Carnet n°1 / De vive voix

Entretien avec Alain Mabanckou

propos recueillis par Manola Ponziani

Alain Mabanckou, Manola Ponziani

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Manola Ponziani:Je travaille sur vos romans mais la première question est sur la poésie, car dans Le monde est mon langage (2016) vous avez dédié une grande partie à la poésie, en disant que la poésie francophone est vivante et il y a aussi des opportunités pour les jeunes poètes. Donc je voulais vous demander pourquoi avez-vous choisi d’abandonner la poésie en vous consacrant au roman ? Écrivez-vous encore des vers?

Alain Mabanckou: En fait, je n’ai pas abandonné la poésie, puisque j’ai récemment publié un recueil qui s’appelle Congo, mais je l’avais publiée à Montréal. Il va sortir en France le mois prochain puisqu’il a été ajouté au recueil Tant que les arbres s’enracineront dans la terre ; mais il faut dire aussi que le problème de la poésie, c’est un problème lié aux éditeurs, qui ne publient pas beaucoup la poésie, qui sous-estiment la force de la poésie, qui pensent qu’elle n’a pas de valeur économique et donc, du coup, même quand on l’écrit, on ne publie pas forcement. Je peux dire que les gens publient la poésie des romanciers qui sont connus ; en même temps, je pense aussi que pour moi la poésie était une période. J’avais publié cinq recueils de poèmes et après je suis rentré dans le roman. J’avais l’impression d’avoir tout dit ce que je pouvais dire en poésie et que désormais, au lieu d’être dans cette émotion immédiate, je m’engageais, dans les romans, dans une situation de construction d’un monde.

Il me semble parfois que vous n’avez pas un vrai style personnel facilement reconnaissable, en revanche on vous reconnait grâce à vos ambiances, à vos personnages (il rit Ndr.)… avez-vous cette impression?

Je pense que moi j’aime avoir une diversité, une diversification de la situation. Mes personnages sont souvent des marginaux, des gens qui ne seraient pas des héros, mais que je voudrais mettre en héroïsme, que ce soit les prostitués, que ce soit les orphelins, que ce soit les petits bandits de grand chemin, ou le monde des « sapeurs », moi, j’aime les petites gens dans la littérature.

Et pourquoi?

Mais parce que je suis quelqu’un qui a grandi dans le peuple, qui a grandi dans les quartiers populaires, quelqu’un qui pense que la littérature appartient à la petite population, pas seulement aux élites.

Comment travaillez-vous à une histoire? Le processus créatif est-il toujours le même?

Je travaille selon l’instant. Quand je suis inspiré, j’écris sans me faire des plans, je suis un écrivain plutôt artisanal! Je tricote des choses, sans faire un plan, j’écris une histoire et si je sens que ça m’emballe, ça m’enflamme, je me dis peut-être que le lecteur aussi va suivre. Je n’ai pas une discipline précise, je n’ai pas d’heure, j’écris n’importe quand, n’importe où, que ce soit dans une chambre d’hôtel, que ce soit pendant les vacances, que ce soit n’importe quel moment, je n’ai pas de pratiques fétichistes de la littérature.

 Êtes-vous en train d’écrire quelque chose maintenant?

Oui, bien sûr, je suis en train d’écrire un roman qui se passera probablement toujours à Pointe Noire et dont le titre provisoire est Rumba congolaise.

Il me semble que vous avez une préférence pour la narration à la première personne, pour le genre du journal, des mémoires, pourquoi ce choix?

Parce que je pense que la première personne est intéressante. C’est une relation directe. Quand le lecteur lit, quand il lit «je», le lecteur croit que ce «je»-là c’est lui. Alors si je mets «il», ça fait un détachement, je n’aime pas être dans une prédiction, je préfère mettre le «je», pour à la fois engager l’auteur et le personnage.

J’ai remarqué que pour vous l’ironie est très importante, parce que dans vos livres, même les plus tragiques, par exemple African Psycho, il y a toujours de l’ironie. Pourquoi?

Je pense que pour poser les problèmes les plus graves la meilleure façon c’est d’être dans l’ironie, c’est d’être dans l’éclat de rire. Moi, j’ai toujours vécu les choses comme étant humoristiques, c’est mon style.  C’est aussi peut-être la manière de conter au Congo: on a toujours cette exagération, cette dérision, cette caricature.  Quand j’ouvre le journal ce qui m’intéresse ne sont pas les informations, c’est la caricature, les dessins qu’il y a à l’intérieur.

Je vais écrire une étude sur vos romans et sur les traductions italiennes.

 Il y a deux ans j’ai été même finaliste au Prix Strega Europeo, j’étais venu, il y avait tout le monde, j’étais bien…

À propos, j’ai vu sur votre compte Twitter une photo de vous avec Chiara Appendino, maire de Turin,  avez-vous des projets avec elle?

Je l’apprécie beaucoup, elle est très jeune, écologiste…Elle veut préparer un événement sur les migrations. Du coup, on travaille sur un projet qu’elle envisage.

 

 

 

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