Corps, paysages, discours : les dimensions de l’écocritique
Serenella Iovino[1]
Traduit de l’italien par Claire Di Malta
Lumières sans titre, photo de Christian Arpaia
Préambule
Née aux Etats-Unis au début des années quatre-vingt-dix, l’écocritique est une discipline qui, à partir de textes littéraires et culturels généraux, étudie les représentations du rapport entre humain et non humain et instaure les bases pour une éducation éthique à la durabilité. Il s’agit donc de réflexions dans lesquelles la critique du texte rencontre d’autres discours importants, comme l’écologie, l’éthique sociale, la culture de l’environnement et la culture de la citoyenneté. C’est ce que je traiterai dans mon intervention en proposant une réflexion ultérieure, fondée sur le paradigme théorique de l’écocritique de la matière que j’ai récemment contribué à développer aux côtés de Serpil Opperman[2]. En partant des théories appelées « nouveaux matérialismes », cette approche propose d’étendre le concept de textualité à toutes les manifestations matérielles (corps, paysages, cellules, contaminants, etc.) et d’interpréter la corporéité en tant que « force narrative » (narrative agency) dans laquelle s’expriment les rencontres entre dynamiques discursives et matérielles.
Lire les corps de Naples
Au cœur de la ville de Naples se trouve un lieu au nom étrange : Largo Corpo di Napoli (Grand corps de Naples). Cette petite place s’ouvre comme une huitre à un endroit où les decumani, les rues principales grecques, deviennent un enchevêtrement de chemins médiévaux étroits et d’imposants bâtiments gris et blancs. Telle une huitre, la place renferme une perle : une ancienne statue du Nil, connue sous le nom de Corpo di Napoli, le corps de Naples. L’histoire de cette statue est particulière. Elle remonte au IIe ou IIIe siècle apr. J.-C., lorsqu’elle fut érigée pour marquer la présence d’une colonie égyptienne dans la ville. La statue disparut pendant longtemps avant d’être retrouvée au XIIe siècle. Elle était alors dépourvue de tête, et la présence d’enfants couchés en son sein poussa le peuple à croire qu’elle représentait Parthénope, la nymphe vierge à qui la mythologie attribue la fondation de la ville. En 1657, la statue fut restaurée et dotée d’une tête d’homme plus adaptée. La figure symbolisait alors clairement le fleuve égyptien dont les affluents étaient représentés par les enfants. Malgré l’évidence et la philologie, pour le peuple de Naples, la sculpture demeurait un symbole du corps de leur ville. Dans ce corps, comme c’est parfois le cas dans les rituels et les légendes locales, les limites du rôle des sexes, comme celles de la matière et de l’esprit, du présent et du passé, sont troubles et changeantes.
Corps de Naples, photo de Serenella Iovino
Parler des corps de Naples implique de nombreux éléments, et pas seulement à cause de l’accumulation littérale des corps humains dans la région : avec trois millions de résidents dans son aire métropolitaine, Naples est en effet une des villes italiennes les plus peuplées. Aujourd’hui, parler des corps de Naples est justifié au niveau écologique et même politique. En réalité, au cours des vingt dernières années, ces corps – dans leur matérialité humaine et non humaine – ont subi une exposition constante à la pollution, notamment à cause des pratiques criminelles de ce qu’on appelle « l’écomafia »[3].
En interprétant les corps de Naples comme des textes transmettant l’interaction de forces matérielles et de pratiques discursives, mon essai tente d’éclairer la complexité des niveaux à la fois écologiques, politiques, telluriques, artistiques et culturels, qui donnent vie à ce lieu. Je reviendrai sur le passé archéologique de certains des nombreux corps de cette ville et cette région volcanique pour illustrer la façon dont le paysage exprime les histoires et l’imaginaire des relations écologiques, en exposant les dynamiques dont découlent les rencontres entre forces humaines et non humaines. Je montrerai qu’interpréter la textualité de ces corps et ces paysages peut renforcer notre conscience environnementale, en orientant notre double appartenance aux paysages de l’esprit et aux paysages de la vie.
La porosité
Comme beaucoup d’intellectuels et artistes allemands de son époque, Walter Benjamin a visité Naples de nombreuses fois pendant les années vingt. Dans de courts mémoires écrits avec Asja Lacis, l’actrice brechtienne dont il est tombé amoureux, la ville est décrite avec un impressionnisme passionnant et définie à l’aide d’un adjectif récurrent : « poreuse ». De leur point de vue mitteleuropéen, la texture poreuse de Naples impliquait des formes et des styles, des gestes et des comportements, des relations et des lieux[4]. Toutefois, selon eux, la ville semblait surtout poreuse à travers sa matière de construction prédominante : une pierre jaune pâle, spongieuse et sableuse appelée le « tuf » (en italien, tufo). Le tuf de Naples, dont le nom scientifique est Ignimbrite campana — littéralement, le « nuage de poussière et de roche de feu » de Campanie (du latin ignis, « feu » et « imber, « pluie ») — est une formation sédimentaire de roche pyroclastique, provoquée par les dépôts de cendre et les explosions de lapillis, et de coulées de lave[5]. On trouve d’immenses concentrations de tuf dans les Campi Flegrei (Les champs Phlégréens, littéralement « les champs brûlés », du grec phlégo, « brûler »), une large zone volcanique délimitée au sud-est par le mont Vésuve. Au milieu de cette terre, suspendue entre la mer et le volcan et dressée sur le tuf, se trouve Naples, une ville construite avec de la roche poreuse et volcanique.
Feu, photo de Mario Amura
Facile à travailler, léger, résistant et abondant, le tuf se trouve pratiquement dans tout Naples. En effet, cette roche est tellement répandue qu’elle a servi à construire la majorité des palais, des églises, des maisons, des caves de pêcheurs ou encore des entrepôts fabriqués ici avant l’avènement du béton armé. Pénétrant le sol même de Naples, le tuf est aussi une matière disponible immédiatement et créé un des paradoxes fascinants de la ville. En effet, la majorité des bâtiments sont situés directement sur les cavernes d’où proviennent les matériaux de construction. La ville donne alors le sentiment d’être née de ses propres entrailles. Ainsi, si Venise est érigée sur une forêt sous-marine aux innombrables arbres, Naples est bâtie sur des creux. Ses corps demeurent littéralement au fond de champs brûlés et vivent dans les maisons et les rues fabriquées avec des roches volcaniques, tels que le tuf ou d’autres types de formation de lave. Développés dans un large réseau de tunnels souterrains, ces creux — utilisés comme aires de stockage, décharges publiques et, pendant la seconde guerre mondiale, comme abris antiaériens — ont contenu pendant des siècles les problèmes et les émotions de la ville qu’ils portent, en participant à sa vie à travers leur présence minérale sous-terraine.
Bien qu’elle se veuille plus pittoresque que scientifique, la définition que donnent Benjamin et Lacis de Naples en tant que « ville poreuse » convient parfaitement. Naples est poreuse de nombreuses manières. D’abord, au niveau spatial et temporel : une ville sur d’autres villes, où les traces des fondations grecques et romaines, préservées dans les couches souterraines, débordent systématiquement sur les rues et leurs recoins, partageant les rues transversales de l’espace avec les cours médiévales, les palais de la Renaissance ou les églises baroques. Naples est aussi poreuse à travers son aura volcanique, une force perméable omniprésente dans l’histoire de la ville. En effet, les éruptions ont submergé la ville de Naples pendant des millénaires. La dernière, en 1944, a presque coïncidé avec l’entrée des Alliés dans la ville. De plus, la porosité volcanique alimente aussi l’imaginaire culturel de la ville : pour les nombreux intellectuels et artistes qui, comme Benjamin et Goethe bien avant lui, s’y sont arrêtés lors de leur Grand Tour, le paysage luxuriant et sulfureux du mont Vésuve a été une expérience saisissante du « sublime volcanique », un exemple tellurique de l’omniprésence de la mort selon l’adage Et in Arcadia ego.
Cependant, si on l’analyse de plus près, la porosité de Naples reproduit la porosité de tous les corps considérés comme sites « d’inter-échanges et de transits » (Alaimo, Bodily Natures 2), croisements de forces, et entités « de congrégation » (Bennett, Vibrant Matter 34). Ce sont donc des systèmes de perméabilité et de connexions dans lesquels l’alternance entre plenum et vide est une condition même de toute chose pouvant exister. Comme Karen Barad l’explique, « Selon la théorie quantique des champs, le vacuum est loin d’être vide ; en effet, il regorge de possibilités d’existence » (Meeting the Universe Halfway 354). Si, d’un point de vue physique, le vide est littéralement le site où les particules de la matière peuvent se déplacer, s’associer, et mener des activités, d’un point de vue plus général, tous les corps possibles proviennent de cette interaction entre le vide et la densité. Cette interaction rend tous les corps, des atomes et des molécules jusqu’aux groupes d’humains et non humains, perméables au monde. Cette porosité agit à de nombreux niveaux, à la fois matériels et sémiotiques, et permet les transformations, la métabolisation et les flux de matière, d’énergie et d’informations. Remarquons que, avant que la perméabilité de la matière ne soit démontrée par les biologistes et les physiciens, elle a été une pierre angulaire de la philosophie naturelle, et notamment l’atomisme, pendant des millénaires. Le poète épicurien Lucrèce, par exemple, qui vivait au pied du mont Vésuve, a écrit dans son traité lyrique De la nature des choses : « D'ailleurs, parmi les corps mêmes qui passent pour être solides, on trouve des substances poreuses. » :
La rosée limpide des eaux pénètre les rochers et les grottes,
Qui laissent échapper des larmes abondantes.
Les aliments se distribuent dans tout le corps des animaux ;
Les arbres croissent, et laissent échapper des fruits à certaines époques,
Parce que les sucs nourriciers y sont répandus
Depuis le bout des racines, par le tronc et les branches
Le son perce les murs, et se coule dans les maisons fermées
Le froid atteint et glace les os. Ce qui ne pourrait se faire
Si tous ces corps ne trouvaient des vides qui leur donnent passage.
(De rerum natura I, 346-357) (N.d.t : traduction de M.Nisard)
A travers le temps et les différents points de vue, ces idées résonnent dans un passage d’une œuvre de Gilles Deleuze, Le Pli, où il commente l’ontologie de Leibniz. Il écrit que la matière « offre une texture infiniment poreuse, spongieuse ou caverneuse sans vide, toujours une caverne dans la caverne : chaque corps, si petit soit-il, contient un monde, en tant qu’il soit troué de passages irréguliers ». Cette description semble convenir parfaitement à la réalité de Naples.
Aujourd’hui, des siècles après Lucrèce et Leibniz, nous savons que tous les corps, toutes les entités corporelles, sont intrinsèquement ouverts, ils sont intrinsèquement « du monde et dans le monde » (Tuana, «Viscous Porosity», p. 198). D’après Levy Bryant, il s’agit d’ » un réseau hétérogène et complexe d’entités qui est lui-même une entité ou une unité », une singularité qui, pour être ce qu’elle est, doit être microscopique tout en contenant une multitude de choses. Les corps, en d’autres termes, « ressemblent plus à des éponges qu’à du marbre » - notamment parce que, considéré dans sa structure interne, « même le marbre est une sorte d’éponge » (Bryant, Stacy Alaimo). Ainsi, comme tous les processus de transformation ou de métabolisation du monde, la corporalité est toujours ouverte et transcorporelle[6]. Cette transcorporalité s’exprime elle-même dans la manière dont les substances matérielles interfèrent et s’entremêlent, en déterminant le monde comme un site d’hybridations en cours, des processus de l’évolution aux maladies liées à l’environnement. La consommation de nourriture, nous rappelle Lucrèce, est aussi un moyen à travers lequel les corps se transforment réciproquement. Se nourrir est une hybridation mutuelle de matières corporelles, tout comme la sueur, la photosynthèse des plantes, la transformation physico-chimique des atomes en molécules aux propriétés particulières et la coulée de lave depuis les cavités de la terre vers le monde « ouvert » au-dessus. Tous ces éléments sont des exemples de la porosité métabolique du monde, exprimée parfaitement par le mot allemand traduisant « métabolisme », Stoffwechsel : littéralement, un échange de matières.
La lave et la mer, photo de Christian Arpaia
Comme les corps sont ce qu’ils sont à travers leurs limites perméables (les membranes qui provoquent les flux d’énergie et de matière), les entités et les formations plus importantes suivent la même dynamique. Une ville, par exemple, est un corps poreux habité par d’autres corps poreux, un ensemble minéral, végétal et animal de corps poreux. En suivant le schéma de l’intra-action, les villes sont des combinaisons de matières et d’énergie dans une transformation mutuelle avec les êtres humains et non humains, les matières vivantes et non vivantes, participant ainsi aux « géo-chorégraphies » du monde (Cohen, « Stories of Stone »). Manuel de Landa fournit un exemple convaincant de cette géo-chorégraphie poreuse : « Du point de vue des flux énergiques et catalytiques, les sociétés humaines ressemblent beaucoup aux coulées de lave ; et les structures construites par les hommes (les villes minéralisées et les institutions) ressemblent beaucoup aux montagnes et aux roches : les accumulations de matières solides et formées par les processus historiques » (A Thousand Years of Nonlinear History 55). Il y a une continuité essentielle ontologique et historique dans la formation des villes et des roches volcaniques. Les rythmes de « minéralisation » et de « catalyse » des villes peuvent être différents de ceux des structures géologiques, mais ils font partie du processus de transformation en cours qui implique à la fois des organismes, des structures, des gènes, des langues et des idées : « les créatures vivantes et leurs équivalents non organiques partagent une dépendance cruciale envers les flux intenses d’énergie et de matières... Ainsi, nos corps organiques ne sont rien que des coagulations temporaires dans ces flux » (De Landa 104). Dans cette optique, la porosité n’est pas seulement la base du changement, de la croissance, et du déclin d’un point de vue géologique et humain, mais elle est aussi la véritable condition de l’histoire : une histoire qui n’est pas une succession linéaire d’évènements, mais plutôt un chemin émergeant des flux de matière et d’énergie dans lesquels nos corps organiques ne sont « rien que des coagulations temporaires » comme le dit De Landa.
Dans le vaste paysage de la porosité, la cognition occupe également une part importante. Comme Varela, Thompson, et Rosch l’expliquent, la cognition « dépend du type d’expérience vécue à travers un corps aux capacités sensori-motrices variées » — des capacités « elles-mêmes intégrées dans un contexte global plus biologique, physiologique et culturel » (The Embodied Mind 173). En tant qu’ensemble de pratiques incarnées, la connaissance consiste « en la communication entre l’esprit, la société et la culture, et non pas en un seul ou l’ensemble de ces éléments » (179). La connaissance — un échange d’informations humaines et non humaines avec le monde – est une forme de porosité ; c’est la façon dont le monde intègre et conditionne les habitudes de vie, déterminant ainsi la façon dont les êtres peuplent le monde. Dire que la connaissance est « incarnée » signifie que le monde inter-agit avec les corps en s’inscrivant dans les pratiques cognitives. Dans How We Became Posthuman, N. Katherine Hayles décrit ce processus en tant qu’ » incarnation » cognitive. Chaque expérience cognitive, qu’il s’agisse d’une « pratique incorporée » (« une action encodée dans la mémoire corporelle par des performances répétées jusqu’à devenir une habitude » 199) ou de processus « en-actifs » de la « connaissance incarnée », tient son origine de la porosité mutuelle des corps et du monde. La connaissance incarnée est notamment un processus et un flux, « un mode d’apprentissage [...] différent de celui qui découle de la réflexion seule » (201). Elle est donc « contextuelle, présente dans les détails précis du lieu, du temps, de la physiologie et de la culture » (196). En d’autres termes, la connaissance découle de la relation donner-recevoir entre les corps et le monde. Elle matérialise l’échange poreux entre l’intérieur et l’extérieur, la transformation progressive des corps et du monde en un ensemble.
Cela révèle une autre dimension importante de cette perméabilité, elle aussi discursive et sémiotique : le flux d’information et de pratiques discursives à travers les corps. Les phénomènes comme le genre, la sexualité, la classe, les pratiques sociales, et leurs récits, sont filtrés à travers cette porosité comme des formes d’une « interaction émergente » de facteurs naturels et culturels. C’est la clé de la transcorporalité de Alaimo en tant qu’« espace mobile » de multiples échanges et de ce que Nancy Tuana appelle une « ontologie interactionniste » : une ontologie dans laquelle la société est considérée dans sa matérialité, associée à la force des visions naturelles, et donc des visions essentialistes stimulantes, et leurs constructions normatives (voir «Viscous Porosity» 188). La « porosité » signifie ici la perméabilité non seulement « entre notre chair et la chair du monde dont nous venons et dont nous faisons partie » (198), mais aussi entre les corps et les mondes discursifs dans lesquels ils se situent : les corps « produisent la culture en même temps que la culture produit [...] les corps » (Hayles, How We Became Posthuman 200). Cette « interaction émergente » de matière, de discours et de cognitions montre qu’il n’y pas de limites bien définies entre « le naturel et les constructions humaines, la forme biologique et le culturel, les gènes et leurs environnements, le matériel et le sémiotique » (Tuana, «Viscous Porosity» 198). En réalité, chaque corps est un croisement de chair et de sens, une coagulation unique dans les histoires de matière.
Le paysage de Naples et sa région n’est pas seulement poreux matériellement et historiquement, alternant creux et densité dans « une mosaïque de processus écologiques et sémiotiques » (Farina, Principles and Methods in Landscape Ecology 64), mais, avec ses corps co-émergents, il illustre parfaitement une telle vision. Eux-mêmes des acteurs de la réalisation du monde, tous ces corps sont en fait énactifs, des filtres cognitifs pour les forces telles que la nature et la société, l’humain et le non humain, le visible et l’invisible, le prévu et l’imprévu. Leur porosité narrative devient alors à la fois le point où le monde entre dans les corps et à partir duquel les corps livrent leurs histoires au monde. L’écocritique matérielle concentre ses analyses sur ce croisement, fait de fusions matérielles, sociales et cognitives.
Corps, paysages, mémoire
A quelques kilomètres au sud de Naples, les vitrines poussiéreuses des antiquarium racontent un chapitre intéressant de cette histoire de corps et de porosité. Il concerne l’éruption de 79 av. J-C qui a affecté un vaste territoire au pied du mont Vésuve, modifiant la vie et le paysage de la région napolitaine.
L’esprit du lieu, photo de Christian Arpaia
Oublié pendant plusieurs siècles, le site antique de Pompéi a été redécouvert (et gravement pillé) par les Bourbons, les souverains espagnols de Naples, au début du XVIIIe siècle, pour être finalement identifié en 1763. Avec le temps, les fouilles ont révélé de nombreux corps. Couverts de débris volcaniques, ils avaient laissé leurs empreintes dans la lave solidifiée, si bien qu’on pouvait voir « la forme entière du mort, ses habits et ses cheveux » (Beard, Pompeii 6). Mais d’autres genres de corps étaient tout aussi parlants : les absents. Ici, de nouveau, on peut parler de porosité. Comme les cybernéticiens le savent, les informations ne sont pas seulement incarnées par la présence de l’objet, dans sa densité matérielle ; les objets absents peuvent aussi transmettre un message et un sens. En d’autres termes, le vide possède aussi une dimension sémiotique. Similaires aux bâtiments de Naples émergeant des creux de la ville, les corps de Pompéi ont émergé de leur propre absence, du creux qu’ils ont laissé dans la cendre pétrifiée après la décomposition. Ces corps absents ont commencé à se matérialiser autour des années 1860, à travers une technique développée pour obtenir des moulages de portes en bois, d’abris, de meubles et d’autres objets périssables. Comme une photo en négatif, le vide était chargé d’informations ; associé au plâtre, il a permis de pénétrer dans ce moment historique, en donnant littéralement un visage à ces victimes humaines et non humaines de l’éruption.
D’un point de vue archéologique, la combinaison des découvertes mises au jour et des découvertes en « négatif », du plenum et du vide, constitue un site riche en récits : des récits sur les rôles sociaux et les pratiques du genre, sur ce que Bruno Latour appelle les assemblages et les collectifs, sur les forces humaines et non humaines dans la vie quotidienne de l’Antiquité. En lisant dans les écologies naturelles et culturelles stratifiées de ce lieu, la recherche archéologique a en effet ouvert une fenêtre sur des réalités plus qu’humaines, à la fois dans des visions plus larges et des segments petits mais significatifs. On peut citer de nombreux exemples, tels que la découverte de petits pains laissés dans un four où ils étaient en train de cuire lorsque la montée a commencé. Cuits deux fois, par la chaleur humaine puis volcanique, ces pains sont restés suspendus dans la zone d’ombre où l’intentionnalité est submergée par la force matérielle, se transformant ainsi en une mise en abyme involontaire de la ville avalée par la lave. Un autre aperçu de ce monde de forces convergentes nous est offert par le moulage d’un chien de garde, asphyxié par la cendre et poncé dans la tentative désespérée de s’échapper de ses chaînes. Avec son collier de bronze clouté et la peur insoutenable visible sur son visage (absent), le chien a partagé le même destin qu’un homme, certainement un esclave, mort en essayant de libérer ses chevilles de liens de fer. De la même façon que les textes matériels émergent du vide, ces moules de plâtre reconstituent l’agonie des corps humains et non humains dans une association impitoyable avec la force des éléments et des liens construits socialement.
Histoire de lave, photo de Christian Arpaia
Mais, en suivant les traces de la porosité, j’aimerais me concentrer maintenant sur un autre récit, complémentaire à celui recueilli par les archéologues. Dans ce récit intra-actif, l’alternance du plenumet du vide — en termes de corps, de mémoire et de cognition — permet de mieux comprendre « l’interaction émergente » des forces en action dans l’évènement de 79 av. J-C.
La surprise inscrite sur ces corps est un élément clé de ce récit. Quand le philosophe allemand Karl Löwith a vu les moules de plâtre en 1924, il a commenté : « La mort les a pris au milieu de la vie, ne leur laissant pas le temps de mourir, si l’on peut dire » (« Pompei e il Vesuvio » 63). Alors que la surprise des victimes d’un cataclysme naturel peut nous sembler normale, à Pompéi elle révèle un autre élément important de cette histoire de présence et d’absence, de densité et de vide. Sur le plan cognitif, l’éruption volcanique est une brèche, une rupture épistémique dans l’esprit de ce lieu. Pendant longtemps, le mont Vésuve a été considéré comme une montagne. Certains écrivains romains avaient fait remarquer la similarité de la montagne avec le mont Etna, un volcan actif de la Sicile, ou évoquait la possibilité que le Vésuve soit un volcan. Strabo, par exemple, a écrit que le sommet « montre des cavités plutôt poreuses dans des masses de roche qui [...] [semblaient] avoir été dévorées par le feu ; on peut en déduire que, dans des temps plus anciens, ce quartier a pris feu et démontrait des cratères de feu » (Geography 453). Cependant, le Vésuve est resté au repos pendant huit cents ans : le souvenir de cette force avait simplement disparu des récits généraux à propos du lieu. D’où le choc épistémique (et physique). Comme Jeffrey Cohen le dit, les pouvoirs actifs de la nature « surprennent, puis déconcertent » (« Ecology’s Rainbow »).
Dans son essai « Landscape, Memory and Forgetting » Catriona Mortimer-Sandilands exprime des réflexions très fécondes à propos des liens entre la mémoire, le corps et le paysage. En s’appuyant sur les recherches médicales sur la maladie d’Alzheimer et l’écophénoménologie de David Abram, elle écrit :
Le souvenir – l’incarnation d’un acte, d’un objet, d’un lieu ou d’un concept dans l’une ou l’autre partie du cerveau — n’est pas qu’une question d’un sujet se souvenant. Les histoires écrites dans les livres comme dans le paysage sont toutes des entrepôts de la mémoire externes au corps individuel... L’acte du souvenir implique une reconnaissance de la relation entre le corps/esprit et le monde externe déterminé par bien plus que des forces internes. L’expérience de la mémoire est ainsi toujours déjà sociale, technologique et physique en cela que les conditions de la relation entre le cerveau et l’objet ne peuvent se trouver que dans un éventail complexe de conditions qui offrent le sujet à l’expérience et l’expérience au sujet. (274)
Il y a, en d’autres termes, une porosité mutuelle, une intra-action, entre les individus et leurs paysages, tous deux incarnant, comme Abram le suggère, l’esprit du lieu[7]. Sans la reconnaissance de la façon dont la « relation entre le corps/esprit et le monde extérieur » pourrait être articulée, ces corps expriment la surprise dans l’esprit du lieu – un esprit dont le souvenir est « toujours déjà social, technologique et physique » (Sandilands, « Landscape, Memory, and Forgetting », p. 274).
Mais l’esprit du lieu est ici un esprit amnésique. Paradoxalement, seulement deux siècles après que Pompéi ait été ensevelie par la lave, il ne restait presque aucun souvenir du site. Les fouilles et l’émergence de ces corps depuis les creux de l’espace-temps-matière représentent donc une autre rupture épistémique. C’est un exemple clair de la façon dont la force matérielle et les pratiques discursives se mêlent en formant le monde humain et non humain – les corps, le paysage et la mémoire. Le monde n’est pas simplement « fabriqué » par les discours et la mémoire culturelle. Il y a une corrélation forte, profonde et complexe entre l’énergie des forces naturelles et celle des forces des pratiques culturelles. Le paysage des discours, des mots et des descripteurs conceptuels se mêle au paysage des éléments, de la géologie, des forces telluriques et atmosphériques, des équilibres biotiques et éco-systémiques. Le cas de ces corps – ces maisons, ces choses, ces lieux oubliés – émergeant des niveaux souterrains d’une ville ensevelie est complémentaire au niveau dialectique avec la montée de la lave du corps de la montagne. Riche en signes et en sens, et donc en informations, ce corps et la lave créent une association matérielle-sémiotique. Dans cette association, alors que les corps informent (et racontent) une complexité presque oubliée (le site antique de Pompéi), la lave informe (et raconte) la structure orographique oubliée du site, peuplé par les forces volcaniques et sismiques, bien que considéré comme une « simple » montagne.
Les natures invisibiles, photo de Christian Arpaia
L’oubli que chaque montagne a son propre rythme de mouvement, sa propre chorégraphie tellurique, signale l’oubli humain de la force d’action de la nature. Cependant, la corrélation matérielle de la mémoire et de l’oubli est une preuve significative de la façon dont la société et la nature coopèrent en formant « un monde de phénomènes complexes dans une relation dynamique » (Tuana, « Material Locations » 239). Si ces corps ont laissé leurs empreintes et ont transmis leurs histoires à travers le temps, c’est parce que cet interstice s’est ouvert par une combinaison d’éléments biochimiques, de conditions environnementales et d’énergies géophysiques à travers le temps. Cet interstice contient une force impersonnelle et des forces inhumaines par définition, d’après Jeffrey Cohen :
Inhumain signifie non humain [...] et inclut donc un monde de forces, d’objets et de choses non humaines. Mais in-humain indique aussi l’étranger à l’intérieur (un corps humain est un écosystème rempli d’organismes étrangers ; un ensemble humain est un écosystème rempli d’objets étrangers) et requiert également une considération du violemment inhumain. (« Zombie Ecology »)
Le « violemment inhumain » peut prendre de nombreuses formes : une éruption volcanique, un virus, une chute d’astéroïdes, une guerre et même la politique. Associées à la vie humaine, toutes ces choses forment les « collectifs » dans lesquels les objets étrangers expriment leur force en plein cœur de la porosité. L’écocritique matérielle suggère que ces « collectifs » sont activement contextuels et que leur force est toujours, de façon poreuse, « en cours de réalisation « avec un extérieur. Pris dans leur processus d’association avec le monde – d’incarnation intra-active – les corps affichent « l’importance du contexte pour la cognition humaine », en relation avec la mémoire également : « tout comme la désincarnation requiert que le contexte soit effacé, l’incarnation du souvenir signifie que le contexte est remis dans l’image » (Hayles, How We Became Posthuman 203). Au cœur de cette dimension poreuse dans laquelle les corps sont absorbés par le monde, et le monde – sous la forme de lave ou de discours – est absorbé par les corps, le paysage est le contexte matériel et cognitif de la mémoire. C’est donc un site de transformation des catégories cognitives. Si le souvenir est une « reconnaissance de la relation entre le corps-esprit et le monde extérieur déterminé par bien plus que des forces internes » (Mortimer-Sandilands, «Landscape, Memory, and Forgetting» 274), alors le paysage est le site qui décide du moment où la relation entre l’intérieur et l’extérieur, le corps-esprit et le monde, est renforcée ou progressivement effacée. Dans l’obscurité du Vésuve, une intra-action d’éléments très variés a produit un phénomène ironique : de la même façon que le corps « naturel » d’un volcan a été oublié dans les récits humains de l’évolution, le corps « culturel » et plus qu’humain de Pompéi a été oublié seulement deux siècles après avoir été enseveli par l’éruption.
Dans la chorégraphie des forces se déplaçant dans les creux et les pleins de l’espace-temps-matière, les émergences irrégulières de nature-cultures surprennent toujours, puis déconcertent.
Que sont devenues les histoires des corps de Naples aujourd’hui ? Les exemples discutés ont été choisis pour répondre à cette question même, parce que les histoires qu’ils racontent sont toujours écrites dans les corps d’aujourd’hui. La première est une histoire d’oubli : une amnésie encore visible dans la rupture entre le people du Vésuve et leur terre volcanique, malgré la pléthore de chansons populaires ou d’affirmations rhétoriques. En réalité, en dépit de la preuve physique, des cognitions incarnées, et de tout principe de prévention, le mont Vésuve est redevenu dans l’imaginaire local une « simple » montagne, couverte d’un ensemble (principalement illégal) de constructions qui atteignent presque le cratère. La seconde est une histoire de violence : une violence « lente » (voir Nixon, Slow Violence) mais inexorablement envahissante sous de nombreuses formes dans la chair et la peau de ces corps terrestres. Ces corps sont souvent toxiques, absorbant dans leur porosité des millions de tonnes de polluants illégalement jetés dans cette région par l’écomafia et son vaste réseau de complices politiques[8].
Toutes ces histoires sont écrites sur les corps vivants de Naples. Ces corps contiennent souvent une absence, comme dans les plâtres de Pompéi : c’est l’absence de la citoyenneté et de la protection collective, l’absence d’une écologie politique à la fois des choses et des humains. Ici, l’écocritique matérielle devient une justice environnementale. Ici, comme Marco Armiero et Giacomo D’Alisa l’écrivent à propos de la crise des déchets de Naples, « la véritable frontière entre l’environnant et l’environné est trouble, plaçant le corps humain au carrefour de cette rencontre » («Rights of Resistance» 56). Dans une perspective matérielle écocritique, ce n’est pas seulement la frontière entre l’environnant et l’environné qui est troublée, mais aussi la frontière du texte. Le corps est un agent sémiotique dans sa matérialité même. C’est dans le corps que les forces formatrices en action dans la vie d’un lieu se matérialisent et s’expriment eux-mêmes. Les corps de Naples sont des textes, la ville elle-même est un texte, et sa texture est son propre récit. C’est un récit peuplé de substances, de choix, de voix, de présences humaines, de maladies, de cicatrices, de mémoire, d’oubli, de catastrophes naturelles, de guerre, de contamination, de peur, de mort et de vie. La force narrative de ces corps poreux transmet la matière et les discours de ces histoires formatrices. Ce faisant, elle créée des liens de conscience qui restaurent leur imaginaire politique révélant le processus en cours dans la transformation de ces corps. Ici le rôle de la littérature et de la créativité est essentiel : quand la créativité humaine « joue » avec la force narrative de la matière, intra-agissant avec elle, elle peut générer des histoires et des discours qui « diffractent » la complexité de notre « collectif » poreux. Ainsi, elle produit des émergences narratives pour amplifier la réalité, en affectant également notre réponse cognitive à cette réalité. En matière d’éthique et de politique, ce phénomène a un fort potentiel dans la mise en place d’une libération : apprendre à voir et à lire dans les écologies textuelles et matérielles à l’origine du tissu de notre existence est la seule réponse contre les idéologies fatalistes qui immobilisent nos vies.
Bibliographie
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[1] Serenella Iovino, professor of Italian Studies and Environmental Humanities at the University of North Carolina at Chapel Hill
[2] Cf. S. Iovino, S. Oppermann (eds.), Material Ecocriticism (Bloomington: Indiana UP, forthcoming 2014). Sur les théories de l’écocritique de la matière, voir, entre autres, Iovino, « Material Ecocriticism: Matter, Text, and Posthuman Ethics » et S. Iovino, S. Oppermann, « Theorizing Material Ecocriticism: A Diptych. »
[3] Inventé en 1994 par Legambiente, la principale ONG environnementale italienne, le terme italien « ecomafia » décrit toute une série d’activités criminelles fatales pour l’environnement, organisées en réseaux qui s’étendent bien au-delà des frontières italiennes. Parmi ces crimes, jeter illégalement les déchets représente le plus profitable et le plus conséquent (Pergolizzi, Toxic Italy). Pour un tableau écocritique de la crise des déchets de Naples, l’écomafia et l’éthique narrative, voir Iovino, « Naples 2008, or, The Waste Land. »
[4] Cf. Benjamin et Lacis, « Napoli » 33-39. Voir aussi, La città porosa.
[5] Le terme « ignimbrite » a été inventé par le géologue néo-zélandais Patrick Marshall (1869-1950). Voir son essai « Acid Rocks » 1.
[6] Mot récurrent et concept fondamental de l’écocritique matérielle, la transcorporalité a d’abord été développée par Stacy Alaimo dans son essai « Trans-corporeal Feminism » et dans son livre Bodily Natures. Le terme dénote une dimension « dans laquelle l’humain est toujours entremêlé avec le monde plus qu’humain » (Bodily Natures 2). En ce faisant, il souligne « la mesure dans laquelle la substance corporelle de l’humain est finalement inséparable de l’environnement », attirant notre attention sur « les actions souvent imprévisibles et non désirées des corps humains, des créatures non-humaines, des systèmes écologiques, des agents chimiques et d’autres acteurs » (Bodily Natures 2). Voir Iovino, « Steps Toward a Material Ecocriticism ».
[7] Cf. Abram, Becoming Animal et The Spell of the Sensuous. Voir aussi mon essai « Restoring the Imagination of Place. »
[8] Cf. Armiero, « Seeing Like a Protester; » Iovino, « Naples 2008, or The Waste Land, » « Stories from the Thick of Things, » et « Keyword: Pollution ». Voir aussi Past, « Trash is Gold ».