Du mythe de la nature dans La Città del Sole de Tommaso Campanella à celui de la science dans New Atlantis de Francis Bacon:
esquisse d’une lecture écocritique de deux textes utopiques
par Catherine Kirkby[1]
Une dizaine d'années à peine séparent la rédaction et la publication de ces deux grands textes que sont La Città del Sole[2] (La Cité du Soleil)[3] de Tommaso Campanella (1602), et New Atlantis[4] (La Nouvelle Atlantide) de Francis Bacon (rédigée entre 1614 et 1617 et publiée posthume en 1627).
Tous deux appartiennent au genre utopique et ont derrière eux une tradition spécifique conséquente : pour Bacon, l'œuvre fondatrice du genre, Utopia (le titre latin est De optimo rei publicae statu, deque nova insula Utopia, en français Utopie) de l'humaniste anglais Thomas More, pour Campanella, plusieurs ouvrages parmi lesquels celui d'Anton Francesco Doni, qui publia la première traduction italienne d'Utopie à Venise en 1548 et fut lui-même l'auteur d'une fiction utopique.
New Atlantis, comme La Città del Sole, possèdent toutes les caractéristiques du genre utopique et s'inscrivent ainsi pleinement dans ce paradigme, au croisement de la littérature et de la réflexion politique : il s'agit de textes de fiction, signés, qui construisent, par le biais d'un dialogue, dans un espace déterminé, l'image d'une société se voulant idéale.
Tous deux se prêtent à une lecture écocritique selon l'une des approches définies par Serenella Iovino dans son livre Ecologia letteraria[5] : non pas celle « ético-pédagogique », bien au contraire, mais celle qu'elle définit comme « historico-herméneutique », en particulier en ce qui concerne l'image culturelle du rapport humanité / nature et sa conformité ou non à l'idéologie dominante de son époque.
Deux remarques contextuelles peuvent ainsi être faites : d’une part Bacon, comme Campanella, se trouvait dans une situation marginale, voire marginalisée, par rapport au pouvoir en place et à l'idéologie dominante, l'un croupissant dans les geôles napolitaines, tandis que l'autre demeurait en disgrâce, après avoir perdu toutes ses charges officielles ; d’autre part, le bref texte de fiction qu'ils écrivent et que nous inscrivons dans le filon utopique n'est qu'un opuscule au regard d'un corpus beaucoup plus vaste. Ce corpus comprend par exemple The advancement of Learning (1605), traité de « la valeur et de l'avancement des sciences » (selon son titre complet Of the Proficience and Advancement of Learning, Divine and Human) ou le Novum Organum (1620), second livre d’une œuvre incomplète beaucoup plus vaste projetée par Bacon, l'Instauratio magna, fondatrice d'une nouvelle épistémologie ; pour Campanella, une longue série d'écrits à caractère politique, religieux ou sur ce que l'on nomme alors la « philosophie de la nature », tel le Compendium de rerum natura (1595), l'Apologia pro Galileo (1616), ou le De Medicina (1609). En outre, tous deux sont conçus comme des appendices à une œuvre plus ample, New Atlantis à la Sylva Sylvarum or a natural history in ten centuries et La Città del Sole à sa Philosophia realis.
Nous l'avons dit, ces deux textes entendent présenter une description de société idéale. La question est alors : « que recouvre cet adjectif ? » dans le cadre d'une idéologie, certes humaniste, mais d'un humanisme anthropocentré, voire « androcentré » qui tend, nous allons le voir, à rejeter, ou à manipuler pour la normer, toute forme d'altérité.
Nous avons choisi de développer cette esquisse de lecture écocritique suivant trois axes, du plus ponctuel au plus conséquent vis-à-vis du corpus :
- le premier est celui des rapports de genre présentés au sein de la société utopique décrite, notamment quels y sont la place et le rôle dévolus aux femmes ?
- le deuxième celui des liens entre individu et société, particulier et collectif : quelle est la contribution de chacun au bien commun, qu'advient-il de ceux qui ne sont pas « conformes », qui échappent ou dérogent, aux règles sociales ?
- enfin, quelles sont les places respectives de l'homme et de la nature, l'homme est-il participant de cette nature ou s'agit-il de sphères radicalement séparées ? L'homme va-t-il avec ou contre la nature, sa perspective est-elle utilitariste ?
Nous verrons, par cette lecture, que ces deux textes se situent à un moment crucial de l'émergence de la pensée « moderne », et que, si un certain nombre d'aspects de la modernité sont déjà en germe chez Campanella, c'est bien l'œuvre de Bacon qui révèle la fracture et le changement de paradigme.
Rapport de genre
Dans le texte de Campanella, comme dans celui de Bacon, deux sociétés différentes se retrouvent en présence : d'une part celle des voyageurs témoins, des Européens, dont fait partie le narrateur (on peut le supposer contemporain de l'auteur dans le cas de Bacon, il est Génois, nocher de Christophe Colomb dans celui de Campanella), d'autre part une société modèle, lointaine et isolée, les Solariens et les Bensalémites.
Les Européens sont des marins dans les deux cas, et l'auteur insiste sur le caractère difficile et périlleux de leur navigation : le Génois est forcé de descendre à terre et se réfugie dans la forêt pour fuir la « fureur des indigènes »[6], tandis que les marins de Bacon, pris dans une tempête, se retrouvent égarés au milieu de l'océan, dans « la plus vaste et la plus déserte des mers de ce monde »[7]. Pas de femmes parmi ceux de Bacon, celui de Campanella lui, est étrangement seul.
Au niveau intra narratif, ce sont donc à des personnages masculins qu'est dévolue la position de voyageurs et surtout d'observateurs et témoins de la nouvelle société présentée ; au niveau textuel, c'est à eux que revient d'établir l'image de l'espace visité, de le constituer en modèle, et de créer ainsi le texte.
Comme la plupart des utopies littéraires jusqu'au XIXe, elles se placent donc d'emblée dans une perspective résolument « masculiniste » (peu d'ouvrages utopiques ou présentant des traits utopiques avant cette époque sont écrits par des femmes : on peut citer en exemple le récit allégorique de la Française d'origine italienne, Christine de Pizan, La Cité des dames publié posthume en 1503, ou The Blazing World de l'anglaise Margaret Cavendish en 1666) : les deux textes ne font ainsi que refléter la place des femmes dans le contexte à la fois de ce que l'on a nommé, d'un point de vue européano-centré, les « voyages d'exploration », mais aussi de la littérature politique et d'une façon plus globale, de la constitution d'une nouvelle épistémê.
La situation est quelque peu différente en ce qui concerne la société utopique elle-même, car une ligne de partage, sinon de fracture, entre les deux auteurs commence à se dessiner.
Chez Bacon, en effet, la situation est simple. Deux types de récit se suivent, pour présenter cette nouvelle Atlantide, un récit de type anthropogonique axé sur une vision vétéro-testamentaire du Dieu créateur, et un récit politogonique, expliquant donc la constitution de cette cité, dont la figure première, celle dont sont issus les Bensalémites, est une figure patriarcale, un roi-législateur, justement nommé Salomana, suivant un jeu de mots dont sont coutumières les utopies, et qui renvoie au personnage biblique de Salomon, à la sagesse légendaire.
L'institution centrale de cette société est la famille, car l'accroissement du nombre des sujets est la préoccupation première de cette nation : au centre, donc, le mariage, la monogamie et un rite particulier « la fête de la famille » dont la cérémonie est minutieusement décrite, dans tous ses aspects. Ce sont d'ailleurs les seules notations quelque peu « politiques » que l'on trouve dans ce livre et elles sont teintées d'un puritanisme extrême.
La figure féminine n'apparaît qu'à deux occasions : dans le cadre de la fête de la famille, puis dans la présentation de l'institution centrale de la Nouvelle Atlantide, une académie scientifique appelée la Maison de Salomon.
Dans le premier cas, les femmes apparaissent en tant qu'épouses et mères, fonctions auxquelles elles sont cantonnées dans de nombreuses utopies, à commencer par celle de More. Mais, même dans cet espace restreint, elles n'occupent qu'un rôle secondaire : leur statut inférieur est d'abord marqué spatialement, puisque lorsque le père arrive, il est entouré de toute sa famille, « les hommes le précédant et les femmes le suivant »[8]. Dans cette fête qui célèbre les pères, la mère n'est qu'accessoire et même dissimulée aux regards : réduite à un simple réceptacle (« s’il y a une mère, du corps de laquelle descend toute la lignée »[9]), elle est placée dans un pavillon d'où elle assiste à la cérémonie sans être vue[10]. Notation lapidaire qui prend toute sa portée si l'on se rappelle que le texte de Bacon est tout entier basé sur le sens de la vue, sur ce qui est digne d'être observé, caractérisé suivant la formule de Mickaël Popelard, par « une obsession scopique. »[11]
Dans le second cas, les femmes sont à nouveau réduites à une fonction plus que secondaire : dans la Maison de Salomon, elles ne font pas partie bien sûr des confrères[12], ni même des novices ou des apprentis, qui sont là pour que se poursuive la succession de tous ceux déjà cités qui travaillent dans la Maison de Salomon[13]. Par contre, on les retrouve, en position de sujétion, dans la catégorie des « servantes et gardiennes »[14].
Dans le texte de Campanella, au contraire, les femmes sont immédiatement présentes, au même titre que les hommes, et sur un pied d'égalité, tant physique qu'intellectuel : le Génois rencontre en effet, « un escadron d'hommes et de femmes armés, dont beaucoup comprenaient ma langue. »[15] Cette vision égalitariste est manifeste tout au long des pages, que ce soit en ce qui concerne les apprentissages, les métiers (« Puis les métiers sont communs aux hommes et aux femmes, qu'ils soient spéculatifs ou manuels »[16]) ou les offices mineurs. Mais il ne s'agit pas d'une égalité parfaite : le narrateur souligne le fait que les femmes sont exclues des métiers nécessitant un gros effort physique, mais aussi des déplacements. Or le déplacement, dans l'utopie campanellienne, même si il est placé sous le signe de l'errance, est frappé de soupçon : difficulté d'accéder à son territoire, difficulté à le quitter, déplacement envisagé comme châtiment (exil notamment). Le déplacement est dangereux pour le corps social, il doit être contrôlé et, implicitement, les femmes doivent l'être encore plus que les hommes. Là aussi, on retrouve donc des pratiques, et une idéologie qui les sous-tend, en parfaite conformité avec les pratiques et l'idéologie dominante à l'époque de Campanella.
Cet égalitarisme « de façade » s'accompagne d'une double remise en question, celle du système de la sexualité et du système d'alliance qui en découle : en ce qui concerne ce dernier, il s'agit en effet d'une utopie communautariste où la propriété est considérée comme le fléau majeur ; or cette propriété, est-il expliqué, vient de l'usage de « faire maison séparée, et femme et fils en propre ».
Quant à la sexualité, elle est primordiale dans La Cité du Soleil : tous les aspects y sont passés en revue, dans leurs moindres détails, qu'il s'agisse du lieu, du moment, de l'âge, de la configuration astrologique, et surtout des corps et de la vie biologique. Hommes et femmes sont soumis aux mêmes impératifs et aux mêmes contraintes, mais là aussi, l'égalitarisme n'est qu'apparent et la femme est subordonnée à l'homme, ce qui est explicite dans le choix même des termes ; trois exemples : « [la] femme se soumet à l’homme »[17] ; concernant la possibilité pour les hommes d'avoir des rapports sexuels avec une femme stérile ou enceinte, avant l'âge minimum fixé pour procréer, la femme est qualifiée de « vase indu »[18], réduite, là aussi, à un simple réceptacle ; dans les peines contre les fautes vénielles, à côté de la privation du repas en commun ou de certains honneurs, celle du « commerce des femmes »[19], la femme devenant donc une marchandise.
Enfin, en ce qui concerne le fonctionnement politique de la Cité, le pouvoir est tout entier aux mains des hommes, sans même qu'il soit besoin de préciser, pour l'édification du Génois, que les femmes en sont exclues : ils ont des officiers -offiziali- pour chaque vertu, élus par les chefs -capi- et les maîtres -maestri- du métier concerné ; au-dessus, trois princes, respectivement chargé des affaires militaires (Pon pour Puissance), des sciences et de l'éducation (Sin pour Sapience) et de la génération (Mor pour Amour). Au sommet de la pyramide, un prince-pontife, appelé Soleil, ou le Métaphysicien. Inégalité de fait, comme inscrite dans les gènes sans aucune tentative d'explication ou de justification à cette situation qui semble aller de soi, alors que les femmes, répétons-le, exercent les mêmes métiers, s'entraînent à la lutte comme les hommes, et s'habillent « de façon à pouvoir guerroyer »[20].
Femme réifiée, femme marchandise, femme soumise, l'utopie campanellienne se place finalement dans une même logique d'appropriation et de domination d'un sexe par l'autre que celle de son homologue anglais.
Individus et société
En ce qui concerne les rapports entre le collectif et l'individuel, il faut tout d'abord rappeler que le point central, dans la trame fictionnelle, est, sans conteste, le motif de la communauté et de son organisation. Les éléments manifestant l'existence même d'une communauté sont d'ordre explicite, la présence de « lois fondamentales » ou d'une constitution par exemple, et d'ordre implicite, en particulier, pour reprendre les termes d'Hannah Arendt dans Qu'est-ce que la politique ? à propos du principe, élément constitutif de toute action politique en se référant à l’Esprit des Lois de Montesquieu, « la conviction fondamentale que partage un groupe d'homme. »[21]
Même si certains ont parfois voulu réduire la nouvelle Atlantide à un « laboratoire expérimental »[22] et New Atlantis à un discours épistémologique vulgarisé, c'est, bien qu'elle soit largement partielle, la description d'une société, du territoire sur lequel elle vit, de son architecture, de ses coutumes etc. qui y est première et qui sert de lice aux autres considérations. C'est plus flagrant encore dans le texte de Campanella qui développe l'un après l'autre tous les topoi de cette littérature : topographie, description de la cité et de ses bâtiments, gouvernement, éducation, mode de vie etc.
Les Solariens ont fui les Indes et les « ravages des Moghols et d'autres pillards et tyrans »[23] et décidé de vivre « en philosophes, de façon communautaire »[24]. Cette communauté est basée sur l'entraide, une amitié profonde y règne entre les citoyens, amitié basée sur l'échange de savoirs et sur le réconfort mutuel. Cette communauté où chacun ne reçoit que « le nécessaire »[25] (le narrateur le réitère maintes fois), mais pas « plus que ce qu'il mérite »[26], a comme pilier, le désintéressement, la charité et la fraternité, et comme modèle (sauf, nous est-il dit, en ce qui concerne la mise en commun des femmes) la communauté apostolique.
L'égalité, qui constitue la condition sine qua non du bon fonctionnement des institutions, est une « medietas » qui ne se résume pas à une uniformité des conditions matérielles, même si elle est primordiale (les habitations sont communes « dortoirs, lits, commodités », les cuisines publiques et les repas en commun, les vêtements tous identiques…), mais s'étend à tout ce qui concerne l'être humain, dont elle est constitutive : l'exemple le plus frappant est celui de la reproduction où l'on veille à unir « les hommes rêveurs et lunatiques à des femmes grasses, équilibrées et de mœurs amènes », « les grosses aux maigres et les maigres aux gros » afin « de tempérer les extrêmes »[27].
Une conception commune émerge des deux textes utopiques : celle, positive, d'une volonté, d'une nécessité même, de fonder la société sur le bien commun, et corollaire antithétique de cette volonté, en particulier dans le texte de Campanella, l'idée que tout le mal vient de l'égoïsme.
Les habitants de Bensalem s'appellent entre eux « frères », de même que les membres de la Maison de Salomon, et l'intention première de leur roi-législateur était de « rendre heureux son royaume et son peuple »[28]. Mais « bien commun » ne signifie pas égalité entre ses membres ou absence de hiérarchie.
A l'intérieur de chaque société tout d'abord, celle des Européens et celle des Bensalémites, il existe des relations de subordination manifestes, qui expliquent par exemple, que le Gouverneur de la Maison des Étrangers ne s'adresse qu'à une partie du groupe, le reste étant « de rang inférieur »[29].
Les rapports entre les marins européens et les Bensalémites sont placés d'emblée sous le signe du soin et de l'aide apportée à autrui : si les Bensalémites refusent d'abord que les marins débarquent, ils n'en proposent pas moins de les ravitailler, de les soigner et de réparer leur embarcation, sans aucune contrepartie, et de leur accorder tout ce que peut donner leur « miséricorde »[30]. Les relations entre les deux communautés sont ainsi immédiatement empreintes d'une tonalité morale et religieuse, et une relation hiérarchique s'instaure, dans laquelle les Bensalémites sont de fait en position de supériorité, le narrateur qualifiant même ses compagnons et lui-même d’ « humbles et dévots serviteurs »[31] ; supériorité confirmée par les notations multiples du narrateur concernant la primauté de cette Atlantide, qu'il s'agisse des fruits de la terre ou des productions humaines (elle possède par exemple « une variété de plantes et de créatures bien plus vaste que celle que vous avez en Europe »[32]).
De même, la connaissance que chaque groupe humain a de l'autre n'est pas réciproque, et cette absence de réciprocité est qualifiée d' « extrêmement étrange »[33] par le narrateur qui souligne que d'ordinaire « toutes les nations se connaissent entre elles, ou grâce aux voyages à l'étranger, ou par l'arrivée d'étrangers »[34], l'un comme l'autre permettant de « réaliser une connaissance réciproque »[35]. Au contraire, les habitants de New Atlantis connaissent « la majeure partie des nations du monde »[36], tandis que les Européens « n'ont même pas entendu parler de cette île. »[37]
Reprise inversée donc, des rapports de domination habituels, où les Européens affirment leur supériorité religieuse, technique, scientifique, mais la perspective en est bien différente.
En effet, et cela ne nous surprend pas, l'un des Pères de la Maison de Salomon, après avoir énuméré toutes les découvertes et les inventions des scientifiques de ladite Maison, qui sont avant tout destinées à « l'usage public » (avec des réserves que nous verrons par la suite), conclut son discours en autorisant le narrateur à divulguer ce qui vient d'être dit, « pour le bien des autres nations »[38], dans une contradiction qui n'est qu'apparente avec les obligations de réserve et de secrets réitérées tout au long du texte.
L'utopie baconienne n'est pas donc pas le miroir inversé des relations de colons à colonisés que l'Europe est en train d'imposer à une grande partie du monde. Il s'agit plutôt ici de la métaphore d'un parcours religieux : prosternation d'un groupe de marins au savoir scientifique et technologique réduit devant une société de savants qui veut « connaître les causes et les mouvements secrets des choses afin d'élargir les frontières du pouvoir humain envers la réalisation de tous les objectifs possibles »[39], prosélytisme de Francis Bacon, qui entend donner de nouvelles bases à la méthodologie scientifique afin de refonder le savoir.
Mais ce sont aussi les mêmes caractères, presque névrotiques, qui traversent ces deux œuvres et traduisent la difficulté perçue de préserver l'intégrité et l'harmonie de cette société idéale : harmonie qui constitue l'élément premier de la description, puisque les deux textes s'ouvrent par une série de marqueurs portant sur l'équilibre et la mesure qui caractérisent ces sociétés, topos classique de la Renaissance s'il en est. New Atlantis est « une belle ville, pas grande, mais bien construite »[40], tandis que le narrateur de La Cité du Soleil insiste sur son extension, son caractère imprenable, la beauté de ses édifices et de ses décorations.[41]
Trois facteurs expriment le danger potentiel qui guette la cité et, par delà, la peur de l'altérité et l'incapacité à envisager la relation à autrui autrement que dans un rapport dominant/dominé.
Le premier facteur est que les deux cités, même si elles ne semblent pas le rechercher explicitement, sont des États colonisateurs : il en est fait mention au détour d'une phrase par le gouverneur de la Maison des Étrangers qui parle des « petites îles voisines […] sous notre domination et qui [obéissent] à nos lois »[42] ; les Solariens, quant à eux, bien qu'ils refusent la guerre de conquête, se retrouvent, presque involontairement en position de métropole par rapport à un certain nombre de territoires qu'ils soumettent et à qui ils imposent leur pouvoir : « les cités vaincues ou qui se livrent à eux […] reçoivent les officiers les gardes solariens et se conforment toujours aux usages de la Cité du Soleil, leur souveraine. »[43]
Le second facteur est que l'altérité est constamment perçue et exprimée comme un danger, car facteur de corruption : de façon complètement opposée à ce que Bacon préconisera en matière de progrès scientifique, la Nouvelle Atlantide est une société figée qui veut « se limiter à perpétuer […] les heureuses conditions de notre vie d'alors »[44], et dont la principale disposition pour ce faire, qui est qualifiée de « loi fondamentale de son gouvernement »[45], est la prohibition de faire entrer des étrangers sur le territoire, afin d' « éviter la corruption [des] coutumes »[46]. Même topique chez Campanella : longues et multiples descriptions des moyens défensifs de la cité, qu'ils soient militaires, architecturaux ou humains, mesures drastiques concernant les étrangers (par exemple les prisonniers de guerre sont vendus, envoyés creuser des fossés ou faire des travaux harassants hors de la cité), ou, de manière plus anecdotique, notations qui prêtent à sourire sur tel ou tel peuple, comme les japonais qu'ils « haïssent » car ces derniers affectionnent le noir…
Le dernier facteur soulignant comment le texte utopique est en quelque sorte bloqué idéologiquement dans une vision du monde fondée sur une verticalité et sur une hiérarchie des relations, malgré ses velléités égalitaristes ou fraternelles, est l’exclusion systématique de ceux qui ne sont pas conformes à leurs concitoyens. En fait, il s’agit de la même idée égalitariste, mais détournée : contrairement à un discours politique qui se fait jour et pour lequel l'absence d'égalité réelle dans une société nécessite que soit considérée formellement l'égalité formelle dans une association d'individus inégaux[47], les textes utopiques tentent d'imposer une égalité non de droit, mais de fait, c'est-à-dire une identité entre les citoyens[48]. Lorsque cette intégration, cette assimilation des différents individus dans le corps politique - et là encore le vocabulaire montre bien la difficulté, voire l'impossibilité de ne pas nier autrui dans son altérité intrinsèque - échoue, le texte utopique prône alors des solutions draconiennes : dans la cité du Soleil, la peine de mort est en vigueur et la sentence exécutée par tous puisque « Nul ne peut mourir si le peuple entier ne le tue unanimement de ses mains […] Tout le monde pleure […] en se lamentant d'avoir dû se résoudre à supprimer un membre corrompu du corps de la république. »[49]
Nature et science
Le dernier axe de cette lecture parallèle concerne le savoir ; les interrogations sur la connaissance, son essence, sa transmission et son rôle sont constantes dans ces deux textes qui furent écrits, rappelons-le, durant la période que l'on nomme la « révolution scientifique » des XVIe et XVIIe siècles, de Copernic à Newton, et qui reflètent ainsi les questionnements de leur temps.
Mais si Campanella se fait l'écho de la plupart des conceptions et représentations scientifiques de la fin de la Renaissance, Bacon marque un tournant qui oriente, définitivement peut-être, la science occidentale vers une modernité conçue comme contrôle et domination de la nature.
Dans les deux textes, les marqueurs descriptifs et narratifs concernant la nature entraînent le lecteur dans un parcours paradigmatique qui prend son origine dans la conception aristotélicienne de la nature comme phusis, comme processus de transformation autonome, suivant un modèle finaliste, parcours qui aboutit à la conception cosmologique de la philosophie naturelle, poursuivie, dans le cas de Bacon jusqu'à une logique de contrôle de la nature par l'homme, telle que définie, par exemple, par Carolyn Merchant[50].
La première manifestation de la nature dans les œuvres se traduit par une confrontation entre les marins/témoins et des phénomènes naturels : de manière très explicite dans le cas de Bacon, les Européens sont « entraînés »[51] puis se trouvent à attendre la mort. Trois dimensions sont ainsi posées dans ces quelques lignes : la nature est présentée dans son lien à l'humain, et elle s'y révèle soit contraire (les vents), soit insuffisante (les vivres) ; l'homme, quant à lui, y est soumis et en position de faiblesse. Mais un élément tiers intervient : Dieu, présenté ici comme un Dieu créateur (avec un rappel de la Genèse, chapitre I verset 9), place devant eux une terre dont le narrateur insiste d'abord sur l'aspect sauvage, mais qui se révèle presque immédiatement habitée. Et sur cette terre, la Nouvelle Atlantide, les rapports entre l'homme et la nature vont s'inverser complètement.
La situation textuelle d'ouverture peut sembler légèrement différente chez Campanella, puisque le nocher se trouve en butte à des êtres humains et non à des phénomènes météorologiques : mais là aussi, l'aspect souligné est la confrontation entre un homme « venant de la civilisation » et des éléments « sauvages » (la « fureur des indigènes» déjà citée).
Les deux textes présentent par la suite une multiplicité de notations qui recouvrent différentes acceptions du terme nature :
- celle, déjà signalée, d'univers en tant que lieu, source et résultat de phénomènes matériels, conjointe à la notion de « force naturelle » ;
- celle de milieu terrestre particulier : Bacon cite les îles, les continents, la mer, les océans, Campanella les forêts, les plaines, les collines etc.
Cette notion est précisée par celle d'environnement en tant que cadre de vie de l'espèce humaine : la colline de Campanella devient le site de la ville, la crique de Bacon un port ;
- celle de groupes d'espèces, minéraux, métaux, et en particulier d'êtres vivants : animaux, végétaux, signifiés soit dans leurs qualités intrinsèques, soit dans leur utilité vis-à-vis des hommes ;
- celle, enfin, de principe de génération et d'ordre nécessaire ou gouverné par une finalité : Campanella parle ainsi des normes de la nature, Bacon de ses lois.
En même temps que s'effectue le passage à l'espace utopique, le concept de nature se modifie donc et s'établit une différence entre natura naturans, la nature créatrice et natura naturata, la nature créée. La nature présente dans l'espace utopique devient ainsi une nature finie, organisable et donc connaissable. L'homme se met à distance de la nature, et se transforme en sujet d'une connaissance dont elle est l'objet.
Les Solariens comme les Bensalémites organisent le monde, naturel ou créé par l'homme, en une taxinomie : mais la classification de Bacon n'est plus celle de Campanella.
Chez ce dernier, tout est inscrit au préalable dans le grand livre de la nature, déchiffrable par l'homme, et le cosmos est tout entier figuré/figé sur les murs de la cité, les vins et les huiles y voisinent avec des « liqueurs de cent à trois cents ans d'âge »[52], les oiseaux avec les phénix ou les serpents avec les dragons.
Cette connaissance rassemblée de manière encyclopédique s'accompagne d'une conviction que l'homme peut agir sur la nature : mais son action est une action essentiellement médicale et qui ne fonctionne justement que parce que l'homme est partie intégrante de cette nature et que les influences sont réciproques. Son monde est un monde encore enchanté, et prévaut la notion organique d'une terre comme être vivant ; ils considèrent disent-ils que « le monde est un grand animal et que nous sommes en lui comme les vers sont dans notre corps »[53] et ils possèdent deux principes physiques : « le Soleil qui est le père et la Terre qui est la mère »[54].
Leur mode d'action est donc un mode magique, où les êtres vivants et le monde sont interdépendants, puisque la différence entre l'homme et le cosmos est une différence de degrés, et non d'essence, car ils sont « contingents »[55] à l'égard du monde, mais, comme lui, relèvent de la providence de Dieu, un mode qui cherche donc des correspondances entre le macrocosme et le microcosme, des forces cachées qui se révèlent dans leur complexité à l'astrologue ou à l'alchimiste. Les règles de la connaissance y paraissent, à notre civilisation désenchantée, teintées d'aléatoire : en médecine, il est surtout question des humeurs et de leur influence réciproque, des prières adressées au ciel. S'ils ont, comme les Bensalémites, « un secret pour rajeunir, auquel ils recourent tous les sept ans, sans douleur, avec un art admirable »[56], nous sommes loin de la vision scientifique de Bacon où l'un des principes fondamentaux est l'universalité des phénomènes : tandis que le Génois explique à son interlocuteur que les Solariens vivent « au moins cent ans, au plus cent soixante dix et très rarement deux cents »[57], le narrateur de la Nouvelle Atlantide souligne la cohérence et la régularité des phénomènes naturels.
Car le texte de la Nouvelle Atlantide, comme cela a été plusieurs fois remarqué, s'articule en deux parties distinctes : l'une présentant une ébauche de société idéale, ses édifices, ses institutions, les mœurs de ses habitants, tandis que la seconde apparaît comme une application ou une illustration du raisonnement expérimental développé dans le Novum Organum. Les membres de la Maison de Salomon manifestent l'idée, au centre de cette nouvelle conception du savoir, qu'il est inutile, pour accéder à la connaissance, d'avoir été initiés religieusement, que les processus d'accès à la vérité ne sont ni inaccessibles, ni incommunicables et que tous les êtres humains ont accès au savoir, qui n'est ni une révélation, ni une expérience mystique.
Comme le texte de Campanella, celui de Bacon, du moins la partie sur la Maison de Salomon, s'ouvre sur une taxinomie du monde connu et de ses phénomènes. Mais cette taxinomie diffère en trois points : tout d’abord, elle est insérée dans une description de la Maison de Salomon organisée en quatre étapes (le but de cette institution, ses moyens et ses instruments, ses différentes fonctions, les normes et les rites qui l'encadrent) ; ensuite, cette taxinomie est beaucoup plus organisée scientifiquement : tous les éléments trouvent leur place dans des catégories qui sont celles de la science moderne, chimie, physique, mathématique, biologie etc. Parmi les scientifiques de la Maison de Salomon, certains sont spécifiquement chargés d'établir des liens entre les différents éléments et expériences. Ceux-ci ne constituent en fait que le matériau brut destiné à la constitution d'une histoire naturelle, dans une volonté de globalisation du savoir d'une part, et à la réalisation d'expériences d'autre part. L'apparence hétéroclite qui affecte parfois la présentation des éléments répond en fait à un plan précis. Enfin, cette taxinomie n'est pas une fin en soi mais s'insère dans un processus de production et de transmission de la connaissance.
L'exigence de Bacon est donc double. Premièrement, construire une méthodologie de la démarche scientifique, méthodologie basée sur l'observation et l'expérience. En ce qui concerne l'observation, même si Bacon souligne l'imperfection des sens humains, l'idée de la vision, et son corollaire, de lumière est primordiale : la Maison de Salomon est « la lanterne du royaume »[58] et possède des pièces spécialement réservées à l'optique, les douze associés chargés de rapporter des livres et des exemples de connaissance sont des marchands de lumière[59], tandis que ceux destinés à élaborer des synthèses et à créer de nouvelles expérimentations, d'une lumière plus pénétrante/plus éclairante[60], s'appellent des lampes[61].
En ce qui concerne le processus expérimental, l'idée qui voit le jour est celle de l'intervention sur la nature par l'homme : premier indice de cette dichotomie sujet/objet de la connaissance, l'itération, dans la présentation des éléments et phénomènes du « Nous avons »[62] ; l'homme de Bacon, comme celui de Descartes (le Discours de la Méthode n'est que de dix ans postérieur), se définit comme « possesseurs de la nature ». Et en devient ainsi de fait « comme maîtres », en la soumettant à un processus inquisitorial que souligne l'emploi récurrent du terme « try » et « trial »[63] dans leur double acception d'essai/expérimentation et de procès/jugement.
La connaissance permet ainsi le développement d'un savoir, ce qui nous amène à la deuxième exigence de la théorie baconienne : ce savoir permet de manipuler la nature, dans une perspective utilitariste pour l'homme (prévoir les phénomènes, les prévenir, les modifier). Les termes employés sont sans ambiguïté : « élargir les limites du pouvoir humain vers la réalisation de tous les objectifs possibles. »[64]. Et, là encore, la philosophie de Bacon marche main dans la main avec celle de Descartes, car leurs visées sont les mêmes. Comme Descartes, qui prône l'invention d'artifices pour jouir sans peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent (Discours de la Méthode), mais « principalement aussi pour la conservation de la santé. »[65], il vise « le soin et le prolongement de la vie »[66].
Nous le voyons, avec Bacon, nous rentrons de plain pied dans une modernité qui, parce que nous en connaissons maintenant les travers et les errances, peut inspirer la crainte : notations très explicites sur ce que nous appelons aujourd'hui les OGM, fascination pour la modification des différents états de la matière, volonté d'imiter et de reproduire certains phénomènes naturels, comme les phénomènes météorologiques, absence totale de considération sur les interactions entre les éléments et les conséquences de ces expérimentations.
Mais ne tombons pas trop vite dans les anachronismes et gardons à l'esprit que la méthodologie scientifique de Bacon possédait un garde-fou, l'idée d'une interdépendance de toutes les parties d'une nature, conçue comme l'œuvre de Dieu (le texte se conclut par cette référence à Dieu et à ses œuvres : « pour remercier Dieu et ses merveilleuses œuvres »[67]). C'est donc une interprétation de sa phrase célèbre : « on ne commande la nature qu'en lui obéissant »[68].
Enfin, rappelons-nous deux concepts complémentaires, sans lesquels toute analyse de la philosophie baconienne serait biaisée : d'une part le refus catégorique de la marchandisation, et en particulier de la marchandisation du savoir (les habitants de la Nouvelle Atlantide refusent par trois fois les offres pécuniaires des Européens et finissent par leur faire eux-mêmes un don) ; d'autre part, le fait que cette science devait, en fin de compte, être divulguée, et ce pour le bien commun.
[1] Catherine Kirkby, Maître de conférences en études italiennes, Université Paul-Valéry Montpellier 3
[2] L’édition utilisée est celle fixée par Norberto BOBBIO, publiée par Einaudi en 1941 et republiée par Genova, Casa Editrice Marietti, 1996.
[3] La traduction française est celle de La cité heureuse, dir. Adelin Charles FIORATO, Paris, Quai Voltaire, 1992 sauf mention contraire.
[4] L’édition utilisée est l’édition électronique de la Library of Congress, consultée le 5 février 2016, disponible à l’adresse : https://ia601309.us.archive.org/24/items/newatlantis02434gut/nwatl10.txt (La traduction française est la nôtre, sauf mention contraire).
[5] Serenella IOVINO, Ecologia letteraria, una strategia della sopravvivenza, Milano, Edizioni Ambiente, 2015.
[6] « La furia di terrazzani », op. cit., p. 3. Trad. p. 149.
[7] « the greatest wilderness of waters in the world ».
[8] « the males before him, and the females following him ».
[9] « if there be a mother, from whose body the whole lineage is descended ».
[10] « but is not seen ».
[11] Mickaël POPELARD, « Voyages et utopie scientifique dans La Nouvelle Atlantide de Bacon », in Etudes Epistémè, Sciences et littérature II, n°10, automne 2006, p. 9.
[12] « the Fellows or Brethren of Salomon’s House ».
[13] « novices and apprentices, that the succession of the former employed men do not fail ; ».
[14] « servants and attendants ».
[15] « un gran squadrone d’uomini e donne armate, e molti di loro intendevano la lingua mia » p. 4. Trad. p. 149.
[16] « Poi son l’arti communi agli uomini e donne, le speculative e meccaniche ; », p.22. Trad. p. 160.
[17] »« [la] femina si sottopone al maschio » p. 26. Trad. p. 163.
[18] « vaso indebito », ibid.
[19] « commerzio delle donne » p. 17. Trad. p. 157.
[20] « vestono d'un modo atto a guerreggiare » p. 18 . Trad p. 157.
[21] Hannah ARENDT, Qu’est-ce que la politique ?, Paris , Seuil, [1993]1995, p. 130.
[22] Nicola ABBAGNANO, Storia della Filosofia, La filosofia del Rinascimento, Milano, TEA, 1993, p. 177.
[23] « Questa è una gente ch'arrivò là dall'Indie, ed erano molti filosofi, che fuggiro la rovina di Mogori e d'altri predoni e tiranni » p. 15. Trad. p. 155.
[24] « si risolsero di vivere alla filosofica in commune », ibid.
[25] Par exemple « perché a nullo manca il necessario loro » p. 31. Trad p.167.
[26] « che nullo abbia più che merita. » p. 16. Trad. p. 156.
[27] « e non accoppiano se non le femine grandi e belle alli grandi e virtuosi, e le grasse a' macri, e le macre alli grassi, per far temperie. » p.27. Trad. p.164 ; « e gli uomini fantastichi e capricciosi a donne grasse, temperate, di costumi blandi. » p. 29. Trad. p. 165
[28] « wholly bent to make his kingdom and people happy ».
[29] « of the meaner sort ».
[30] « mercy ».
[31] « his vowed and professed servants »
[32] « we have such variety of plants and living creatures more than you have in Europe ».
[33] « wonderful strange ».
[34] « for that all nations have interknowledge one of another, either by voyage into foreign parts, or by strangers that come to them ».
[35] « to make a mutual knowledge, in some degree, on both parts ».
[36] « and yet knew most of the nations of the world; ».
[37] « and yet we in Europe, […] never heard of the least inkling or glimpse of this island. ».
[38] « I give thee leave to publish it for the good of other nations; ».
[39] « s the knowledge of causes, and secret motions of things; and the enlarging of the bounds of human empire, to the effecting of all things possible. ».
[40] « the port of a fair city. Not great, indeed, but well built, and that gave a pleasant view from the sea ».
[41] Par exemple : « Ma io son di parere, che neanche il primo si può, tanto è grosso e terrapieno » p. 5. Trad. p. 150 ; « vi è un gran piano ed un gran tempio in mezzo, di stupendo artifizio. » p. 7. Trad. p. 151.
[42] « some small islands that are not far from us, and are under the crown and laws of this state; ».
[43] « Le città superate o date a loro subito mettono ogni avere in commune, e riceveno gli offiziali solari e la guardia, e si van sempre acconciando all'uso della Città del Sole, maestra loro; » p. 42. Trad. p. 176.
[44] to give perpetuity to that, [the happy and flourishing estate wherein this land then was] ».
[45] « his […] fundamental laws of this kingdom ».
[46] « commixture of manners ».
[47] Voir en particulier Gérard MAIRET, Le principe de souveraineté, histoires et fondements du pouvoir moderne, Paris, Gallimard, 1997, p.239.
[48] Catherine PITIOT, Mondes sages, mondes fous dans l’Italie de la Renaissance et de l’Âge baroque, Paris, L’Harmattan, 2001.
[49] « E nessuno può morire, se tutto il popolo a man comune non l'uccide; […]. E tutti piangono […] dolendosi che sian venuti a resecare un membro infetto dal corpo della republica; » p. 55. Trad. p. 187.
[50] Voir par exemple sa conférence intitulée Environmentalism: From the Control of Nature to Partnership prononcée à UC Berkeley, consultée le 03 février 2016, disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=_rWKq8vrcGw
[51] « carried us up ».
[52] « e ci son le caraffe piene di diversi liquori di cento e trecento anni, » p. 11. Trad. p. 153.
[53] « e 'l mondo essere animal grande, e noi star intra lui, come i vermi nel nostro corpo; » p. 65. Trad. p. 195.
[54] « Tengono dui princìpi fisici: il sole padre e la terra madre », ibid.
[55] « perché rispetto a loro siamo casuali », ibid.
[56] « Hanno pur un secreto di rinovar la vita ogni sette anni, senza afflizione, con bell'arte. » p. 53. Trad. p. 185.
[57] « Vivono almeno cento anni, al più centosettanta, o duecento al rarissimo. » p.50. Trad. p. 182.
[58] « the lanthorn of this kingdom ».
[59] « merchants of light ».
[60] « of a higher light ».
[61] « lamps ».
[62] « We have ».
[63] Par exemple : « that try new experiments », « We try also , « we make trials upon fishes ».
[64] « and the enlarging of the bounds of human empire, to the effecting of all things possible. ».
[65] Discours de la Méthode, VI partie, 1637.
[66] « very sovereign for health, and prolongation of life. ».
[67] « "We have certain hymns and services, which we say daily, of Lord and thanks to God for his marvellous works ».
[68] « Nature to be commanded must be obeyed ». Francis Bacon, Novum Organum, Book 1.