N°1 / Penser les mondes méditerranéens

Impossible demeure. Le monde et le moderne

Myriam Carminati

Résumé

L’homme peut-il encore habiter le monde à l’époque de la modernité ? Cette question induit que l’on s’intéresse à la représentation de la ville, qui est un lieu obligé du moderne et une sorte de métonymie du monde. Nous nous interrogerons également sur la perception du corps dans cet espace en mutation. Pour ce faire, nous nous appuierons sur différentes œuvres poétiques et picturales qui se situent entre la fin du xixe siècle et la première guerre mondiale. Et nous évoquerons les noms de Camillo Sbarbaro, de Thomas Stearns Eliot, de Mario Sironi, de Giorgio De Chirico et de quelques futuristes, parmi lesquels Filippo Tommaso Marinetti, Antonio Sant’Elia, Giacomo Balla ou encore Umberto Boccioni. Ensuite nous tenterons de montrer quels sont les prolongements actuels de cette vision nouvelle de l’homme et du monde qui s’élabore autour de cette « césure essentielle de notre temps » (selon la formule de Georges Bensoussan) qu’est la première guerre mondiale. Césure que, pour notre part, nous qualifions volontiers d’anthropologique et d’historiale.

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      L’homme peut-il encore habiter le monde à l’époque de la modernité ? Cette question induit que l’on s’intéresse à la représentation de la ville, qui est un lieu obligé du moderne et une sorte de métonymie du monde. Nous nous interrogerons également sur la perception du corps dans cet espace en mutation. Pour ce faire, nous nous appuierons sur différentes œuvres poétiques et picturales qui se situent entre la fin du xixe siècle et la première guerre mondiale. Et nous évoquerons les noms de Camillo Sbarbaro, de Thomas Stearns Eliot, de Mario Sironi, de Giorgio De Chirico et de quelques futuristes, parmi lesquels Filippo Tommaso Marinetti, Antonio Sant’Elia, Giacomo Balla ou encore Umberto Boccioni. Ensuite nous tenterons de montrer quels sont les prolongements actuels de cette vision nouvelle de l’homme et du monde qui s’élabore autour de cette « césure essentielle de notre temps[1] » qu’est la première guerre mondiale. Césure que, pour notre part, nous qualifions volontiers d’anthropologique et d’historiale.

Ce monde moderne se manifeste avec force à travers la ville que Baudelaire n’hésite pas à qualifier de « grand désert d’hommes[2] ». La ville est à considérer ici sous l’angle de la négativité. Nouvelle Babylone, la ville de la modernité défie le ciel par ses tours et ses architectures audacieuses, mais les dieux ont déserté le ciel, de même que s’est perdu un certain art de vivre jusque sur les pourtours de la Méditerranée.

 

Toute de ciment, de verre et de béton, la ville moderne n’appelle plus à la flânerie ni à l’hédonisme, mais elle évoque les villes américaines avec leurs tours vertigineuses et leur architecture qui semblent, aux yeux d’un Européen du début du xxe siècle, défier le sens commun et renvoyer à un monde autre, radicalement étranger à l’humain. Dans ses Studi per edifici monumentali (1912-13) l’architecte futuriste italien Sant’Elia s’inspire de l’Amérique pour concevoir des immeubles qui évoquent tout à la fois Manhattan, le progrès industriel, la volonté de rupture, la négation de la tradition et l’essor de la modernité. Il faut relire, à ce sujet, le passage de Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, où le narrateur, stupéfait par ce qui se présente à ses yeux, décrit l’arrivée à New York, par bateau, au tout début des années trente :

 

Pour une surprise, c’en fut une. À travers la brume, c’était tellement étonnant ce qu’on découvrait soudain que nous nous refusâmes d’abord à y croire et puis tout de même quand nous fûmes en plein devant les choses, tout galérien qu’on était on s’est mis à bien rigoler, en voyant ça, droit devant nous…

Figurez-vous qu’elle était debout leur ville, absolument droite. New York c’est une ville debout. On en avait déjà vu nous des villes bien sûr, et des belles encore, et des ports et des fameux même. Mais chez nous, n’est-ce pas, elles sont couchées les villes, au bord de la mer ou sur les fleuves, elles s’allongent sur le paysage, elles attendent le voyageur, tandis que celle-là l’Américaine, elle ne se pâmait pas, non elle se tenait bien raide, là, pas baisante du tout, raide à faire peur.[3]

 

    Dans cette ville « absolument droite » et « raide à faire peur », les hommes sont réduits à n’être que foule, multitude, agrégat d’individus qui remplissent le désert de pierre. D’où le spleen, l’ennui, la mélancolie ou encore la nostalgie. Bref, la catastrophe permanente au début du xxe siècle avec des œuvres marquées au sceau de l’irréversible et de l’irrémédiable. Nous employons à dessein ces deux adjectifs baudelairiens car on a souvent privilégié l’aspect le plus désenchanté de la pensée du poète en l’associant à une autre divinité tutélaire présidant à cette vision du monde à l’époque de la modernité, Nietzsche. Souvent, en effet, le cri nietzschéen de la mort de Dieu et de la fin des valeurs se traduit – dans la littérature et les arts – par une image dégradée et désespérante de la ville moderne. La ville est montrée comme impossible demeure. C’est ainsi qu’à l’époque de la modernité la ville devient le lieu de l’anonymat, de l’errance, de l’inhabitable où se rencontrent vagabonds, prostituées, ivrognes, automates, employés pressés et somnambules. À partir de quoi se posera également le problème des rapports entre foule et individu.

Mais commençons par nous arrêter sur la représentation de la ville dans les tableaux métaphysiques de Giorgio De Chirico qui remettent fortement en cause l’unité perspective de l’espace pictural[4]. Dans les œuvres de ce peintre né à Volo, en Grèce, la perspective est déroutante. Tout est perdu de l’harmonie du monde. En effet, complètement faussée et pervertie, la perspective linéaire classique est allongée, étirée et anormalement profonde. Bien souvent la stabilité du sol est compromise par l’inclinaison excessive des plans, ce qui donne une désagréable impression d’instabilité. De plus, on assiste au bouleversement des échelles de mesure : objets hypertrophiés et silhouettes ridiculement petites occupent l’espace sans l’habiter. D’ailleurs, comment habiter un espace sans véritable profondeur, sans assise stable et sans perspective atmosphérique ? Peu d’effet de ronde-bosse et un modelé réduit suggèrent un espace impraticable, inhospitalier et dépourvu de fondement. Les choses s’y tiennent comme par miracle, oublieuses des lois de la gravité. Quant à la lumière, elle ne rayonne ni ne vibre, comme s’il n’y avait pas d’air. D’ailleurs, la raréfaction de l’air s’accompagne souvent d’une lumière verdâtre et menaçante dont on ne connaît pas l’origine. L’illumination mystérieuse et illogique – si l’on se réfère aux règles traditionnelles de la peinture héritées des artistes de la Renaissance – crée une atmosphère onirique et énigmatique que l’ombre, en violente opposition avec la lumière, vient renforcer. Chez De Chirico l’ombre, en ses multiples épiphanies, possède sa propre existence. La plupart du temps, puissante, dure et épaisse, elle « découpe ses triangles et trapèzes noirs sur le sol des places et des rues ensoleillées[5] ». Hostile, elle n’accueille pas, ne rafraîchit pas. Elle rend la vision encore plus énigmatique et dysharmonique, surtout quand sa présence opaque s’impose avec une force plus grande que celle de l’objet qui lui donne naissance. Parfois même elle semble ne rendre compte d’aucun corps solide ou bien elle laisse deviner des présences cachées à notre regard. D’autres fois encore, comme dans Mélancolie et mystère d’une rue (1914), l’ombre n’a pas plus de consistance que la silhouette de la petite fille que l’on dirait imprimée sur la chaussée. L’ombre qui devrait donner la preuve de la réalité et de la solidité des choses n’apporte ici aucune certitude, ni aucune confirmation de cette réalité. D’où le sentiment d’étrangeté et l’inquiétude accompagnée de mélancolie qui en découlent.

Quant aux paysages urbains que Mario Sironi peint autour des années vingt, ils ne sont pas plus accueillants. Sironi, en effet, aime à peindre des périphéries sans âme, des banlieues vides et tristes avec leurs routards, leurs mendiants et leurs buveurs tout aussi tristes et solitaires. Dans ces tableaux, désolation et tragique quotidien renvoient à une inquiétante modernité et au désenchantement d’un monde d’où les Dieux se sont enfuis et où le nouveau Dieu n’est pas encore venu[6]. Dans cet entre-deux il n’y a pas de place pour l’harmonie, la plénitude, la sérénité et le bonheur. Au temps de la détresse[7], l’homme est à l’image de la ville moderne, tel ce Buveur (1929) enfermé en lui-même, pareil à une forteresse de solitude et d’indifférence, tout comme la périphérie industrielle dont il est emblématique. Et l’on ne s’étonnera pas, en regardant ce tableau, que Sironi qu’on qualifie volontiers de peintre du Régime fasciste n’ait pas toujours été tenu en odeur de sainteté par ce même Régime qui aimait par-dessus tout les fanfaronnades et les postures héroïques.

 

C’est dans cet espace déshumanisé et dévitalisé que doit être pensé le problème des rapports entre foule et individu qui plonge ses racines dans le xviiie siècle, mais qui se pose avec force à la fin du xixe siècle avec l’affirmation du capitalisme industriel et le triomphe de la technique. Au cœur de cette mutation sociale, politique et anthropologique, l’individu tend à perdre sa qualité de sujet pour se fondre dans la masse. Dans cette optique, la multitude a comme corollaire « l’homme commun, l’homme anonyme et indifférencié[8] » ; en un mot, l’homme de la masse dont l’espace obligé est la ville. Or la ville devient de plus en plus inquiétante, vivant de sa vie propre, en total décalage avec la vie de ceux qui l’habitent, comme en témoigne Baudelaire avec Le cygne :

 

Le vieux Paris n’est plus (la forme d’une ville
Change plus vite, hélas ! que le cœur d’un mortel) ;

Je ne vois qu’en esprit tout ce camp de baraques,
Ces tas de chapiteaux ébauchés et de fûts,
Les herbes, les gros blocs verdis par l’eau des flaques,
Et, brillant aux carreaux, le bric-à-brac confus.s.[9]

 

          Avec ces deux vers, un peu comme chez les futuristes, nous avons l’image d’une ville en pleine transformation et il est intéressant, dans les deux cas, de remarquer que la ville se met à vivre de sa vie propre. Pensons un instant à un célèbre tableau d’Umberto Boccioni au titre dynamique, « La ville monte » (La città sale), peint dans les années 1910-1911. Révélateur du dynamisme de la ville moderne qui, telle une divinité païenne, absorbe l’individu et se nourrit de son énergie, ce tableau donne à voir, « en un bric-à-brac confus », la frénésie des grandes métropoles industrielles que privilégient les futuristes. Loin de tout souci de vraisemblance naturaliste, Boccioni s’attache à montrer et à faire sentir l’énergie, la vitalité et le mouvement qui animent la ville en une spirale sans fin. Quant au grand cheval en diagonale qui tire une charrette, il représente la force et la vigueur sans lesquelles ne monteraient pas échafaudages, édifices et cheminées d’usines que l’on aperçoit dans le fond. Dans ce tableau aux couleurs fauves, animaux, hommes et choses sont pris dans un même tourbillon ascensionnel. Cependant, paradoxalement, la ville moderne, tumultueuse et surpeuplée, est « le grand désert d’hommes » dont parle Baudelaire, lui qui, « perdu dans ce vilain monde, coudoyé par les foules[10] », se sent rejeté, car l’humain devient étranger à la ville. Et le cygne est l’allégorie de cette inhabitabilité au moment même où la ville, historiquement parlant, s’impose comme le lieu où l’homme est sommé d’habiter. Baudelaire a bien saisi l’essence de la ville moderne : une ville en continuelle transformation, une ville dynamique, mais une ville qui est un lieu de déréliction et de solitude, qu’il suffise de rappeler la négresse amaigrie et phtisique piétinant la boue parisienne et « donnant », en quelque sorte, « la main[11] » à une autre exilée, Andromaque. D’où la formulation apparemment paradoxale, mais fondamentalement juste, de la ville comme « grand désert d’hommes » où l’individu, anonyme, est renvoyé à sa solitude et à son irréductible altérité.

Dans cette perspective, deux poètes qui commencent à publier dans les années 1910 ont requis notre attention, il s’agit de Camillo Sbarbaro et Thomas Stearns Eliot. Si nous avons réuni ces deux poètes qu’a priori tout oppose, hormis l’accueil d’une partie de l’héritage baudelairien, c’est parce que nous est apparue dans l’œuvre de chacun d’eux la dimension paradoxale de la désertification et de la solitude inextricablement liées à la multitude dans un monde où les choses, ayant perdu tout lien rationnel, deviennent des fragments ne renvoyant plus à une totalité[12].

Comme chez Baudelaire, celui qui dit « je », dans Pianissimo de Sbarbaro, se trouve confronté à la foule de la ville. La multitude apparaît dans son œuvre comme une force mécanique avec laquelle le poète se confond. L’individu se défait de sa singularité et s’annule dans la masse au détriment de tout principe de responsabilité et d’identification. Pour Sbarbaro, l’immersion dans la foule signifie la mort de l’individu. Le poète, lui aussi, est homme de la masse et donc du désert, car la foule est la caricature de toute communauté, quand le monde ne peut plus être pensé comme totalité fondée sur l’harmonie. À l’époque de la modernité, la foule n’est que le résultat du principe quantitatif d’agrégation. C’est pourquoi, lorsqu’il déambule, seul, dans la ville, le poète rencontre des figures grotesques, étrangères et familières tout à la fois, qu’il montre suivant les modalités expressionnistes d’une déformation hallucinée[13] :

Fronti calve di vecchi, inconsapevoli
occhi di bimbi, facce consuete
di nati a faticare e a riprodursi,
facce volpine stupide beate,
facce ambigue di preti, pitturate
facce di meretrici, entro il cervello
mi s’imprimono dolorosamente.[14]

 

Zoomorphes, stupides, heureux, ambigus ou fardés, les visages sont reconductibles à une typologie qui nie radicalement l’individu. C’est pourquoi, à la fin du poème auquel nous venons de faire référence, le poète se dit effrayé « de voir que les hommes sont si nombreux[15] ». Et à la quantité, notion que nous retrouverons chez Eliot, correspond l’uniformisation du destin : naître, peiner et se reproduire, sans autre but, car exister est une condamnation dont le terme est l’obscurité du néant[16]. Aux leurres qui font vivre les hommes, Sbarbaro, dans la lignée de Leopardi, oppose une impitoyable lucidité. Sans illusions face aux valeurs mortes et à la crise advenue, Sbarbaro sait qu’il n’est plus de communauté présente ou à venir et que la ville, dans son immobilité de pierre, est le lieu emblématique de la société de masse et d’une réalité pétrifiée. La « ville de pierre », « immensément vaste et vide[17] » est un espace inhabité où l’on est irrémédiablement seul malgré le tumulte[18] de la foule, des trams et des taxis qui – au lieu de réunir les hommes – les excluent, au risque de les écraser[19].

          Ainsi donc, on observe chez Sbarbaro l’exact renversement de l’idéal futuriste du vitalisme, de l’urbanisme et du machinisme triomphant. Quand les futuristes proclament leur foi dans le monde mécanique et exaltent la machine, la vitesse et l’énergie, Sbarbaro met l’accent sur l’immobilité et la désertification. Le mythe positif des futuristes se retourne en processus de dégradation, la machine devenant en quelque sorte le double de l’homme, automate et somnambule, ravalé au rang d’objet[20]. C’est pourquoi, dans la ville sans âme ni mémoire, ne peut naître qu’un sentiment existentiel d’étrangeté et d’aliénation, de solitude et de non-sens, qui n’est pas sans rappeler les tableaux métaphysiques de Giorgio De Chirico. C’est pourquoi aussi, loin des mots d’ordre et des injonctions des futuristes qui, sans esprit critique, manifestaient leur volonté de participer au processus de transformation de la société, Sbarbaro compose une œuvre étrangère au fétichisme du moderne et du nouveau.

          S’il est un autre lieu poétique où l’élévation, la transparence et l’azur sont forclos, c’est bien la ville d’Eliot, telle qu’elle apparaît dans le poème The waste land dont la première partie se termine par l’adresse au lecteur de Baudelaire : « You ! hypocrite lecteur ! — mon semblable, — mon frère ![21] ». Avec Eliot également, il sera question de la ville et de la terre « gastes », comme on le disait au Moyen âge, et il est fort probable qu’au moment de donner un titre à son poème Eliot avait présent à l’esprit le « paese guasto » du chant XIV de l’Enfer de Dante[22] dont il était un fin connaisseur.

          Dans ce poème d’Eliot publié en 1922, soit quelques années après la catastrophe que fut la première guerre mondiale, se fait jour un véritable mythe de la dégradation et de l’aridité. Dans cette perspective, la ville apparaît comme une ville fantôme, irréelle dans le « fauve brouillard », « à l’heure violette[23] ». De la « fourmillante cité pleine de rêves, où le spectre en plein jour raccroche le passant », comme le disait Baudelaire[24], il ne reste que tristesse et désolation. Dans l’atonie généralisée d’un espace inhospitalier, vaste et confus, la ville devient, comme chez Sbarbaro, le lieu où multitude et solitude se confondent, car la grande métropole de la modernité est traversée par des masses anonymes de morts-vivants :

Unreal City,
Under the brown fog of a winter dawn,
A crowd flowed over London Bridge, so many,
I had not thought death had undone so many.[25]

À l’évidence, dans cette grande métropole moderne, la foule se substitue au sujet dont l’intégrité est plus que menacée puisqu’il est en exil de lui-même, c’est-à-dire en proie à l’aliénation et à la dépersonnalisation. D’où, lorsqu’il n’y a plus aucune valeur à partager ni aucune transcendance, la stérilité des rapports humains et l’incommunicabilité :


‘My nerves are bad to - night. Yes, bad. Stay with me.
‘Speak to me. Why do you never speak. Speak.
‘What are you thinking of ? what thinking ? What ?
‘I never know what you are thinking. Think.’

I think we are in rats’ alley
Where the dead men lost their bones.[26]

 

Néant affectif, néant social, néant urbain, la ville, comme dans l’Ulysse de Joyce, devient le lieu emblématique de l’aliénation et de la déréliction. Quant aux fantômes qui la peuplent, ils n’ont pas de nom pour la plupart et sont reconductibles à une typologie sociale complètement déshumanisée (la dactylo, le gratte-papier…) dans le quotidien terne et étriqué de la ville désertifiée[27]. Mais cette négativité ne pèse pas que sur la ville et sur ceux qui y restent tels des automates et des morts-vivants, elle pèse également sur la nature et l’univers tout entier. Comme on peut le constater aussi chez les expressionnistes, la nature n’est pas un contrepoint positif à la ville : « le fleuve sue le mazout et la poix[28] », est-il dit. La nature n’est plus source de vie ni de régénération. « Les nymphes s’en sont allées[29] » et la pluie ne vient plus vivifier une terre dévitalisée par la sécheresse :

 

Here is no water but only rock
Rock and no water and the sandy road
[…]
There is not even silence in the mountains
But dry sterile thunder without rain[30]

                                                       And voices singing out of empty cisterns and exhausted wells..[31]

Ici apparaît avec force « le pouvoir destructeur du moderne[32] » qui fait non seulement de la ville, mais de la terre tout entière, le lieu de l’anonymat, de la solitude, de la déréliction et de l’aliénation humaines. Et c’est bien à une catastrophe de l’humain que nous assistons dans ce poème.

Quelques décennies plus tard, très précisément aujourd’hui, Paul Virilio dresse un constat sans appel :

VILLES PANIQUES qui signalent, mieux que toutes les théories urbaines sur le chaos, le fait que la plus grande catastrophe du XXe siècle a été la ville, la métropole contemporaine des désastres du Progrès.[33]

Dans cette ville anonyme et inhospitalière, « la plus grande catastrophe du xxe siècle », à quelles représentations de l’humain sommes-nous confrontés ? Nous avons évoqué les rapports entre individu et foule qui induisent l’errance, la solitude et la dévitalisation d’êtres fantomatiques ayant perdu toute individualité. L’être de la modernité n’est plus être sociable, mais chose parmi les choses, infiniment seul et anonyme dans la ville de pierre. C’est un monde dévitalisé qui se donne à voir, jusqu’au corps de l’homme qui est privé de chair et qui est perçu bien souvent comme une ombre ou une mécanique. Avec leur antihumanisme chevillé au corps, les futuristes privilégient le machinisme et vont jusqu’à affirmer que « la douleur d’un homme est aussi intéressante que la douleur d’une lampe électrique qui souffre avec des sursauts spasmodiques et crie avec les plus déchirantes expressions de la douleur[34] ». Et Giacomo Balla n’a pas manqué de peindre une Lampada ad arco qui témoigne de l’amour des Futuristes pour la lumière électrique. Ici Balla a utilisé la technique divisionniste pour peindre des éclats de lumière avec un effet de plumes ocelées. On distingue, et ce n’est pas sans ironie de la part du peintre, un croissant de lune perdu tout en haut, à droite, et emprisonné dans la lampe à arc. Or, on sait la haine que vouaient les futuristes au trop romantique et déliquescent clair de lune, sans oublier leur incompréhension de la nature. Et même s’il ne s’agit là que de postures idéologiques, il n’en reste pas moins que ce déni de la nature et des sentiments est révélateur d’un antihumanisme exacerbé qui alimentera, pendant la seconde guerre mondiale, l’entreprise – rationnellement pensée et organisée – d’extermination de populations entières que l’on pouvait détruire sans culpabilité ni états d’âme puisqu’on leur déniait toute humanité[35].

Se présentant sous forme d’un « ensemble plastique », l’Autoportrait de Marinetti est également révélateur d’un déni d’humanité puisque la figure humaine est réduite à n’être qu’une mécanique géométrique, un pantin articulé. On assiste, avec un peu d’ironie, certes, à la volonté de liquidation du sentimentalisme, du psychologisme et, plus généralement, de l’humanisme. On sait, par ailleurs, que Marinetti rêvait d’une « nouvelle sensibilité futuriste » pour un homme nouveau futuriste dont le prototype est Gazurmah, le « héros sans sommeil », l’homme-machine qui vole toujours plus haut dans les airs, le fils mécanique, engendré sans le secours de la femme, par Mafarka-le-Futuriste (héros éponyme du roman de Marinetti).

Même Boccioni (peut-être le plus humaniste des futuristes) avec Forme uniche della continuità nello spazio (1913) envisage le corps comme mécanique. Il veut représenter les effets aérodynamiques du mouvement, c’est-à-dire l’énergie, la force qui s’identifie à la forme. C’est pourquoi Umberto Boccioni étudie les effets physiques de la compénétration du corps et de l’atmosphère, les pressions exercées en fonction de la vitesse. D’où la déformation élastique de certaines parties du corps à cause de la résistance de l’air, la mise en relief des articulations et enfin un effet de dédoublement dû à la permanence des images sur la rétine.

Revenons également à De Chirico. Concernant la figure humaine, ou ce qu’il en reste, entre 1910 et 1918 elle subit un processus continu de déshumanisation et de réification qui ne fera que s’accentuer pour en arriver aux fameux mannequins. Petite silhouette noire désincarnée, ombre de son ombre, sans visage et sans yeux, tout comme les marionnettes à venir, mannequins parodiques et monstrueux parce que morcelés et agencés de bric et de broc avec règles, équerres, châssis, planchettes de bois et autres instruments d’ingénieur, l’humain s’absente. Engrenages mécaniques, « dieux orthopédiques », selon l’expression de Roberto Longhi, Hector et Andromaque se servent mutuellement d’étais pour une impossible embrassade. Ce tableau de 1917 n’est pas sans rappeler ces mutilés, gueules cassées de la Grande Guerre, condamnés au mutisme et aux béquilles, rejetés à cause de la monstruosité de leurs blessures, interdits d’humanité. Quant aux Muses inquiétantes, elles sont abandonnées sur les planches d’un théâtre. Leur nature ambiguë et composite de colonnes, de statues et de mannequins renforce l’impression de réification et de désert humain. L’homme est absent et les dieux se sont enfuis. D’ailleurs, le souffle du dieu pourrait-il encore traverser la muse et inspirer l’artiste ? Le monde, en une métaphore baroque, est une scène de théâtre et les hommes des marionnettes en équilibre instable, une fois de plus, sur un plan trop incliné vers l’avant dans un silence persistant et ironiquement solennel. Et l’une des muses a tout bonnement posé sa tête à côté d’elle, à moins qu’elle ne l’ait jamais eue sur ses épaules. À l’époque de la totalité perdue et de l’impossible visée vers l’intemporel et l’éternel qui sont le signe profond du classicisme, le mythe a perdu sa force de vie et de vérité. Réduit à n’être que le réceptacle vide du sens in absentia, le mythe n’est plus fondateur. Reste la nostalgie. Et le sens, lui aussi, a déserté le monde. Un monde stérile, minéral et fossilisé qui se donne à voir dans les villes mortes, nécropoles géométriquement spectrales, aux places désertes et silencieuses avec leurs bâtiments absurdes sous un ciel lourd qui « pèse comme un couvercle[36] ». L’espace clôturé et fragmenté par ces édifices qui tiennent de la fortification et non du lieu habitable est un no man’s land hallucinant de solitude.

          De Chirico, malgré le culte qu’il voue à la Grèce antique – il est né à Volo, patrie des Argonautes – sait bien que l’homme moderne se trouve en présence d’un héritage culturel dont l’intelligibilité est perdue, car d’assemblage en assemblage, le monde ressemble à un grand bric-à-brac dont on ne perçoit plus le sens. Et De Chirico parlera du « monde imbécile et insensé qui nous accompagne dans cette vie ténébreuse ». Dans d’autres écrits, il reviendra à plusieurs reprises sur l’idée de non-sens : « non-sens de l’univers » et vie comme « pur non-sens[37] ».

Vie comme pur non-sens, ville de pierre, hommes mécaniques. Après avoir traversé jusqu’à la postmodernité, dans quelle généalogie sommes-nous par rapport à cette représentation du monde et de l’humain ? N’y aurait-il pas quelques rapprochements à faire, au moins avec les futuristes ? Vitesse, instantanéité, simultanéité, ubiquité sont des concepts que les nouvelles technologies – et en particulier les nanotechnologies – mettent en œuvre par le biais des ordinateurs, des GPS, des satellites et des téléphones portables. Paul Virilio affirme que « ce qui monte maintenant [et il est intéressant qu’il reprenne le titre du tableau de Boccioni], c’est l’avènement d’une ‘omnipolis’ : une ville qui est partout et nulle part […] », une ville qui consistera de plus en plus en « une connexion ou un réseau de ports, d’aéroports, de gares, de télécoms, etc. ». C’est ce qu’il nomme aussi « l’OUTRE-VILLE ». D’où l’idée qui lui est chère selon laquelle ailleurs commence ici puisque ailleurs et ici, c’est pareil. Le local est donc mis à l’épreuve du global et l’individu est finalement un corps bardé de technologies de plus en plus performantes qui permettent de l’identifier et de le localiser à chaque instant et en tout lieu, sans compter que le parc des caméras de vidéosurveillance s’est considérablement développé dans un monde où « la traçabilité remplace l’identité territoriale et familiale[38] ». Ces technologies ont donné l’idée à certains artistes contemporains comme Stelarc d’amplifier leur corps par le biais de ces mêmes technologies, non pas en les portant sur eux comme nous le faisons avec nos portables, nos téléphones et nos cartes bancaires, mais par le biais d’implantations et de systèmes les reliant à des machines et des robots.

L’artiste australien Stelarc, considéré comme l’un des « artistes post-humains », a acquis sa notoriété, dans un premier temps, en présentant des performances où il se suspendait par des crochets pour éprouver l’élasticité de la peau. Poussant le body-Art jusqu’à l’automutilation et la torture du corps, Stelarc a voulu aller plus loin et devenir l’homme bionique de l’ère post-industrielle. Quelques exemples de performances devraient suffire pour la démonstration : Stelarc s’est fait greffer une troisième oreille sur son avant-bras gauche. Il s’agit d’une structure poreuse qui permet aux cellules de la peau de pousser à l’intérieur pour que l’oreille finisse par faire partie biologiquement de son bras. Lors de l’intervention chirurgicale, il avait également fait implanter un micro dans l’oreille, connecté par blue tooth qui devait permettre une connexion à distance à son oreille via internet, mais à la suite d’une infection le micro a été retiré. Par la suite il a développé un troisième bras robotisé interagissant avec son corps ou avec d’autres facteurs comme des informations venant d’internet. Il a aussi présenté son exosquelette à six pattes, un robot mis au point avec des ingénieurs de Hambourg qui le fait ressembler à un homme-machine propulsé par air comprimé. Stelarc explique que « tous [ses] projets et performances se penchent sur l’augmentation prothésique du corps, que ce soit une augmentation par la machine, une augmentation virtuelle ou par des processus biologiques, comme l’oreille supplémentaire, ce sont des manifestations du même concept : l’idée du corps comme architecture évolutive et l’exploration d’une structure anatomique alternative ». Et il ajoute : « je ne vois pas le corps comme le site de la psyché ou de l’inscription sociale qui présuppose une sorte de moi, mais comme un appareil biologique qu’on peut redesigner ».

Dépassant les rêves les plus fous de Marinetti, l’homme devient donc machine en interaction avec les nouvelles technologies. Et, dans cette optique, il est bien évident que, pour Stelarc, il faut adapter l’homme aux technologies et non les technologies à l’homme et il affirme même qu’il faut commencer par implanter un téléphone cellulaire dans chaque corps humain pour qu’il soit en relation permanente avec les satellites[39]. L’être humain se réduit à n’être plus qu’un objet, corps manipulable et modifiable, soumis aux technologies et aux expérimentations génétiques. Tout comme les futuristes, Stelarc ne s’interroge pas sur l’aspect éthique[40] de ses performances ni sur leurs implications économiques et politiques, à savoir l’homme soumis à la compétition sociale et économique qui devra être de plus en plus performant et compétitif. Par le biais de modifications de toutes sortes de son corps, il aura le devoir d’être plus résistant aux fléaux anciens et nouveaux, mieux adapté à des cadences infernales, à la pollution, à la radioactivité, etc. Comme le souligne Paul Virilio, un tel projet « endocolonisateur » « n’est plus d’entourer de ses soins le corps du patient, mais de le transformer en matière première, faire de l’homme surexcité un rat de laboratoire… Du surhomme évolutionniste du siècle dernier à l’homme surexcité et post-évolutionniste du siècle qui vient, il n’y avait qu’un pas à franchir, un pas de plus vers les ténèbres d’un obscurantisme post-scientifique [41]».

Reste à savoir si ce processus peut encore s’inverser et si nous saurons encore nous donner les moyens d’échapper à l’enfer technologique, à la tyrannie de la performance, à l’antihumanisme délirant, à la fièvre de l’ubiquité et à la frénésie de l’instantanéité[42]. Rien n’est moins sûr, mais rien n’apparaît plus urgent.

 

 

 

 

[1] Selon la formule de Georges Bensoussan, Auschwitz en héritage ? Du bon usage de la mémoire, Paris, Mille et une nuits, 1998, p. 87.

[2] Charles Baudelaire, « La Modernité », in Œuvres complètes, Paris, Gallimard, « Pléiade », 1976, vol. II, p. 694.

[3] Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, Paris, Gallimard, « Le livre de poche », 1952, p. 186.

[4] Voir, par exemple, des œuvres peintes entre 1912 et 1917 : Mélancolie, La statue silencieuse, L’après-midi d’Ariane, La grande tour, L’incertitude du poète, La conquête du philosophe, Le voyage angoissé, La nostalgie de l’infini, Gare Montparnasse, La caserne du marin, L’énigme d’une journée, Le grand métaphysicien.

[6] Voir Martin Heidegger, traduit de l’allemand par Henry Corbin, Michel Deguy, François Fédier et Jean Launay, Parid, Gallimard, « nrf », 1973, p. 60 : « Mais en fondant de nouveau l’essence de la poésie, Hölderlin commence par déterminer ainsi un temps nouveau. C’est le temps des dieux enfuis et du dieu qui va venir. C’est le temps de la détresse, parce que ce temps est marqué d’un double manque et d’une double négation : le ‘ne plus’ des dieux enfuis et le ‘pas encore’ du dieu qui va venir. »

[7] Voir Friedrich Hölderlin, « Le pain et le vin », in Œuvres, édition publiée sous la direction de Philippe Jaccottet, Paris, Gallimard, « nrf », 1967, p. 813 : « – et pourquoi, dans ce temps d’ombre misérable, des poètes ? ».

[8] Umberto Fiori, Poesia italiana del Novecento, Milano, Mondadori, 1995, p. 95 : « l’uomo comune, l’uomo anonimo e indifferenziato ».

[9] Charles Baudelaire, « Le cygne », op. cit. , vol. I, p. 85-86.

[10] Ibid., « Fusées », vol. I, p. 667.

[11] Ibid., « Le cygne », p. 86-87. Formulation de Claude Pichois, p. 1006.

[12] Voir Friedrich Nietzsche, Le cas Wagner, in Œuvres, Paris, Robert Laffont, Collection « Bouquins », 1993, vol. 2, p. 911.

[13] Concernant cette question des rapports entre masse et individu, nous reprenons et synthétisons l’analyse d’Umberto Fiori, op. cit., p. 95-96.

[14] Camillo Sbarbaro, « Pianissimo », in L’opera in versi e in prosa, Milano, Garzanti, 1985, p. 32.

[15] Ibid. p. 33 : « a vedere che gli uomini son tanti ».

[16] Ibid., p. 32 : « E conosco l’inganno pel qual vivono, / il dolore che mise quella piega / sul loro labbro, le speranze sempre / deluse, / e l’inutilità della lor vita / amara e il lor destino ultimo, il buio. »

[17] Ibid., p. 25 : « […] immensamente vasta e vuota / una città di pietra […] ».

[18] Ibid., p. 32 : « Talor, mentre cammino per le strade / della città tumultuosa solo, ».

[19] Ibid., « Trucioli », p. 384. Citons l’exemple de ce vieux conservateur de musée : « La sua esistenza che nell’ombra del museo tiene appena, qui all’aperto tutto la pone in dubbio, la scarta : dall’indaffarato che lo sgomita non vedendolo, al tassì avventato in salita che gli ingiunge di togliersi di mezzo, di sparire. »

[20] Voir l’analyse de Vittorio Boarini et Pietro Bonfiglioli in Avanguardia e restaurazione, vol. I, Bologna, Zanichelli, 1976, p. 125 ; ainsi que celle de Vincenzo Mengaldo in Poeti italiani del Novecento, Milano, Mondadori, p. 320.

[21] Thomas Stearns Eliot, « The burial of the dead », in Poésie, édition bilingue, Paris, Seuil, 1969, p. 60.

[22] Dante Alighieri, La Divina Commedia, « Inferno », ch. xiv, v. 94, Milano, Ulrico Hoepli, 1983, p. 112.

[23] Thomas Stearns Eliot, « The fire sermon », op. cit., p. 72 : « Under the brown fog », « At the violet hour ».

[24] Charles Baudelaire, « Les sept vieillards », op. cit., vol. I, p. 87. Les vers cités nous rappellent que Baudelaire est loin d’être réductible au désenchantement du monde, lui qui écrit, entre autres : « […] il est beaucoup plus commode de déclarer que tout est absolument laid dans l’habit d’une époque, que de s’appliquer à en extraire la beauté mystérieuse qui y peut être contenue, si minime ou si légère qu’elle soit. », Ibid., Paris, Gallimard, 1976, vol. II, p. 694-95.

[25] Thomas Stearns Eliot, « The burial of the dead », op. cit., p. 60-61.

[26] Ibid., « A game of chess », p. 65.

[27] Voir l’analyse de Vittorio Boarini et Pietro Bonfiglioli, op. cit., vol. 2, p. 228.

[28] Thomas Stearns Eliot, « The fire sermon », op. cit., p. 76 : « The river sweats / oil and tar ».

[29] Ibid., p. 70 : « The nymphs are departed. »

[30] Ibid., « What the thunder said », p. 82.

[31] Ibid., p. 86.

[32] Romano Luperini, Pietro Cataldi, Lidia Marchiani, La scrittura e l’interpretazione, vol. 6, t. 1, Palermo, Palumbo, p. 202.

[33] Paul Virilio, Ville panique, Ailleurs commence ici, Paris, Galilée, 2004, p. 94.

[34] Manifeste des peintres futuristes (1910).

[35] Voir Stephan Zweig, Le Monde d’hier. Souvenirs d’un Européen, traduction de Serge Niémetz, Paris, Belfond, 1993, p. 13 : « Tous les chevaux livides de l’Apocalypse se sont rués à travers mon existence : révolution et famine, dévalorisation de la monnaie et terreur, épidémies et émigration ; j’ai vu croître et se répandre sous mes yeux les grandes idéologies de masse, fascisme en Italie, national-socialisme en Allemagne, bolchevisme en Russie, et avant tout cette plaie des plaies, le nationalisme, qui a empoisonné la fleur de notre culture européenne. Il m’a fallu être le témoin sans défense et impuissant de cette inimaginable rechute de l’humanité dans un état de barbarie qu’on croyait depuis longtemps oublié, avec son dogme antihumaniste consciemment érigé en programme d’action. »

[36] Charles Baudelaire, « Spleen », op. cit., vol. I, p. 74.

[37] Giorgio De Chirico, L’Art métaphysique, textes réunis et présentés par Giovanni Lista, L’échoppe, Paris, 1994, p. 91, 119 et 124.

[39] Concernant tout ce qui a trait à Stelarc dans ce paragraphe et dans le paragraphe précédent, nous avons eu recours aux sites (consultés le 26 février 2021) :

http://www.artwiki.fr/cours/technoromantisme/stelarc.html http://lesnodulesetranges.blogspot.com/2007/04/texte-stelarc.html https://www.liberation.fr/culture/2007/10/12/le-corps-amplifie-de-stelarc_103649/.

[40] Voir Jean Clair, La responsabilité de l’artiste, les avant-gardes entre terreur et raison, Paris, Gallimard, 1997.

[41] Cité sur le site http://www.artwiki.fr/cours/technoromantisme/stelarc.html (consulté le 26 février 2021). Voir également Paul Virilio, Discours sur l’horreur de l’art. Enrico Baj, Paul Virilio ; entretiens traduits de l’italien et présentés par Jean-Manuel Traimond, Lyon, Atelier de création libertaire, 2003.

 [42] Voir Paul Virilio, Le Futurisme de l’instant, Paris, Galilée, 2009.

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