N°6 / Formes de l’empathie: arts et langages

Les albums de littérature de jeunesse comme soutien au développement de l’empathie chez les jeunes enfants

Anne-Marie Dionne

Résumé

Des recherches effectuées dans divers domaines d’étude démontrent que les albums de littérature de jeunesse constituent un outil puissant pour soutenir le développement de l’empathie au cours de l’enfance. En outre, ce monde littéraire particulier qui s’offre aux jeunes enfants par la médiation des adultes contribuerait à façonner leur théorie de l’esprit et leur permettrait de s’exercer à comprendre la perspective d’autrui. Mais, comment se caractérisent ces albums qui soutiennent le développement de l’empathie ? Et comment les enseignants peuvent-ils agir en tant que médiateurs entre l’album et les enfants pour favoriser ce développement ? Dans cet article, nous traçons un état des lieux des connaissances afin d’apporter quelques éléments de réponse à ces questions. Aussi, à partir de nos propres analyses, nous présentons des exemples qui illustrent d’une part les caractéristiques des albums et d’autre part, les interventions de l’adulte, médiateur de l’album.

Studies from different fields of research are showing that children's books are a powerful tool in supporting the development of empathy in childhood. This particular literary world, through the mediation of adults, sustains the development of their theory of mind and allows them to practice their perspective-taking skills. But what features characterize those albums that are so powerful to support the development of empathy? And how can teachers act as a mediator between the album and the children to promote this development? In this article, we offer a literature review of knowledge to provide some answers to these questions. Based on our own analyzes, we present examples that illustrate the characteristics of the albums and the interventions of the adult as a mediator between the album and the children.

Mots-clés

Plan de l'article

Télécharger l'article

Les albums de littérature de jeunesse comme soutien

au développement de l’empathie chez les jeunes enfants

Anne-Marie Dionne[1]

 

Introduction

L’intérêt que suscitent les albums de littérature de jeunesse comme soutien au développement de l’empathie chez les enfants est assez récent. Des avancées dans le domaine de la psychologie du développement, des neurosciences et des études littéraires apportent des connaissances concernant leur engagement cognitif et émotionnel lorsqu’on leur fait la lecture de ce genre de livres. Grâce à ces recherches, on réalise que ces livres offrent un terrain de jeu qui leur permet de développer et d’affiner leur expérience de la pensée. En outre, par l’entremise des albums, les enfants côtoient des personnages en mots et en images qui les amènent à faire l’expérience de toute une gamme d’émotions. Ces personnages peuvent même leur faire vivre par procuration des situations conflictuelles, probables ou improbables, dont ils retirent de véritables leçons de vie (McTigue et al., 2015). Par cette expérience vicariante du monde de la pensée, les enfants apprennent à « lire » les émotions et les sentiments d’autrui, développant ainsi leur empathie cognitive et possiblement leur empathie émotionnelle.

Alors que l’empathie émotionnelle apparait très tôt dans la trajectoire développementale des enfants, l’empathie cognitive exige qu’ils développent la capacité de mentaliser et de comprendre les pensées d’autrui, ce qu’ils sont en mesure d’accomplir à partir de trois ou quatre ans (Fonagy, 2018). Deux concepts connexes qui sont associés au développement de l’empathie cognitive sont la théorie de l’esprit et la prise de perspective (Kucirkova, 2019). Or, nombreux sont les albums de littérature de jeunesse qui présentent des scénarios pouvant être utiles pour guider les enfants dans l’accroissement de ces habiletés cognitives (Mélançon, 2015). Néanmoins, par la diversité de leurs contenus, on peut penser qu’ils n’offrent pas tous le même intérêt. Dès lors, on peut se demander quelles sont les caractéristiques que devraient présenter les albums qui s’avèrent les plus bénéfiques à cet égard. Par ailleurs, il nous semble que si les albums sont utilisés pour soutenir le développement de l’empathie chez les enfants, il importe également de prendre en compte les interventions qui sont déployées par les adultes qui en font la lecture aux enfants. Ainsi, il y a lieu de considérer comment les enseignants peuvent favoriser le développement de l’empathie des enfants en instaurant un dialogue entourant les émotions et les états mentaux des personnages rencontrés dans les albums pendant qu’ils leur font la lecture.

L’objectif de cet article est de présenter un état des lieux de la recherche concernant le rôle des albums de littérature de jeunesse dans le développement de l’empathie des enfants. Notre travail sera orienté par les deux pôles mentionnés plus haut, soit les caractéristiques des albums et les interventions des adultes qui font la lecture aux enfants. Dans le simple but d’exposer de façon concrète les éléments théoriques qui ressortent des recherches à ce sujet, nos propos seront ponctués de quelques exemples repérés dans des albums de littérature de jeunesse. Aussi, pour montrer comment les interventions des enseignantes peuvent contribuer à soutenir le développement de l’empathie chez leurs élèves en leur faisant la lecture, nous présenterons quelques extraits qui rapportent des interactions ayant lieu en classe pendant cette activité. Mais avant d’entrer dans ces considérations, nous faisons état de certaines connaissances théoriques relatives au développement de l’empathie chez les enfants.

Le développement de l’empathie – éléments théoriques

L’empathie est considérée comme étant une compétence sociale essentielle pour vivre harmonieusement en société (UNESCO, 2015). Aussi, l’intérêt croissant pour cet objet d’étude témoigne du fait que l’on reconnait de plus en plus qu’il s’agit d’un enjeu déterminant qui contribue au bien-être et même à la survie de l’humanité (Moors et al., 2013). Plusieurs théories concernant le développement de l’empathie ont émergé et les définitions de ce concept se sont multipliées (de Vignemont, 2011). Une seule définition ne saurait parvenir à capter toutes les conceptualisations mises de l’avant par différentes écoles de pensées. Toutefois, les perspectives découlant de la psychologie du développement et l’apport des neurosciences nous semblent particulièrement bien indiquées pour cadrer les propos du présent article.

Une définition de l’empathie

Des chercheurs dans le domaine de la psychologie du développement définissent l’empathie comme un construit multidimensionnel comportant une dimension cognitive et une dimension affective (Feshbach, Feshbach, 1982; Hoffman, 1984; Strayer, 1987). De façon opérationnelle, l’empathie est considérée comme étant un phénomène interpersonnel qui dénote la capacité de reconnaitre, de comprendre et de partager les émotions ressenties par une autre personne (Tousignant et al., 2017). La reconnaissance des états mentaux de l’autre peut susciter, chez celui qui les perçoit, l’empathie émotionnelle et l’empathie cognitive (Baron-Cohen, 2011; Hoffman, 2001; Perry, Shamay-Tsoory, 2013). L’empathie émotionnelle est une réaction automatique et non intentionnelle. Par exemple, en voyant une personne qui est transportée de joie, celui qui en est témoin peut éprouver lui-même un ressenti agréable. Cette forme d’empathie se manifeste très tôt dans la vie des nouveau-nés, ce qui donne à penser qu’elle pourrait possiblement être innée (Sagi, Hoffman, 1976). Néanmoins, elle semble s’affiner de plus en plus avec l’âge (Hoffman, 1984). L’empathie cognitive, quant à elle, nécessite l’habileté de traiter cognitivement les émotions perçues chez autrui, ce que les enfants acquièrent typiquement vers l’âge de trois à quatre ans (Fonagy, 2018). La capacité de s’engager dans ce processus cognitif peut mener à comprendre le point de vue psychologique d’une autre personne afin de savoir ce qu’elle peut possiblement penser ou ressentir. L’empathie cognitive exige que l’enfant soit en mesure de comprendre les croyances et les intentions des autres personnes, requérant plus de ressources cognitives que l’empathie émotionnelle (Saxe, 2006).

Selon Kucirkova (2019), deux concepts importants qui sont directement liés à l’empathie cognitive sont la théorie de l’esprit et la prise de perspective. Ces deux aptitudes cognitives de haut niveau s’avèrent indispensables à la régulation des interactions sociales. Pour schématiser ces concepts, on peut dire que la théorie de l’esprit est l’aptitude à « lire » les pensées de l’autre alors que la prise de perspective est la capacité à se mettre à sa place pour appréhender sa vision du monde. Des précisions et des nuances entourant ces deux concepts sont présentées dans ce qui suit.

La théorie de l’esprit pour lire les pensées

La théorie de l’esprit est « [...] la capacité à inférer des états mentaux à soi-même et à autrui, capacité qui nous permet d’interpréter et de prédire le comportement de nos pairs dans une situation donnée » (Desgranges et al. 2011, p. 216). L’enfant qui développe sa théorie de l’esprit parvient peu à peu à comprendre les états mentaux des individus, tels que leurs connaissances, leurs croyances, leurs intentions, leurs émotions ou leurs désirs (Premack, Woodruff, 1978). Par exemple, âgée de trois ans, la petite Lisette comprend que son frère a de la peine parce qu’il a perdu son ballon. Elle peut faire cette « lecture » à partir de divers indices, notamment le langage corporel de son frère, ou encore les échanges verbaux qui ont lieu entourant cet évènement. Par ailleurs, en développant sa théorie de l’esprit, l’enfant comprend progressivement que les personnes ne pensent pas toutes de la même façon et que leurs croyances peuvent être différentes des siennes. Elles peuvent également différer de la réalité. Il s’agit alors de la compréhension de fausses croyances. Par exemple, Ali comprend que sa mère est heureuse parce qu’elle croit (à tort) qu’il a cueilli pour elle un joli bouquet de fleurs. Mais en réalité, il a cueilli des fleurs pour les offrir à sa grand-mère. L’enfant parvient également à comprendre que les émotions et les états mentaux des gens influencent leur façon d’agir (Houdé, Leroux, 2013). Ainsi, à partir de ce qu’il est en mesure de déceler, il peut anticiper les comportements d’autrui dans une situation donnée (Bejanin et al., 2016). Par exemple, parce qu’il comprend que sa grand-mère est heureuse de recevoir des fleurs, Ali prévoit qu’elle l’embrassera très fort.

Comme on peut le constater, l’expression « théorie de l’esprit » ne dénote pas une théorie psychologique. Il s’agit plutôt d’une aptitude cognitive qui permet d’imputer des représentations mentales aux individus à partir de l’extériorisation de leurs expressions émotionnelles, de leurs attitudes ou de leur connaissance supposée de la réalité (Duval et al., 2011). Cette fonction intellectuelle est nécessaire au développement de l’empathie. Il est généralement admis que les rudiments de la théorie de l’esprit sont présents chez la plupart des enfants de quatre ou cinq ans qui se développent typiquement (Gauthier, Bradmetz, 2005; Wellman et al., 2001). Toutefois, certains chercheurs (Buttelmann et al., 2014) soutiennent que certaines manifestations sont déjà apparentes chez des enfants âgés de 18 mois. Quoi qu’il en soit, on peut penser que la période de l’enfance est marquée par des progrès rapides et sophistiqués concernant le développement de diverses habiletés qui témoignent de l’acquisition de la théorie de l’esprit, tout comme c’est le cas pour la prise de perspective, un autre concept qui est également lié à l’empathie.

La prise de perspective pour comprendre le point de vue de l’autre

Chevalier et al. (2010) définissent la prise de perspective comme étant « la tendance à spontanément adopter le point de vue psychologique des autres et à imaginer comment l’autre est affecté par sa situation sans confondre ses propres sentiments avec ceux de l’autre » (p. 139). Ce concept s’apparente à la théorie de l’esprit, bien qu’il s’en distingue (Abrams et al., 2009; Kurcikova, 2019). Comme l’expliquent Chevalier et al. (2010), alors que la théorie de l’esprit permet de comprendre les intentions ou les états mentaux, la prise de perspective consiste plutôt à s’imaginer soi-même comme étant à la place d’une autre personne. Pour réaliser cette opération cognitive, l’enfant doit avoir acquis la capacité de raisonner à propos de la façon dont les autres perçoivent et comprennent le monde. Par ailleurs, la prise de perspective comprend également l’habileté à utiliser sa compréhension de la perspective d’autrui pour ajuster sa propre vision des choses. Cette habileté peut être observée chez des enfants d’environ trois ou quatre ans (Wellman, 1992; 2014), mais selon Abrams et al. (2009), elle continue d’évoluer et elle s’améliore considérablement au cours des années subséquentes. Enfin, comme la prise de perspective ne se limite pas à la compréhension de la perspective d’autrui, mais qu’elle implique aussi la capacité de remettre en question ses propres idées préconçues, elle contribue à ce que l’enfant parvienne graduellement à se délester de ses visées égocentriques (Galinsky, Moskowitz, 2000), ce qui est essentiel pour faire preuve d’empathie.

De plus en plus d’études empiriques (p. ex., Garner, Parker, 2018; LaForge et al., 2018; Martucci, 2016) soutiennent l’idée que les albums de littérature de jeunesse peuvent contribuer à soutenir le développement de la théorie de l’esprit des enfants. À notre connaissance, ni la prise de perspective ni même l’empathie n’ont été étudiées en tant que mécanismes spécifiques dans les études portant sur les albums. Pour faire un état des lieux sur le sujet qui nous intéresse, des études traitant particulièrement de la théorie de l’esprit ont donc été recensées. Compte tenu des liens étroits qui unissent la théorie de l’esprit, la prise de perspective et l’empathie, on peut penser que les connaissances découlant de ces recherches ont une influence tripartite sur les trois concepts. C’est à partir de ce postulat que nous présentons ci-dessous des études qui permettent de cerner certaines particularités des albums, et par la suite, des études qui portent sur les interventions des adultes qui en font la lecture aux enfants.

Des albums pour réfléchir au monde de la pensée

Des études portant sur des corpus d’albums de littérature de jeunesse ont été effectuées par différents chercheurs (p.ex., Cassidy et al., 1998; Dyer et al., 2000; Mélançon, 2015). Ces analyses de contenu apportent des informations complémentaires pour faire connaitre des caractéristiques de ces livres qui sont susceptibles de soutenir le développement de la théorie de l’esprit chez les enfants.

L’étude de Cassidy et al. (1998) est l’une des premières études à avoir porté sur ce sujet. Ces auteurs ont analysé 317 albums de littérature jeunesse afin de déterminer s’ils présentaient un contenu sollicitant des éléments de la théorie de l’esprit. Cette recherche a révélé que dans 74% des albums analysés, la trame narrative mettait en évidence des états mentaux ou émotionnels tel que ressentir, vouloir, savoir, penser, croire, etc., 43% décrivaient les traits de personnalités des personnages et 34% faisaient état de fausses croyances. Les auteurs sont donc arrivés à la conclusion que les albums de littérature jeunesse présentent un riche potentiel pour rendre visibles les éléments de la pensée, ce qui permet de soutenir le développement d’une théorie de l’esprit chez les enfants.

Pour leur part, Dyer et al. (2000) ont réalisé une étude comparative en examinant un corpus de 90 albums de fiction, dont la moitié était destinée à des enfants de trois à cinq ans et l’autre moitié à des enfants de cinq à six ans. L’ensemble de ces ouvrages était tiré d’une liste établie par des experts dans le domaine de la littérature jeunesse. Leur analyse s’est centrée, notamment, sur les mots et les expressions mis en évidence dans le texte et dans les illustrations. Ils ont remarqué que les albums qui étaient destinés aux enfants de cinq à six ans contenaient un plus grand nombre de mots, ce qui pourrait expliquer pourquoi ils comptaient aussi un plus grand nombre de références aux états mentaux. Nonobstant ce constat, ils ont conclu que le nombre de références aux états mentaux était relativement élevé dans les deux ensembles de livres, avec, en moyenne, une référence toutes les trois phrases. En ce qui concerne les illustrations, ils ont constaté qu’elles apportaient rarement des informations additionnelles concernant les états mentaux exprimés dans le texte. Cependant, dans plusieurs albums, l’alliance entre le texte et les illustrations mettait en évidence des situations nécessitant la compréhension de l’ironie afin d’être en mesure de saisir le sens du scénario présenté. En conclusion de cette étude, les auteurs ont déterminé que même les albums les plus simples, souvent destinés aux enfants de trois à cinq ans, peuvent offrir un contexte particulièrement riche pour développer leur compréhension du monde de la pensée.

Dans une étude plus récente, Mélançon (2015) a fait une analyse de 114 albums de littérature jeunesse de langue française qu’elle a repérés dans les bibliothèques de cinq classes du préscolaire. À l’aide d’une grille de catégorisation, traduite en français et adaptée à partir des travaux de Cassidy et al. (1998), elle a analysé ces albums en tenant compte de la présence des mots faisant référence aux émotions, aux états mentaux, aux situations de fausses croyances et aux traits de personnalité des personnages. Les résultats de cette analyse rejoignent étroitement ceux de Cassidy et al. (1998). Ils montrent que tout comme dans les albums de langue anglaise analysés par ces chercheurs, la grande majorité des albums de littérature jeunesse que l’on peut trouver dans les classes du préscolaire sont susceptibles de contribuer à créer un contexte stimulant pour l'éveil des jeunes enfants au monde de la pensée, puisqu’ils présentent des contenus qui peuvent leur rendre cet univers plus accessible.

Des exemples tirés de quelques albums

Les connaissances découlant des recherches que nous venons de décrire brièvement permettent de cerner quelques caractéristiques des albums qui pourraient avoir le potentiel de soutenir le développement de la théorie de l’esprit des enfants. Mais, comment ces caractéristiques apparaissent-elles dans les albums? Pour le démontrer, nous aurions pu choisir au hasard quelques albums afin d’en extraire des exemples. Cependant, il nous a semblé plus signifiant d’examiner certains albums que sélectionnent des enseignants lorsqu’ils font la lecture à leurs élèves. En tant que médiateurs de l’album, les choix qu’ils exercent peuvent être avoir de l’influence sur leurs élèves (Kucirkova, 2019; Martucci, 2016).

Lors d’une recherche antécédente portant sur la lecture interactive dans des classes du préscolaire et de l’élémentaire (maternelle à la 3e année), nous avons réalisé une collecte de données en faisant l’enregistrement audio de 46 séances de lecture au cours desquelles des enseignantes faisaient la lecture à voix haute à leurs élèves. Pour chaque séance de lecture, elles devaient librement choisir les albums qu’elles souhaitaient lire à leurs élèves. Aucune thématique particulière ne leur était suggérée pour les orienter dans leur choix. En répertoriant l’ensemble des albums qu’elles avaient alors sélectionnés, on obtient un corpus de 41 titres différents (cinq albums ont été choisis par plus d’une enseignante). Dans le cadre de cet article, nous avons analysé le contenu de ces albums dans le seul but de relever quelques exemples nous permettant de montrer explicitement des éléments se rapportant à l’empathie. Le fait de considérer des albums ayant été choisis par les enseignantes pour relever ces exemples favorise la validité écologique de nos observations. En effet, on peut penser que leurs choix reflètent le genre d’albums qu’elles lisent habituellement à leurs élèves.

En nous inspirant des travaux cités plus haut, nous avons effectué l’analyse des 41 albums pour être en mesure de rapporter des exemples qui nous semblent adéquats pour monter comment des éléments liés à l’empathie se manifestent à travers les pages des albums. Tout comme les auteurs de ces travaux, nous avons considéré la trame narrative (Cassidy et al, 1998; Mélançon, 2015) ainsi que les mots et les expressions mis en évidence dans le texte et dans les illustrations des albums (Dyer et al., 2000) afin de relever ces exemples. Dans ce qui suit, nous nous attardons d’abord sur les caractéristiques mises en évidence par Cassidy et al. (1998) et Mélançon (2015), notamment les références aux émotions, aux états mentaux et aux fausses croyances. Comme il s’agit d’éléments qui se rapportent précisément à la théorie de l’esprit, nous avons voulu ajouter à cela des exemples de scénarios dans lesquels la prise de perspective, l’empathie ou le manque d’empathie sont mis en évidence. Il nous semble que ce sont là d’autres caractéristiques à prendre en compte, car ces scénarios pourraient bien mener les enfants à approfondir leur compréhension de ces concepts importants.

Les émotions

À l’instar de Cassidy et al. (1998) et de Mélançon (2015), nous observons que certains albums de littérature de jeunesse comptent de nombreuses références aux émotions. À l’occasion, elles sont facilement identifiables par le fait qu’elles sont exprimées sans détour dans le texte. Par exemple, dans La bonne humeur de Loup gris, Petit mouton s’exprime ainsi : « Loup gris, je veux bien que tu m’attrapes, mais avant de me manger, laisse-moi chanter avec mes frères ma tristesse de quitter la terre. Et toi qui vas me dévorer, chante donc ta joie d’avoir trouvé un bon repas! » (Bizouerne, Badel, 2013, np), Mais en d’autres occasions, l’alliance entre le texte et l’illustration doit être prise en compte pour déceler la présence des émotions. Par exemple, la phrase incipit de l’album L’ami du petit tyrannosaure se lit comme suit : « Il était une fois un petit tyrannosaure qui n’avait pas d’amis parce qu’il les avait tous mangés. » (Seyvos, Vaugelade, 2003, np). En elle-même, cette phrase ne donne aucun indice quant aux émotions pouvant accompagner cet état de fait. Pour comprendre l’émotion découlant de cette malencontreuse situation, il faut examiner l’illustration qui accompagne cette phrase, laquelle montre le petit tyrannosaure pleurant à chaudes larmes, ce qui permet d’inférer qu’il éprouve une grande tristesse, non pas de la joie ou de la satisfaction d’avoir mangé ses amis, par exemple. Par ailleurs, on note que les émotions qui sont exposées dans les albums sont aussi présentées par divers procédés littéraires, notamment par la présence d’onomatopées ou d’interjections. Le recours à des figures de style est également évident. Par exemple, dans l’album La craie rose, on comprend les émotions concernant l’état de santé de la mère de la petite Léa à cause de l’intensité des expressions décrivant d’une part la tristesse et d’autre part, la joie des protagonistes : « Soudain, la mère de Léa fut secouée par une quinte de toux. Le cœur de la fillette se serra. » (Chartrand, Arbona, 2010, np) et plus loin, on peut lire : « Tout à coup, la maman de Léa se redressa dans son lit. Ses joues rosirent, puis ses yeux brillèrent comme des saphirs. Elle se leva et tendit les bras à Léa. Le cœur de la fillette chavira de bonheur. Serrant très fort sa craie rose, Léa se blottit, en riant, dans les bras de sa maman. » (ibid., np).

Les états mentaux

Des références aux états mentaux ont été relevées dans chacun des albums que nous avons analysés. Dans certains albums, on en retrouve jusqu’à douze. Mélançon (2015) en a identifié autant dans les albums qu’elle a analysés, ce qui tend à confirmer que les occasions de discuter de divers états mentaux à partir des albums de littérature de jeunesse sont multiples. Par ailleurs, les états mentaux qui sont évoqués semblent être divers. Dans l’extrait suivant, tiré de l’album L’homme sans chaussettes (Couëlle, Pelletier, 2015), on peut en compter quatre (penser, se demander, aimer, oublier) dont certains sont mentionnés plus d’une fois :

Le soir, dans son lit, Luca pense à ce qu’a dit Juliette, et se demande si lui 

aussi n’aimerait pas mieux que l’homme sans chaussettes ne soit pas là. Il 

pense aux pieds de l’homme sans chaussettes, à son pantalon trop court. Il 

se demande s’il n’a pas froid. ‘ Peut-être qu’il a oublié qu’il a grandi? Peut-

être qu’il a oublié que l’été est parti, que dehors c’est l’automne... Peut-être 

qu’il n’a même pas de lit...'. (Couëlle, Pelletier, 2015, np)

Selon Mélançon (2015), les états mentaux qui sont les plus souvent évoqués dans les albums sont « vouloir » « savoir/ignorer » et « penser ». D’après nos observations, d’autres états mentaux pourraient être ajoutés à cette liste, par exemple : comprendre, imaginer, et oublier. Aussi, il nous semble important de prendre en compte la synonymie et les expressions qui peuvent être l’équivalence des états mentaux qui sont mentionnés ici. Par exemple, on peut lire dans l’album La craie rose : « Son souhait avait été exaucé! » et « Il espérait découvrir dans son bas les petits soldats qu’il avait demandés. » (Chartrand, Arbona, 2010, np). À notre avis, dans les contextes d’utilisation où elles se trouvent, le sens de ces deux expressions correspond à l’état mental qui consiste à « vouloir ».

Les fausses croyances

Selon Nikolajeva (2014), les albums décrivent parfois des conflits interpersonnels qui découlent de l’incompréhension ou de la mésinterprétation des émotions de l’autre. Comme dans la réalité, ces mésententes peuvent être attribuables aux fausses croyances entretenues par les individus. Dans les albums que nous avons analysés, il a été possible d’identifier quelques situations où de fausses croyances orientaient les comportements des personnages.

Deux exemples de fausses croyances sont relevés dans l’album Petit panda cherche un ami. Dans cette histoire, un jeune panda du nom de Li cherche à attirer l’attention d’un petit ourson, dans le but de s’en faire ami. Mais, ce dernier reste insensible à ses tentatives. On peut lire : « À chaque fois que Li lui fait signe, l’ourson l’ignore, comme s’il était transparent. ‘C’est sûrement parce que je n’ai pas un beau pelage brun comme le sien’, soupire-t-il. » (Bertholet, Vilcollet, 2011, np). Le lecteur pourra éventuellement comprendre que Li entretient une croyance qui est fausse, car lors du dénouement, on apprend, que le petit ourson n’était pas en mesure de voir Li, car il a une mauvaise vue : « – Je voulais jouer avec toi. Et toi, tu m’ignorais parce que j’étais différent. – Mais non, ne crois pas ça! Tu ne sais pas que les ours ont une très mauvaise vue? En fait, je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez!’ » (ibid.). Un deuxième exemple que l’on peut relever dans cet album montre qu’une fausse croyance peut être induite lorsque, pour tenter de ressembler à l’ourson, Li verse sur lui de la poudre de cacao. Son subterfuge fonctionne puisque le petit ourson pense que Li est un ourson comme lui. Mais, pendant qu’ils jouent ensemble, l’orage éclate et la poudre de cacao dégouline sur la fourrure de Li. Le lecteur peut comprendre que le petit ourson a entretenu une croyance qui se révèle fausse : « Oh! s’exclame Griz. Mais... Tu es un panda! » (ibid.) et aussi : « Mais pourquoi as-tu fait semblant d’être un ours? » (ibid.).

Comme l’a noté Cassidy et al. (1998), le manque d’information ou l’usage d’un déguisement peuvent amener les individus à entretenir de fausses croyances. Les deux situations qui viennent d’être décrites pourraient amener les enfants à faire ce constat. Selon ces auteurs, les tromperies, les feintes, et les changements qui sont faits à l’insu d’un personnage sont autant d’autres éléments sur lesquels peuvent se fonder les fausses croyances. Il n’est pas rare qu’ils se retrouvent dans la trame narrative dans des albums de littérature de jeunesse.

Alors que des études ont cerné des caractéristiques des albums pouvant mener plus précisément au développement de la théorie de l’esprit, à la lumière des avancées théoriques dont il a été question précédemment, il nous semble important d’explorer d’autres concepts qui permettent aussi d’explorer le monde de la pensée à l’aide des albums. Pour ce faire, nous avons relevé des scénarios mettant en évidence la prise de perspective et l’empathie. À cela, nous ajoutons un scénario faisant état d’un manque d’empathie. Nous pensons qu’il s’agit d’autres caractéristiques des albums qui pourraient également amener les enfants à appréhender le monde de la pensée.

La prise de perspective

Dans l’album Manchots au chaud, le jeune Matéo s’inquiète pour les manchots, victimes innocentes d’un déversement de pétrole dont il a été témoin. Leurs plumes sont engluées de pétrole et leur vie est en danger. L’extrait suivant montre qu’il s’imagine comment les manchots sont affectés par cette situation : « Matéo tourne en rond dans son salon. Il n’arrête pas de penser aux manchots prisonniers du pétrole. Il se demande si les manchots ont mal. Il se demande si les manchots pleurent. Il se demande si les manchots vont mourir. » (Poulin, Mezher, 2016, np). La prise de perspective est évidente dans cet extrait, car le protagoniste s’imagine comment les manchots sont affectés par la situation. L’accent n’est pas mis sur ses propres émotions, mais sur celles des autres personnages, en l’occurrence les manchots.

L’empathie

L’empathie est mise en évidence dans l’album Le Gentil Méchant Loup. Tiré de son sommeil d’hiver par ses petits loupiots affamés, Papa Loup doit sortir pour leur rapporter de quoi manger. Chaque fois qu’il pense avoir trouvé sa proie, l’animal qu’il s’apprête à fourrer dans son sac le supplie de le laisser partir, évoquant la nécessité de combler les besoins de sa propre famille. Par exemple :

Plus loin, Papa Loup repère des traces dans le manteau neigeux. Un biquet! Il se lèche les babines et s’abat sur le petit animal. –Pitié, Loup, ne me mange pas! supplie le biquet, terrorisé. – Crotte de biche. Et pourquoi est-ce que je ne te mangerais pas? – Je ramasse du bois pour que ma vieille mère se réchauffe près du feu. Si tu me manges... Papa Loup pense alors à sa vieille maman. Il n’aimerait pas qu’elle meure de froid. (Bind, Derullieux, 2013, np)

À partir de cet extrait, on peut apprécier le fait que Papa Loup est empathique, car il reconnait, comprend et partage les émotions que ressent le biquet envers sa maman, ce qui le mène à lui rendre sa liberté. Or, si l’on reprend la définition de l’empathie de Tousignant et al. (2017), l’empathie est un phénomène interpersonnel qui dénote la capacité de reconnaitre, de comprendre et de partager les émotions ressenties par une autre personne. On peut donc penser que la situation décrite dépasse la prise de perspective, laquelle ne nécessite pas le partage des émotions (Chevalier et al., 2010).

Le manque d’empathie

Si, dans les albums, se trouvent des scénarios dans lesquels l’empathie est manifeste, on trouve également des albums dans lesquels c’est le manque d’empathie qui est mis en évidence. Il nous semble que ces scénarios sont souvent primordiaux dans le développement de la trame narrative de tels albums. Par exemple, dans l’album Y’a pas de place chez nous, deux enfants Marwan et Tarek fuient leur pays en guerre à bord d’un bateau surchargé d’autres sans-pays. Partout, on les repousse, on les ignore et on reste sourd à leur détresse. L’auteure rend la situation palpable par les propos suivants :

Le bateau s’approche d’une île. Sur la rive, les gens crient : Y’a pas de place chez nous ! Le bateau s’approche d’une autre île. – À l’aide ! crient les sans-pays. Sur l’île, personne ne répond. – On n’a plus de place chez nous. On peut s’installer chez vous ? Sur l’île, personne ne répond. – On va travailler très fort. Sur l’île, personne ne répond. – On n’a plus rien à manger. Sur l’île, personne ne répond. Tarek demande à son grand frère : – Pourquoi les gens ne nous répondent-ils pas ? Marwan hausse les épaules et dit : – Peut-être qu’ils sont tous sourds... (Poulin, Lord Mariano, 2016, p. 7-9)

La répétition de la phrase « Sur l’île, personne ne répond. » est un procédé littéraire que l’auteure utilise habilement pour décrire le manque d’empathie que l’on dénote dans cet extrait. C’est d’ailleurs ce constat, exprimé plusieurs fois par l’auteure, qui entraîne la question de Tarek. La réponse de Marwan à la question de son jeune frère pourrait bien être perçue comme un simple moyen d’atténuer la réalité afin de protéger la sensibilité de ce dernier. Mais à notre avis, l’expression qu’il utilise est aussi un autre moyen de souligner avec force le manque d’empathie des citoyens des îles qui font la sourde oreille face à la détresse des sans-pays. Par ailleurs, dans cet extrait, les illustrations amplifient le sens du texte. D’une part, on peut voir le désarroi par les expressions faciales et les postures corporelles des sans-pays et d’autre part, on voit les citoyens des îles qui, par des gestes menaçants et des regards perçants, leur interdisant l’accès à la terre ferme. Heureusement, lors du dénouement, les sans-pays trouveront une terre d’accueil. Néanmoins, l’extrait qui est mis en évidence pourrait donner lieu à des discussions fécondes visant à approfondir les réflexions des élèves quant à divers éléments menant au développement de l’empathie, notamment la reconnaissance des émotions des personnages et leur prise de perspective.

Les exemples ayant été relevés dans ces albums de littérature de jeunesse donnent à penser qu’ils offrent de multiples occasions de soutenir les habiletés cognitives en lien avec le développement de l’empathie. Les références aux émotions, aux états mentaux et aux fausses croyances sont des aspects fondamentaux qui les caractérisent. Aussi, la présence de divers scénarios qui exposent des concepts tels que la prise de perspective, l’empathie et le manque d’empathie sont aussi des caractéristiques des albums qui semblent offrir des occasions de discuter de ces concepts avec les enfants. D’ailleurs, comme le soulignent Peskin et Astington (2004), les discussions qui émanent pendant que l’adulte fait la lecture d’un album à des enfants contribuent de façon particulière à soutenir leur compréhension du monde de la pensée.

Les discussions autour des albums

Dans une visée expérimentale, des études (p. ex., Gombert et al., 2016; Garner, Parker, 2018; Martucci, 2016) ont porté sur des interventions réalisées à partir d’albums afin de savoir comment l’adulte peut guider les enfants vers une meilleure compréhension du monde de la pensée. Ces études se sont intéressées aux conversations qui surviennent lorsque les adultes font la lecture d’albums aux enfants. Menées dans le contexte familial ou le contexte scolaire, elles permettent de poser un regard sur les éléments conversationnels qui pourraient orienter les réflexions des enfants pour ainsi soutenir leur développement de l’empathie ou des concepts qui lui sont associés.

Après avoir sélectionné judicieusement un ensemble d’albums dans lesquels les références aux émotions et aux états mentaux étaient évidentes, Garner et Parker (2018) ont demandé à des parents de lire deux de ces livres à leur enfant. À partir des enregistrements de ces lectures, les auteurs ont ensuite analysé la façon dont les parents tenaient compte de ces multiples références. Ils ont observé que pendant qu’il faisait la lecture, les parents avaient une forte propension à nommer les émotions ou les états mentaux dont il était question dans les albums. Cependant, ils offraient peu de détails additionnels et ils posaient peu de questions à l’enfant pour guider sa réflexion à propos des ressentis des personnages. Par ailleurs, les parents avaient tendance à relever davantage les éléments des albums qui étaient en lien avec la joie et à la colère plutôt que ceux qui se rapportaient à la peur. Bien que les interventions parentales lors de la lecture de ces albums semblent peu variées, les auteurs insistent sur le fait que la situation de lecture à l’enfant est une occasion où les parents s’attardent plus souvent à nommer des émotions que dans d’autres activités telles que les jeux libres ou les conversations quotidiennes. Ils concluent leur étude en soulignant qu’il peut être avantageux de recourir aux albums pour encourager les enfants à reconnaitre leurs propres émotions de même que celles des autres. Les interventions parentales peuvent ainsi les aider à nommer ces diverses émotions.

Pour sa part, Martucci (2016) a réalisé une étude qui l’a mené à analyser 29 séances de lecture au cours desquelles des enseignantes du préscolaire ont lu des albums de littérature de jeunesse à leurs élèves. Sans compter la lecture du texte comme telle, plus de 4 000 échanges verbaux ont eu lieu pendant ces séances de lecture, dont la moitié ont été faites par les enfants. L’analyse des interactions a démontré que par leur questionnement et leurs explications relatives aux émotions et aux états mentaux mis en évidence dans les albums, les enseignantes amenaient souvent les élèves à établir des relations causales entre les désirs, les motivations, les pensées et les comportements des personnages. Selon les auteurs, les questions et explications fournies par les enseignantes fournissent l’étayage qui est nécessaire aux élèves afin de comprendre les situations de fausses croyances faisant partie de la trame narrative des histoires.

Gombert et al. (2016) ont également réalisé une étude dans des classes du préscolaire. Ils ont créé quatre conditions expérimentales dans lesquelles des interactions dirigées par les enseignantes autour d’albums de littérature de jeunesse ont eu lieu selon différentes modalités. Après une période de quatre mois pendant laquelle les quatre conditions ont été expérimentées de façon concomitante, ils ont déterminé que comparativement aux élèves faisant partie d’un groupe témoin, les élèves des quatre groupes expérimentaux avaient tous fait des progrès significatifs concernant le développement de leur théorie de l’esprit. Cette étude a mené les auteurs à conclure qu’indépendamment du genre d’activité qui est réalisé avec les albums de littérature de jeunesse, le fait de les intégrer dans l’enseignement donne des occasions de discuter des états mentaux, ce qui a pour effet d’accélérer chez les enfants la prise de conscience des états émotionnels et des croyances des individus, de même que des effets qu’ils peuvent avoir sur les comportements.

Ces trois études mettent en évidence que l’adulte qui fait la lecture aux enfants ou qui discute avec eux concernant le contenu des albums de littérature de jeunesse est un médiateur qui amène les enfants à développer diverses habiletés de la pensée relatives à l’empathie. Le fait de nommer les émotions ou les états mentaux, de poser des questions et de fournir des explications aux enfants semblent être des interventions permettant de leur offrir un soutien à leur mesure.

Des discussions dirigées par l’adulte : deux exemples

Nous avons porté un nouveau regard sur les transcriptions verbatims des enregistrements et sur les notes d’observation que nous avons prises dans le cadre de notre étude portant sur la lecture interactive dont il a été question précédemment. Pour les fins du présent article, nous avons relu l’ensemble de ces transcriptions et de ces notes en étant à l’affut des interactions où des propos concernant le monde de la pensée étaient perceptibles (p. ex., des échanges centrés sur les émotions ou les états mentaux des personnages). Cet examen nous a permis de constater qu’en faisant la lecture aux élèves, certaines enseignantes instaurent un dialogue concernant les émotions complexes et les fausses croyances qui sont mises en évidence dans les albums de littérature de jeunesse. Nous avons relevé des exemples où l’on constate qu’elles nomment les émotions ou les états mentaux, qu’elles ajustent leur questionnement pour guider le raisonnement des élèves et qu’elles offrent des explications concernant les relations causales entre les émotions, les états mentaux et les comportements des personnages. Le premier exemple présente une discussion visant la compréhension d’une émotion complexe, alors que le deuxième exemple est une discussion visant la compréhension de fausses croyances.

Discussion portant sur les émotions complexes

Les émotions complexes résultent généralement des relations interpersonnelles entre deux individus ou plus (Nikolajeva, 2014). De ce fait, il est possible qu’elles soient plus difficiles à comprendre pour l’enfant que ne le sont les émotions de base, car la situation doit être considérée selon la perspective de plus d’un personnage. Néanmoins, il n’est pas rare que des émotions complexes soient mises en évidence dans les albums, comme c’est le cas dans Le loup qui s’aimait beaucoup trop (Lallemand, Thuillier, 2010). Cet album relate l’aventure de Loup qui, pour s’assurer de remporter le concours annuel du Plus Grand Méchant Loup, n’hésite pas à tricher pour gagner toutes les épreuves de la compétition. Après avoir été déclaré le grand gagnant du concours, il se pavane dans la forêt pour le reste de la journée. La nuit tombée, il s’y perd et il finit par tomber dans un trou profond ou il doit passer le reste de la nuit. L’illustration qui accompagne l’extrait suivant nous laisse voir Loup, dans les profondeurs de ce trou, sa médaille d’or autour du cou et l’air penaud. On peut lire : « La nuit se passe. Dans son trou, Loup réfléchit. Il repense à sa journée. Il a vraiment honte de lui. » (ibid.). La discussion présentée ci-dessous laisse entrevoir qu’en nommant, en questionnant et en expliquant, l’enseignante qui a lu cet album à ses élèves de 1re année de l’école élémentaire les a possiblement amenés à approfondir leur compréhension concernant cette émotion complexe ressentie par Loup :

Enseignante : Comment se sent Loup ?

Élèves : Il a honte.

Enseignante : Oui! Il n’est plus aussi fier maintenant, n’est-ce pas ? Pourquoi pensez-vous qu’il est honteux ? Qu’est-ce qu’il a fait pour avoir honte comme ça ? [Pas de réponse] Est-ce qu’il a honte parce qu’il est tombé dans le trou ? [Quelques élèves hochent la tête en signe d’assentiment ; d’autres hésitent en murmurant « non ». L’enseignante donne un temps de réflexion.]

Enseignante : Moi, je pense que Loup, il a honte parce que... Oh ! Oui Lisa, tu veux nous dire pourquoi Loup est honteux ?

Louisa : Parce qu’il a triché.

Enseignante : Oui ! Il a triché pour gagner le concours. Est-ce qu’il méritait vraiment de gagner ? Qu’est-ce que vous en pensez?

Craig : Il a fait de la peine à ses amis. C’est pour ça.

Enseignante : Oui, c’est vrai ! Il a fait de la peine à ses amis en trichant et maintenant il réfléchit à tout ça et il est honteux. [Elle montre l’illustration aux élèves.] Qu’est-ce que vous pensez qui se passe dans sa tête ?

Souad : Il pense c’est pas lui qui aurait dû gagner.

Enseignante : Oui ! Quoi d’autre ?

Souad : Il pense que c’est les amis qui auraient dû gagner.

Enseignante : Oui, peut-être que c’est vraiment ce qu’il pense. Qu’est-ce qu’il peut bien penser encore ?

Carlos : Ils sont fâchés de lui.

Enseignante : Oui, peut-être qu’il pense que ses amis sont fâchés, car il a triché.

On constate qu’il y a des différences individuelles concernant le niveau de compréhension des élèves concernant l’émotion complexe dont il est question. Par exemple, certains élèves soutiennent sans hésiter la proposition de l’enseignante voulant que Loup ait honte d’être tombé dans le trou profond, alors que d’autres pensent autrement, tout en éprouvant quelques difficultés à préciser leur pensée. Par ailleurs, les interventions de l’enseignante amènent les élèves à comprendre qu’en présence d’une émotion complexe telle que la honte, il importe de prendre en compte la perspective des personnages impliqués dans l’histoire. Même si les réponses des élèves manquent parfois de justesse ou d’exactitude, les questions et les commentaires de l’enseignante servent d’étayage afin de les amener vers de nouvelles pistes de réflexion pour consolider leur compréhension de cette émotion complexe qu’est la honte.

Discussion portant sur les fausses croyances

Dans certains albums, l’intrigue est construite autour de fausses croyances. C’est le cas de l’album La corde à linge magique (Poulin, Arbona, 2010). Voulant atténuer le chagrin de son petit frère Robin, causé par l’absence temporaire de leur père, le jeune Thomas lui fait croire que leur corde à linge est magique, puisque chaque jour, Robin y trouve une surprise qui vient supposément de leur papa.

Ce soir-là, Robin ne touche pas à son repas. Il repousse même son dessert. Sa mère jette un coup d’œil par la fenêtre de la cuisine et dit : - C’est bizarre... Il y a une enveloppe dorée sur la corde à linge. Robin se précipite et décroche l’enveloppe. Il en sort un carton décoré de réglisse en lacets. Les lacets forment le seul mot qu’il sait lire : ROBIN. Le garçon sautille de joie. - Papa m’achète toujours de la réglisse rouge ! - Tu crois vraiment que c’est lui qui t’a laissé ce cadeau ? demande sa mère étonnée. - Notre corde à linge est peut-être magique, suggère Thomas. (Poulin, Arbona, 2010, np)

Après avoir lu cet extrait de l’album à des élèves de la maternelle, l’enseignante guide la discussion avec ses élèves en nommant, en questionnant et en ajoutant des explications :

Enseignante : Regardez ici ! On voit la surprise sur le visage de Robin ! Il a l’air curieux aussi. Les amis, est-ce que vous pensez que la corde à linge, elle est vraiment magique?

Léo : Ça s’peut pas une corde à linge magique! No way!

Claudia : C’est la maman qui a mis la lettre.

Enseignante : Qu’est-ce qui te fait penser que c’est la maman de Robin qui a mis la lettre sur la corde à linge ?

Claudia : Pour jouer un tour au p’tit garçon.

Léo : C’est Thomas! Oui, c’est Thomas qui met la lettre.

[L’enseignante hoche la tête en signe d’assentiment.]

Enseignante : Pourquoi dit-il à son petit frère que la corde à linge est peut- être magique ? Il sait pourtant que ce n’est pas vrai.

Caroline : Elle donne des bonbons de réglisse.

Enseignante : Est-ce que tu penses que la corde à linge est magique, Caroline ?

Caroline : [Hésitante] Non.

La discussion entre l’enseignante et les élèves concernant la fausse croyance de Robin se poursuit encore vers la fin de l’histoire après l’extrait suivant : « D’habitude, le dimanche matin, Robin joue au soccer avec son père. Mais son papa ne sera pas de retour avant deux jours. Il s’en va donc trouver Thomas. – Veux-tu jouer avec moi ? – Va chercher le ballon dans ma chambre répond son grand frère. » (Poulin, Arbona, 2010, np). L’illustration qui accompagne cet extrait montre Robin qui cherche le ballon sous le lit de son grand frère. C’est alors qu’il découvre la vérité : « Robin trouve une boite sous le lit de Thomas. Il en sort un morceau de savon à demi sculpté, de la réglisse rouge, des enveloppes dorées et des épingles à linge. » (ibid.).

Enseignante : Comment se sent Robin maintenant qu’il sait que la corde à linge n’est pas magique ? [Pas de réponse] Est-ce que Robin est content ? Est-ce qu’il est fâché ?

Natacha : Il va dire « merci Thomas pour les cadeaux ».

Lucie : Il va être fâché avec Thomas.

Caroline : Il est content avec Thomas.

La première question de l’enseignante semble dépasser le niveau de réflexivité des élèves, car ils ne parviennent pas à anticiper une émotion que pourrait ressentir le protagoniste ; du moins, ils ne l’expriment pas. Mais lorsque l’enseignante précise son questionnement en nommant quelques possibilités, les élèves émettent des réponses plausibles. L’enseignante a ainsi tenu compte des compétences des élèves en leur offrant un étayage pour les amener à répondre à la question. Par ailleurs, même si les réponses des élèves varient, ce genre de questionnement les mène à réaliser qu’une fausse croyance peut avoir de l’influence sur les émotions des personnages. En découvrant la suite de l’histoire, on peut penser qu’ils comprendront qu’elles ont aussi de l’influence sur les comportements des personnages.

Conclusion

Dans les sociétés lettrées, la littérature de jeunesse dispose d’une place de choix dans l’univers de l’enfance et de la jeunesse. Il est déjà bien établi qu’elle contribue de façon inestimable au développement des habiletés en lecture (Giasson, 2011; Tauveron, 2002). Mais de plus en plus, on la considère également comme étant un outil de première importance pour soutenir la socialisation des enfants et le développement de la littératie émotionnelle (Nikolajeva, 2015). En outre, les albums qui sont destinés aux jeunes enfants se démarquent par le rôle qu’on leur accorde concernant l’expérience de la pensée (Chirouter, 2013). La question n’est donc plus de savoir si les albums peuvent être utiles en ce sens, mais plutôt comment ils peuvent être mis à profit pour promouvoir le développement de compétences telles que l’empathie chez les enfants.

Compte tenu de l’interdépendance entre les aptitudes sociales, émotionnelles et scolaires des élèves, le développement des comportements prosociaux doit devenir l’une des priorités de l’école (Rose et al., 2020). Nous croyons que par l’entremise des albums, il est possible de mettre en place des interventions ciblées, tout comme il est possible d’intégrer dans le quotidien scolaire des moments de partage pouvant avoir une incidence sur le développement de l’empathie des élèves.

Par cet article, nous avons voulu faire un rappel des caractéristiques des albums qui peuvent être utiles pour amener les enfants à développer des habiletés en lien avec l’empathie. En plus de faire l’état des lieux des connaissances à ce sujet, nous avons voulu offrir quelques exemples pour montrer que certains albums possèdent effectivement ces caractéristiques particulières qui amènent les enfants à réfléchir au monde de la pensée. Ainsi, par divers procédés littéraires ou artistiques, les émotions et les états mentaux sont perceptibles par l’entremise des mots et des illustrations des albums. On peut aussi repérer dans ces albums des exemples de fausses croyances, lesquelles peuvent constituer le tournant dans la trame narrative de certaines histoires. Ces albums peuvent aussi présenter des scénarios dans lesquels il est possible de percevoir la prise de perspective des personnages, tout comme des situations qui exposent clairement l’empathie ou le manque d’empathie.

Nous avons également voulu présenter de façon explicite des interventions que peuvent faire les enseignants afin de soutenir le développement de l’empathie des enfants pendant la lecture. Selon les recherches sur le sujet, des interventions qui consistent à nommer les émotions et les états mentaux, à fournir des explications et à questionner les élèves peuvent les amener à mieux comprendre les relations causales qu’ils ont avec les comportements des individus. Ainsi, lors des séances de lecture que dirige l’enseignant, les albums servent d’objet de référence pour la conversation à propos du monde de la pensée. Par l’entremise des discussions de classe que nous avons rapportées, on peut voir comment se matérialisent de telles interactions.

Selon Oatley (2011), le processus qui consiste à entrer dans un monde de fiction favorise le développement de l’empathie et améliore chez l’individu l’habileté à prendre en compte la perspective d’autrui. Ainsi, la lecture, qui de prime abord peut sembler être un acte solitaire, serait plutôt un exercice d’interaction humaine ayant comme effet d’affuter les compétences sociales des lecteurs, ce qui leur permet d’être mieux préparés à entretenir des relations interpersonnelles harmonieuses. À une époque où la survie de l’humanité dépend du degré d’empathie entre les individus (Rifkin, 2017), il importe de comprendre le potentiel des ouvrages de littérature de jeunesse, lesquels peuvent mener les enfants à intégrer non seulement une communauté lettrée, mais aussi une communauté d’esprit (Mélançon, 2015).

 

Ouvrages de littérature de jeunesse cités

Bertholet Claire, Vilcollet Pascal, 2011, Petit panda cherche un ami, Paris, les Éditions Auzou.

Bind Julie, Derullieux Michaël, 2013, Le Gentil Méchant Loup, Namur, Éditions Mijade.

Bizouerne Gilles, Badel Ronan, 2013, La bonne humeur de Loup Gris, Paris, Didier Jeunesse.

Chartrand Lili, Arbona Marion, 2010, La craie rose, Saint-Lambert, Dominique et compagnie.

Couëlle Jennifer, Pelletier Ninon, 2015, L’homme sans chaussettes, Montréal, Éditions Isatis.

Lallemand Orianne, Thuillier Éléonore, 2010, Le loup qui s’aimait beaucoup trop, Paris, Auzou.

Poulin Andrée, Arbona Marion, 2010, La corde à linge magique, Montréal, Les éditions Imagine.

Poulin Andrée, Lord Mariano Enzo, 2016, Y’a pas de place chez nous, Montréal, Québec Amérique.

Poulin Andrée, Mezher Oussama, 2016, Manchots au chaud, Montréal, Éditions Isatis.

Seyvos Florence, Vaugelade Anaïs, 2003, L’ami du petit tyrannosaure, Paris, L’école des loisirs.

 

Bibliographie      

Abrams Dominic, Rutland Adam, Pelletier Joseph, Ferrell Jennifer, M., 2009, « Children’s Group Nous: Understanding and Applying Peer Exclusion Within and Between Groups », Child Development, vol. 80, no1, p. 224-243. 

Baron-Cohen Simon, 2011, Zero Degrees of Empathy: A New Theory of Human Cruelty and Kindness, New York, Penguin Books.

Bejanin Alexandre, Laillier Rémi, Caillaud Marie, Eustache Francis, Desgranges Béatrice, 2016, « Les substrats cérébraux de la théorie de l’esprit », Revue de neuropsychologie, vol. 8, no1, p. 6-15.

Buttelman David, Over Harriet, Carpenter Malinda, Tomasello Michael, 2014, « Eighteen-month-olds Understand False Beliefs in an Unexpected-Content Task », Journal of experimental child psychology, vol. 119, p. 120-126.

Cassidy Kimberly W., Ball Lorraine V., Rourke Mary T., Stetson Werner Rebecca, Feeny Norah, Chu Jyne Y., Lutz Donna, J., Perkins Alexis, 1998, « Theory of Mind Concepts in Children’s Literature », Applied Psycholinguistics, vol. 19, p. 463-470. 

Chevalier Coralie, Baumard Nicolas, Grèzes Julie, Pouga Lydia, 2010, « Comprendre les actions, émotions et états mentaux d’autrui : psychologie et neuroscience », dans Berthoz A., Ossola C. Stock B. (dir.), La pluralité interprétative. Fondements historiques et cognitifs de la notion de point de vue, Paris, Collège de France, p. 139-152.

Chirouter, Edwige, 2013, « Penser le monde grâce à la littérature : analyse d’une pratique à visée philosophique à l’école primaire », Revue des sciences de l’éducation, vol. 39, no1, 91-117.

Desgranges Béatrice, Laisney Mickael, Bon Laetitia, Duval Céline, Mondou Audrey, Bejanin Alexandre, Fliss Rafika, Beaunieux Hélène, Eustache Francis, de Vignemont Frédérique, 2011, « L’empathie, des réponses aux questions majeures », Le Journal des psychologues, vol. 3, no286, p. 16-19.

Duval Céline, Piolino Pascale, Bejanin Alexandre, Laisney Mickael, Eustache Francis, Desgranges Béatrice, 2011, « La théorie de l’esprit : aspects conceptuels, évaluation et effets de l’âge », Revue de neuropsychologie, vol. 3, no1, p. 41-51.

Dyer Jennifer, R., Shatz Marilyn, Wellman Henry, M., 2000, « Young Children’s Storybooks as a Source of Mental State Information », Cognitive Development, vol. 15, p. 17-37. 

Feshbach Norma, D., Feshbach Seymour, 1982, « Empathy Training and the Regulation of Aggression: Potentialities and Limitations », Academic Psychology Bulletin, vol. 4, no3, p. 399–413.

Fonagy Peter, 2018, Affect Regulation, Mentalization and the Development of the Self, New York, Routledge.

Galinsky Adam D.; Moskowitz Gordon B, 2000, « Perspective-taking: Decreasing Stereotype Expression, Stereotype Accessibility, and In-group Favoritism », Journal of Personal and Social Psychology, vol. 78, p. 708-724.

Garner Pamela W., Parker Tameka, S., 2018, « Young Children’s Picture-books as a Forum for the Socialization of Emotion », Journal of Early Childhood Research, vol. 16, no3, p. 291-304. 

Gauthier Cécile, Bradmetz Joël, 2005, « Le développement de la compréhension des fausses croyances chez l’enfant de 5 à 8 ans », Enfance, vol. 57, no4, p. 353-362.

Giasson Jocelyne, 2011, La lecture. Apprentissage et difficultés. Adapté par Geneviève Vandecasteele, Bruxelles, De Boeck.

Gombert Anne, Bernat Véronique, Roussey  Jean-Yves, 2016 « Albums de jeunesse pour le développement d’une théorie de l’esprit », Enfance, vol. 68, no3, 329-345. 

Hoffman Martin L., 1984, « Interaction of Affect and Cognition in Empathy », dans Izard C., Kagan J., Zasonc R. (dir.), Emotions, Cognition, and Behavior, New York, Cambridge University Press, p. 103-131.

Hoffman Martin L., 2001, Empathy and Moral Development: Implications for Caring and Justice. Cambridge, Cambridge University Press.

Houdé Olivier, Leroux Gaëlle, 2013, Psychologie du développement cognitif. Paris : Presses Universitaires de France.

Kucirkova Natalia, 2019, « How Could Children’s Storybooks Promote Empathy? A Conceptual Framework Based on Developmental Psychology and Literary Theory », Frontiers Psychology, vol. 10, no121, p. 1-15.

LaForge Christian, Perron Mélanie, Roy-Charland Annie, Roy Émilie Myriam, Carignan Isabelle, 2018, « Contributing to Children’s Early Comprehension of Emotions: A Picture Book Approach », Canadian Journal of Education, vol. 41, no1, p. 301-328. 

Martucci, Katrina, 2016, « Shared Storybook Reading in the Preschool Setting and Considerations for Young Children’s Theory of Mind Development », Journal of Early Childhood Research, vol. 14, no1, p. 55-68. 

McTigue Erin, Douglass April, Wright Katherine, L. Hodges Tracey S., Franks Amanda D., 2015, « Beyond the Story Map. Inferential Comprehension via Character Perspective », The Reading Teacher, vol. 60, no1, p. 91-101.

Mélançon, Julie, 2015, « Le potentiel des albums jeunesse pour soutenir la compréhension du monde de la pensée chez l’enfant d’âge préscolaire », Revue de recherches en littératie médiatique multimodale, vol. 2, no5. 33 pages. Disponible en ligne : http://www.litmedmod.ca/sites/default/files/r2lmm/r2-lmm_vol2_melancon.pdf 

Moors Agnes, Ellsworth, Phoebe C., Scherer Klaus R., Frijda Nico H., 2013, « Appraisal Theories of Emotion: State of the Art and Future Development », Emotion Review, vol. 5, no2, 119-124.

Nikolajeva Maria, 2014, « Picturebooks and Emotional Literacy », The Reading Teacher, vol. 67, no4, 249-254. 

Nikolajeva Maria, 2015, Children’s Literature Comes of Age: Toward a New Aesthetic, Londres, Routledge. 

Oatley Keith, 2011, « In the Minds of Others », Scientific American Mind, vol. 22, no5, p. 62-67. 

Perry Anat, Shamay-Tsoory Simone, 2013, « Understanding Emotional and Cognitive Empathy: A Neuropsychological Perspective », dans Baron-Cohen S., Lombardo M.,Tager-Flusberg H. (dir.), Understanding Other Minds: Perspectives From Developmental Social Neuroscience, Oxford, Oxford University Press, p. 178-194.

Peskin Joan, Astington Janet, 2004, « The Effects of Adding Metacognitive Language to Story Texts », Cognitive Development, vol. 19, no2, p. 253-273. 

Premack David, Woodruff Guy, 1978, « Does the Chimpanzee Have a Theory of Mind? », Behavioral and Brain Sciences, vol. 1, no4, p. 515-526.

Rifkin Jeremy, 2017, Une nouvelle conscience pour un monde en crise. Vers une civilisation de l’empathie. Paris, Les liens qui libèrent (LLL).

Rose Lucie, Kovarski Klara, Caetta Florent, Chokron Sylvie, 2020, « Effet d’une situation extraordinaire sur le comportement altruiste de l’enfant », Revue de neuropsychologie, vol. 12, no2, p. 1-21.

Sagi Abraham, Hoffman Martin, L.,1976, « Empathic Distress in the Newborn », Developmental Psychology, vol. 12, no2, p. 175-176.

Saxe Rebecca, 2006, « Uniquely Human Social Cognition », Current Opinion in Neurobiology, vol. 16, no2, p. 235-239.

Strayer John, 1987, « Affective and Cognitive Perspectives on Empathy », dans Eisenberg N., Strayer J. (dir.), Cambridge Studies in Social and Emotional Development. Empathy and its Development, Cambridge, Cambridge University Press, p. 218-244.

Tauveron Catherine, 2002, Lire la littérature à l’école. Pourquoi et comment conduire cet apprentissage spécifique de la GS au CM ? Paris, Les éditions Hatier.

Tousigant Béatrice, Eugène Fanny, Jackson Phillip L., 2017, « A Developmental Perspective on the Neural Bases of Human Empathy », Infant Behavior and Development, vol. 48, p. 5-12.

UNESCO, 2015, Éducation à la citoyenneté. Thèmes et objectifs d’apprentissage, Paris, Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.

Wellman Henry M., 1992, The Child’s Theory of Mind. Boston, The MIT Press.

Wellman Henry M., 2014, Making minds: How Theory of Mind Develops. Oxford, Oxford University Press.

Wellman Henry, Cross David, Watson Julanne, 2001, « Meta-analysis of Theory-of-mind Development: The Truth about False Felief », Child Development, vol. 72, no3, p. 655-684.

 


[1] Anne-Marie Dionne, Professeure agrégée, Faculté d’éducation / Université d’Ottawa, email de contact : adionne@uottawa.ca

Continuer la lecture avec l'article suivant du numéro

Éduquer les élèves à l’empathie par le slam

Catherine Gendron

L’atelier slam est défini par Grand Corps Malade comme un « Moment d’écoute, (…) de tolérance, (…) de rencontres, (..) de partage » (129H, 2007 : 31). Mené sous forme d’atelier en contexte scolaire, il constitue un lieu d’éducation à l’empathie par excellence. Il est l’occasion pour les enseignants d’accompagner les élèves dans le dépassement de la peur du regard de l’autre et dans la gestion de leurs émotions. Depuis les activités dites d’échauffement jusqu’à la performance orale, le corps, par les interactions...

Lire la suite

Du même auteur

Tous les articles

Aucune autre publication à afficher.