel en permettant de comprendre les dynamiques spatiales et sociales qui façonnent les territoires contemporains.
Il est par contre indéniable que les films géographiques et la trajectoire des territoires qu'ils documentent sont souvent parallèles plutôt qu'interconnectés. Les films, dans leur forme documentaire traditionnelle, captent un moment dans le temps et fournissent un point de vue fixe sur le territoire, ce qui peut limiter leur capacité à influencer directement le processus de prise de décision ou le déroulement des transformations territoriales.
Pourtant, il existe des points d'intersection entre la trajectoire du film et celle du territoire, notamment lors du tournage et de la diffusion. Pendant le tournage, l'équipe du film explore et documente le territoire de manière détaillée, influencée par les interactions directes avec le terrain et les personnes interviewées. La diffusion du film offre ensuite une occasion de débat et d'échange entre les décideurs, les citoyens et les chercheurs, pouvant potentiellement influencer les perceptions et les actions des acteurs impliqués dans le développement territorial (Raoulx, 2009).
Cependant, la plupart des films géographiques traditionnels mettent un point final à leur engagement une fois qu'ils sont diffusés, limitant ainsi leur capacité à impulser des changements durables dans la trajectoire du territoire. Pour remédier à cette limitation, il a été pertinent de repenser le format des films géographiques et d'explorer des approches plus interactives et participatives. Par exemple, des films pourraient être conçus comme des outils évolutifs qui accompagnent tout un processus d'aménagement, permettant aux citoyens de participer et de contribuer activement à la co-construction du territoire tout au long de son évolution. Ce type de format nécessiterait une approche plus flexible et adaptable, capable de s'ajuster aux changements et aux réactions des acteurs impliqués dans le processus.
Innovations audiovisuelles proposées par le projet AATRE pour renforcer les processus participatifs en aménagement
Expérimentation de plusieurs « outils vidéos »
La concertation citoyenne en aménagement du territoire représente un défi pour combler le manque de représentativité, moderniser les processus et alléger les démarches administratives. Pour y répondre, le projet de recherche-action Agora de l’Aménagement des Territoires Résilients (AATRE) de l’Université Paul Valéry Montpellier 3 a été lancé. Ce projet vise à accompagner les territoires en transition du littoral d’Occitanie en développant des dispositifs de participation hybride, à la fois en présentiel (ateliers participatifs, forum, débats, etc.) et en ligne sur une plateforme de débats appelée « e-Debat ». Pour faire notamment le lien entre les deux et donner la parole aux citoyens, l’utilisation de l'audiovisuel est apparue comme une piste prometteuse en développant des « outils vidéos ».
Figure 2 : les processus de participation hybride mis en place dans le projet AATR
Regroupant une équipe interdisciplinaire
Ces expérimentations ont été menées sur deux terrains d’étude du littoral d’Occitanie distincts tant par leurs thématiques, leurs objectifs que par leur gouvernance. Le premier, situé au sud des Pyrénées-Orientales, portait sur la concertation préalable au projet d’extension de la Réserve Naturelle Marine de Cerbère-Banyuls, piloté par les agents de la Réserve, du Département et de l’Office Français de la Biodiversité. Il visait à débattre avec les usagers d’un périmètre d’extension. Le second terrain initiait des réflexions autour d’une stratégie de recomposition spatiale d'une commune littorale de l’Hérault, Marseillan, sujette aux risques littoraux. Ces travaux étaient portés par les élus locaux pour acculturer et discuter avec les habitants des risques présents et de l’aménagement de la commune.
Les méthodes de productions audiovisuelles ont été conçues pour être facilement reproductibles et adaptées à une approche hybride de concertation, nécessitant peu de compétences techniques et à faible coût.
Les quatre méthodes sont les suivantes (Banton et al. 2024) :
- La « Carte interactive avec vidéos témoignages » : permet de présenter les différentes perceptions des habitants-usagers du territoire en les localisant sur une carte.
- La vidéo « Nuage de mots » : offre une vue d’ensemble textuelle sur une thématique donnée en mettant en avant les similitudes et différences des réponses des participants.
- La vidéo « Déroulé d’un atelier » : présente de façon synthétique chaque action en présentiel proposée aux participants, permettant ainsi une transparence de la démarche.
- La vidéo « Restitution filmée en 180s. » : donne la parole aux participants à chaque fin d’atelier pour synthétiser les points importants de leurs échanges.
Figure 3 : Les 4 « outils vidéos » adaptés aux 2 étapes du processus de concertation autour d’un projet d’aménagement (Banton et al., 2024)
L’ensemble des outils vidéos sont déployés lors de la thèse mais tous n’ont pas été déployés pour chacun des terrains d’étude. Nous allons présenter ici les résultats obtenus dans le premier terrain d’étude. L’autre terrain et les autres outils vidéos déployés font actuellement l’objet d’analyses pour mesurer l’efficacité de leur déploiement ainsi que l’appropriation par les participants dans un objectif d’engagement à la participation. Ces méthodes d’outils vidéos sont en effet évaluées sur leur efficacité mais aussi sur leur reproductibilité et leur potentiel de transférabilité vers d’autres territoires ou projets d’aménagement. Les pré-résultats montrent que certaines méthodes, telles que la « Carte interactive avec vidéos témoignages » et la «Restitution filmée en 180s. », semblent facilement reproductibles et transférables. En revanche, d'autres méthodes comme le « Nuage de mots » nécessiteraient des compétences plus poussées en analyse et techniques audiovisuelles.
Application expérimentale au territoire de la Réserve marine de Banyuls-Cerbère
Nous avons utilisé l'audiovisuel comme un outil de restitution et déclencheur de débats dans le cadre de la concertation pour le projet d'extension de l'aire marine protégée de Cerbères-Banyuls qui s’est déroulée entre février 2022 et mars 2023. En adoptant ces méthodologies précises mais aussi inspirées du journalisme, avec des méthodes prêtes à diffuser (PAD), nous visions à maximiser l'efficacité et la réplicabilité du processus de création de vidéos pour accompagner le processus de concertation.
Figure 4 :
L'accent mis sur la transparence du processus de transformation du territoire et sur la possibilité donnée aux spectateurs de réagir et d'impacter le projet d'aménagement est crucial pour favoriser un véritable dialogue participatif. En mettant en place des ateliers en présentiel ainsi qu'un volet de débat numérique, nous avons pu intégrer différentes modalités de participation pour engager un large éventail d'acteurs concernés répartis en groupes d’acteurs (pêcheurs, associations environnementales, plaisanciers, etc.). Ces actions participatives
Nous souhaitions pouvoir rendre compte sur la plateforme de débats en ligne des avancées faites lors des ateliers présentiels pour relancer le débat en ligne. Nous avons donc mis en place systématiquement pour chaque atelier en présentiel les outils vidéos « Déroulé de l’atelier » et « Restitution en 180s. ».
La vidéo « Déroulé de l’atelier » demandait de filmer l’ensemble de l’atelier et d’en proposer un montage court et dynamique avec des légendes explicatives.
La vidéo « Restitution en 180s. » quant à elle, promettait aux participants une transparence en gardant l’intégralité de leur prise de parole. A la fin des 3 heures d’atelier, il était demandé aux participants de chaque groupe de définir les points saillants de leurs réflexions pour ensuite les restituer devant la caméra et les autres participants. C’est pour obtenir des vidéos de durée équitable entre les différents groupes de participants que la contrainte de temps des 180 secondes a été posée. Cette durée et ce dispositif filmé ont permis de renouveler les temps traditionnels de restitutions plénières, souvent considérés comme des temps longs et peu dynamiques.
Il en est ressorti d’une part que l'ensemble des acteurs se sont prêtés à l’exercice, proposant ainsi un riche corpus de 23 vidéos de restitutions, mais aussi qu’ils se sont montrés plus confiants envers le processus participatif global du fait que leur parole soit enregistrée et mise en ligne.
Figure 5 : 12 des 23 vidéos de Restitutions en 180s. réalisées lors de la concertation pour l’extension de la réserve marine de Cerbère-Banyuls (
Ces vidéos ont ensuite fait l’objet d’analyses linguistiques (Bouzereau et al., 2024) afin de dégager des postures d’acteurs et le niveau d’engagement des parties prenantes lors de cette concertation. Ce qui a permis de constater que les vidéos peuvent également servir de corpus et de supports d’analyses pour d’autres disciplines.
Cet outil qui se révèle simple à mettre en place (plan fixe et sans véritable montage), joue un rôle primordial dans la transparence des échanges et l’accessibilité des débats en ligne par rapport aux traditionnels rapports écrits et peu attractifs. De plus, en adoptant une approche où la qualité esthétique n'est pas la préoccupation centrale, mais où l'accent est mis sur la dynamisation des vidéos et l'incitation à la réaction des spectateurs, nous avons amélioré l'accessibilité et l'impact des vidéos en tant qu'outils de communication et de mobilisation.
Cette démarche de systématisation des outils audiovisuels pour simplifier la compréhension de la trajectoire du territoire est doublement utile. En concevant les vidéos comme des outils visant à susciter un changement d'état plutôt qu’à rendre simplement compte d'un état existant, nous avons tenté de mieux comprendre le potentiel transformateur de l'audiovisuel dans le domaine de la concertation et de la planification territoriale.
Conclusion
Face aux enjeux environnementaux actuels, l'aménagement du territoire soulève d'autant plus de questions que, malgré une demande croissante de la part des citoyens, ceux-ci semblent peu impliqués dans les processus de décision. En réponse à ces lacunes, d'autres
Si l'on veut réellement donner la parole aux citoyens pour qu'ils participent aux projets d'aménagement et ne soient pas de simples spectateurs, il faut envisager de corréler la trajectoire du film avec celle du territoire. En d'autres termes, multiplier les croisements entre les deux pourrait permettre aux citoyens d'être informés et de faire entendre leur voix à toutes les étapes du projet d'aménagement.
Notre approche innovante offre une perspective prometteuse pour intégrer efficacement les outils audiovisuels dans les processus de concertation et d'aménagement du territoire, en favorisant un véritable dialogue participatif et en mobilisant les acteurs locaux pour une gestion plus durable et inclusive des ressources naturelles par exemple.L’utilisation de vidéos courtes d’environ 3 minutes s’est avérée optimale pour susciter l'intérêt et l'engagement des participants tout en permettant une diffusion facile en ligne. Les premiers résultats ont montré que les participants se sentaient davantage entendus et impliqués dans le processus de concertation grâce à ces productions audiovisuelles.
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[1] Laboratoire LAGAM, Université Paul Valéry Montpellier 3, Maelle.banton@univ-montp3.fr
[2] Laboratoire LAGAM, Université Paul Valéry Montpellier 3, Sylvain.pioch@univ-montp3.fr